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Consacrée aux oeuvres de fin de vie de Francis Bacon, Bacon en toutes lettres met en rapport les grandes toiles du peintre anglais avec des ouvrages qui peuplaient sa bibliothèque, riche de plus de 1.000 ouvrages : Eschyle, Eliot, Conrad pour les tragédies et le roman, Nietzsche pour la philosophie et les essais sur l'art et la tauromachie de Leiris où les textes de Bataille sont présentés dans des espaces cubiques blancs (des sortes de white cubes très art contemporain) qui rappellent les... cubes souvent présents dans l'oeuvre de Bacon, et lues par des acteurs comme Mathieu Amalric, Hippolyte Girardot ou Jean-Marc Barr entre autres.Une expo osée, puisque Bacon a toujours réfuté toute interprétation narrative de son oeuvre : et s'il est vrai qu'il y a des références à Eschyle dans certaines études ou à la tauromachie, il s'en réfère plutôt à Ingres et son Oedipe et le Sphinx, peint dans des triptyques cabossés, décharnés voire atrophiés, une carcasse et un oiseau de proie, décrit son amant George Dyer disparu en 71 ou portraitise son ami Michel Leiris, quand ce n'est pas lui-même. L'expo se termine sur un autoportrait trouble et troublant de 73 flanqué de trois études.Au milieu de quelques pièces originales, d'une dune prise dans l'un de ses fameux cubes, une scène de rue laissant partir un arrière de voiture, cette panoplie d'oeuvres de la fin de 1971 à 1992 donne une impression de systématisme, les triptyques succédant aux triptyques, toujours dans cet univers lynchéen des corps tremblés, floutés, tortillés et qui semblent torturés par le désir.Une chair comme de la viande (la carcasse) qui semble bien éloignée de cette dimension littéraire, dans lequel l'exposition parisienne cherche à enfermer l'artiste, le confiner dans ce fameux quadrilatère qui définit parfois les toiles de Bacon. L'accumulation et la redite finissent par atténuer la forte impression que peut laisser son travail, qui paraît tourner en rond. On est loin des toiles de la maturité artistique, comme cette réinterprétation du tableau de Jules II par Velázquez.La preuve que Bacon se répète : sa seconde version du triptyque de 1944 en 1988, redéfinit son cri, bien moins fort, quarante ans plus tard....Faire des parallèles entre les oeuvres littéraires et les tableaux de Bacon, c'est oublier leur caractère organique, pulsionnel : le travail créatif d'un homme marqué dans son enfance par le conflit irlandais et la lutte pour l'indépendance d'un pays qui n'était pas le sien (ses parents étaient anglais), par la tragédie de la Première Guerre mondiale, et le fait d'avoir été chassé de la maison familiale à 17 ans du fait de son homosexualité.Aucune référence ici à la religion, la culpabilité, la colère qui a dû animer Francis Bacon sa vie durant. Bref, on est loin de la rétrospective présenté à la Tate Britain voici six ans :celle de Pompidou s'appuie sur le texte... plutôt que le contexte.