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Pourtant, la Centrale nationale des employés (CNE) critique les décisions prises par le Fédéral, notamment le " raccourcissement de la durée de séjour et l'évolution technologique qui ont pour impact l'intensification du travail, la déshumanisation et une surcharge administrative, la commercialisation de la santé, la réduction des budgets, la réforme des hôpitaux et la pénurie de personnel infirmier ". Rien que ça. Yves Hellendorf, secrétaire national de la CNE, veut même " un plan d'action fort pour mettre la pression sur le futur gouvernement et les fédérations patronales ".Mais ces revendications - des évidences finalement pour la plupart - ne sont-elles pas vouées à l'échec ? Ou en tout cas, ne se trompent-elles pas de destinataire ? Une partie de la réponse tient dans le fait que plusieurs mardis sont déjà bookés pour manifester. Les syndicats sont donc au courant de l'âpreté de la tâche qui les attend.Une autre partie de la réponse est à trouver dans l'instant choisi pour manifester : le lendemain des élections. Certes, une manifestation avait déjà eu lieu le 7 mai dernier, mais les politiques avaient d'autres chats à fouetter. Et finalement, que l'on se présente aux élections régionales ou communales, le problème du financement des hôpitaux, de son personnel à ses infrastructures est tellement complexe qu'aucun politique n'ose aborder le problème.Et au vu du résultat des élections, le problème s'éloigne encore plus de la table des discussions. L'urgence, au Fédéral, est de maintenir un semblant d'unité dans le pays plutôt que de penser à s'accorder sur la direction à prendre pour les cinq ans à venir. Et puis, il ne faut pas rêver, quelle que soit l'issue : les économies continueront. Et elles toucheront les soins de santé. Comme le soulignait Benoît Hallet, directeur général adjoint d'Unessa, sur La Première mardi dernier : " Il y a un sous-financement structurel des hôpitaux. On évalue par exemple ce sous-financement structurel cumulé sur plusieurs années à plus de 900 millions d'euros pour les hôpitaux en Belgique. L'année prochaine, on atteindra probablement le milliard de sous-financement de ces hôpitaux. Vous imaginez fort bien que dans des conditions comme celles-là, il est évidemment difficile d'assurer parfaitement, dans les meilleures conditions, l'encadrement de nos patients, et donc d'avoir un encadrement suffisant. "Enfin, dernier point et non des moindres : les décideurs pourront toujours se cacher sous la lasagne institutionnelle pour ne pas rencontrer les revendications des syndicats. " À mon niveau de pouvoir, je ne sais rien faire. Cela dépend du Fédéral - de la Région - de la Communauté (biffer les mentions inutiles) ", c'est la ritournelle habituelle.Il faut donc le dire : les blouses blanches se trompent partiellement d'interlocuteur. C'est ça ou c'est la Flandre qui a une vingtaine d'années d'avance sur Bruxelles et la Wallonie en termes d'organisation des soins. Parce que les blouses blanches flamandes ne se plaignent pas des conditions de travail. D'accord, au Sud, on est plus vite dans la rue, mais tout de même, cela pousse à réfléchir. Qui est le responsable de la crise actuelle ?En définitive, il faut prendre son destin en main, et faire avec ce que l'on a. Oui, le raccourcissement des séjours est une réalité, mais c'est une réalité qui ne se limite pas à la Belgique. C'est une tendance mondiale. La libéralisation, s'il faut peut-être lui mettre en frein, fait partie du jeu. Les réseaux, le retour précoce à domicile, l'évolution technologique ne constituent pas un frein comme l'estime la CNE mais une opportunité à saisir pour des initiatives de terrain. Cela doit pousser l'hôpital à sortir de ses murs. La technologie permet par exemple aujourd'hui de mieux mieux gérer le flux grossissant des patients pour se concentrer sur l'humain, le care. Si le politique peut redéfinir les rôles (la réforme de l'AR78), c'est aux professionnels de soins de dicter la conduite, de proposer des adaptions ou de réinventer la profession s'il le faut. La solution ne viendra pas d'en haut. Reste aux acteurs de terrain d'être suffisamment imaginatifs pour tirer des collaborations existantes ou futures des moyens financiers à allouer aux conditions de travail des blouses blanches. Une piste parmi tant d'autres qui a l'avantage de ne pas devoir attendre une réponse de la part du monde politique.