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Dès août 2020, l'Inami sortait son premier rapport sur l'impact de la pandémie sur le remboursement des soins de santé (lire jdM n°2638). Mais les données étaient parcellaires. Il aura fallu attendre près d'un an et demi pour obtenir une analyse complète de l'impact du Covid pour l'année 2020. Le rapport pointe que la pandémie a eu des conséquences importantes sur le remboursement des soins. "Nous estimons que les dépenses de l'assurance soins de santé pour des prestations de soins ont diminué de 1,474 milliard d'euros en raison du report de certains soins, avec une diminution particulièrement marquée lors de la première vague (mars, avril et mai 2020)."Le poids de la diminution du premier semestre 2020 est impressionnant: 1,227 milliards d'euros. C'est l'effet de la première vague sur nos soins de santé, puisque les trois premiers mois de l'année n'ont pas eu d'impact, les premières mesures ayant été prises à la mi-mars 2020. Un coût faramineux pour ce qui s'apparente plus à un mur d'eau qu'à une vaguelette. Le fléchissement de 247 millions d'euros enregistré lors du 2e semestre 2020 montre que la deuxième vague a cinq fois moins impacté le budget. "Une grande partie des soins postposés lors de la première vague ont progressivement repris surtout aux mois de juin, juillet, août et septembre 2020", explique l'Inami. Quelques soient les données analysées, avril et mai, qui symbolisent le pic de la première vague, sont un point d'orgue. Même les soins urgents, qui ne devaient et ne pouvaient pas être reportés par définition, ont enregistré une forte baisse durant avril et mai. "Nous nous attendions à ce que ces soins ne diminuent pas fortement en 2020 malgré la crise du coronavirus. Toutefois, dans les données, nous constatons que les soins urgents affichent également une forte baisse", reconnaissent les auteurs du rapport. Des exemples? Une chute du nombre d'infarctus en avril 2020 par rapport à avril 2019 (-38,8%), ou encore une stupéfiante diminution du nombre de cas d'insuffisances cardiaques (-79%), toujours en comparant avril 2020 et avril 2019. Avril et mai sont également synonymes d'une réduction du nombre de consultations. En avril 2020, il y a eu 31% de consultations en moins qu'en avril 2019. En mai, la diminution était de 23%. "Au cours de cette période, des mesures strictes ont été prises pour endiguer l'épidémie de Covid-19", tentent d'expliquer les auteurs. C'est le confinement qui a fait chuter les prestations habituelles de 61% en avril et 40% en mai. Heureusement, les 10,6 millions de téléconsultations réalisées en 2020 ont permis d'assurer la continuité des soins et de pallier une situation difficile. Surtout...en avril, lorsque quasiment la moitié des consultations (44,4%) se sont déroulées à distance. On peut tirer les mêmes conclusions des soins ambulatoires hors milieu hospitalier qui ont chuté durant avril (-29%) et mai (-18%), alors que la deuxième vague était à ce niveau indolore, puisque pendant la période octobre-décembre, on observe même une augmentation de 5,1% des dépenses. Il existe bien entendu des différences entre les secteurs. Si les diminutions sont marginales pour les médecins (-0,2%), elles sont plus importantes pour les dentistes (-12,1% sur l'année, -89,6% rien qu'en avril! ), les opticiens (-12,0%), et les logopèdes (-9,7%) notamment. D'autres secteurs au contraire, comme celui de l'art infirmier, ont connu une augmentation des dépenses (+7,0%), au même titre que les sages-femmes (+8,0%) et les pharmaciens en officine (+3,1%). Enfin, même topo dans les hôpitaux. L'impact de la crise est surtout visible lors de la première vague. Les dépenses chutent de 12,6% en mars, 33,3% en avril et 19,2% en mai par rapport à 2019. Les mois de juin à octobre représentent une embellie, tandis que la seconde vague se fait moins sentir, même si novembre est synonyme d'une chute de 17,7% par rapport à 2019. À l'instar des soins ambulatoires, il existe des différences entre les services hospitaliers. Les soins intensifs ont sans surprise vu les dépenses augmenter de 8% en 2020, surtout en avril (+25,0%), et en novembre (+18,7%), soit au plus haut des deux vagues. Concernant les autres services, la courbe s'inverse, avec une diminution des dépenses de 4,6%, diminution marquée principalement lors de la première vague (-35,8% en avril, le pire mois). Faussement, on pourrait croire que ces 1,474 milliards non dépensés sont une aubaine. C'est faire fi du report des soins, notamment, qui a et aura un impact sur le budget. C'est également oublier que les mesures prises pour lutter contre la pandémie ou pour assurer la continuité des soins ont un coût. Intéressons-nous d'abord aux mesures de lutte contre le Covid-19. Le 7 décembre 2020, le Conseil général de l'Inami a approuvé un financement public supplémentaire de 1,242 milliard euros, en dehors de l'objectif budgétaire 2020. 30 mesures sont listées dans le rapport, parmi lesquelles la surveillance des patients Covid, les centres de triages et de prélèvement, le remboursement des tests, ou encore les mesures de protection et matériel aux prestataires de soin. Ces 30 mesures ont coûté la bagatelle de 809 millions d'euros. C'est beaucoup, mais c'est seulement deux tiers du budget prévu par l'Inami (sous-utilisation de 433 millions d'euros). Cette somme sera allouée comme provision au budget 2021 de mesures de lutte contre le Covid, arrêté à 1,221 milliard d'euros le 28 juin 2021 par l'Inami. Venons-en aux mesures prises pour assurer la continuité des soins. Première en terme d'importance financière, l'intervention fédérale exceptionnelle de deux milliards d'euros accordée aux hôpitaux généraux et psychiatriques. Une avance sur trésorerie qui a permis aux hôpitaux de remplir leurs obligations financières malgré le report des soins non urgents et la réorganisation des activités. Ces deux milliards d'euros n'ont toutefois pas impacté le budget 2020, explique l'Inami. "Ces fonds sont réputés disponibles en raison de la réduction des dépenses dans les hôpitaux due au report des soins (non urgents), tant pour les patients admis à l'hôpital que pour les patients ambulatoires dans les hôpitaux." Une partie de ces fameux 1,474 milliards non dépensés ont donc servi à couvrir, du moins partiellement, cette avance. L'Inami est également intervenu pour les médecins, en augmentant les honoraires pour la gestion du Dossier médical global (DMG) de 20 euros. Une opération one-shot qui visait à compenser l'augmentation temporaire des activités administratives liées à la crise. Coût de l'opération: 172,6 millions d'euros, financés par la sous-utilisation des dépenses de soins ambulatoires dans le cadre des honoraires des médecins.