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Né en 1858 à Lucques, Giacomo Puccini s'est découvert une passion pour la musique après avoir assisté, à Pise, à une représentation de l' Aïda de Verdi. Il s'est installé plus tard à Torre del Lago (aujourd'hui Torre del Lago Puccini), où ont été composées ses oeuvres les plus célèbres : Manon Lescaut, La Bohême, Tosca et Madame Butterfly.Artiste célébré et couronné de succès, Puccini a tout de même vu son image sérieusement écornée lorsque, en 1909, sa domestique est poussée au suicide par la jalousie de son épouse, Elvira - un drame qui a des conséquences désastreuses pour l'harmonie du couple et dont la presse à sensation fait évidemment ses choux gras.Puccini était un fumeur invétéré et nombre de photos - ainsi que la statue qui lui rend hommage dans sa ville natale - le représentent d'ailleurs une cigarette à la main ou à la bouche.Tandis qu'il travaille à son opéra Turandot, en 1923, il se plaint de plus en plus de problèmes à la gorge ; dans la foulée d'une cure à Salsomaggiore, les médecins posent le diagnostic de cancer de l'épiglotte. Eu égard à la célébrité du patient, ce sont pas moins de trois ORL qui se penchent sur son cas, dont Giuseppe Conte Gradenigo, qui fut le premier à décrire le syndrome qui porte son nom (triade associant une otite, une douleur orbitaire profonde et une paralysie des nerfs abducens en conséquence d'une pétrosite).Les trois spécialistes italiens décident néanmoins de ne pas assumer euxmêmes la prise en charge et de renvoyer le patient à leur collègue bruxellois Louis Ledoux, qui vient de développer une approche thérapeutique novatrice associant traitement au radium et chirurgie.Puccini arrive à Bruxelles le 4 novembre 1924. Le Dr Ledoux juge toutefois sa tumeur trop avancée pour une laryngectomie, d'autant qu'il souffre également d'un diabète qui accroît évidemment son risque d'infection postopératoire - à une époque, rappelons-le, où il n'y avait encore ni antibiotiques ni insuline. Il se décide donc pour une approche associant à la chirurgie une radiothérapie au radium, une substance importée des colonies et plus précisément de la province du Katanga.Le compositeur est ensuite transféré à la clinique du Dr Sluys, emportant avec lui la partition de Turandot, à laquelle il espère pouvoir travailler.Le 7 novembre est réalisé le premier volet du traitement, la pose d'une sorte de minerve munie de fins tubes de radium. Au cours de cette phase, Puccini peut encore être conduit discrètement à La Monnaie pour y assister une dernière fois à son opéra favori, Madame Butterfly.Le 24 novembre suit le second volet du traitement, le placement transcutané de sept aiguilles platine-iridium après fenestration bilatérale du cartilage thyroïde. Le patient subit également une trachéotomie et le placement d'une sonde alimentaire. Le Dr Ledoux se montre toutefois optimiste, affirmant trois jours plus tard au directeur de La Monnaie que " Puccini s'en sortira ! ".Quatre jours après l'intervention, Puccini perd soudainement connaissance, probablement suite à une chute de tension brutale ; accouru à son chevet, le Dr Ledoux retire immédiatement les aiguilles. Le compositeur retrouve ses esprits, mais le médecin est tellement sous le choc de l'incident qu'il renverse une piétonne en rentrant chez lui en voiture. Victime d'un traumatisme crânien, elle décédera à l'hôpital.Le lendemain, c'est Giacomo Puccini qui rend l'âme ; lui qui a fait chanter tant de voix extraordinaires a complètement perdu la sienne. Une première cérémonie est organisée à l'Église royale Sainte-Marie, dans un quartier où sont installés de nombreux travailleurs italiens, mais la dépouille du compositeur sera rapatriée en Italie, où il repose dans la chapelle de sa villa à Torre del Lago.Puccini n'avait vraisemblablement guère de chances de guérir : son cancer était déjà très avancé et les médecins de l'époque ne disposaient évidemment pas des possibilités médico-chirurgicales actuelles.Bien que révolutionnaire, le traitement du Dr Ledoux fut abandonné quatre ans plus tard par son inventeur. Même si le médecin n'était absolument pas responsable du décès de son illustre patient d'un point de vue médico-légal (la coupable étant avant tout la cigarette), cet échec l'avait profondément marqué.Puccini n'eut jamais le temps d'achever Turandot, dont les deux dernières scènes ont été complétées plus tard par Franco Alfano sous la supervision d'Arturo Toscanini. En hommage au grand homme, la première représentation fut toutefois interrompue là où il avait écrit ses dernières notes...