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Situé au coeur de la Margeride, massif granitique qui sépare la Haute-Loire de la Lozère faite de conifères surtout, de hêtres, d'un peu de tourbières et culminant à 1500 mètres, cette cité lozérienne typique est surtout connue pour son ancien château qui possède une cour de type renaissant italien de granite rose et qui abrita, dès la fin du 18e siècle, un hôpital accueillant les malades mentaux. Un lieu revu de fond en comble sous l'impulsion d'un médecin espagnol fuyant le franquisme du nom de François Tosquelles qui, en compagnie de ses confères Bonaffé et Balvet, humanisa l'institution en considérant les aliénés comme des personnes à part entière et créa au passage la psychothérapie institutionnelle. Des patients, comme l'évoque une scénovision (images, processus 3D et mises en scène très évocatrice) contant l'épopée du lieu, qui avaient le droit de sortir de l'institution et de se mêler à la vie quotidienne de la ville, voire d'y travailler. L'hôpital, qui connut jusque 600 patients (toujours ouverte aujourd'hui il en compte désormais une centaine) et faisait vivre la région, était située non loin du maquis de la Margeride : l'institution hospitalière cacha durant la dernière guerre des Juifs, mais également des écrivains et artistes comme Queneau, Tzara ou Paul Eluard notamment. Au coeur de la Margeride, à plus de 1.000 mètres, paît un troupeau de bisons de trente têtes, dont deux américains, les autres étant de la branche européenne. Sauvé de l'extinction en Pologne où son milieu naturel est la forêt ancestrale de Bialowieza, ce bovin trouve au pied des pins sylvestres et mélèzes de la Margeride un biotope identique à son écosystème polonais d'origine. Ils vivent sur une surface forestière de 200 ha, se nourrissent d'herbe et d'écorce à concurrence de 30 kg par jour, les plus imposants pesant jusqu'à une tonne : moins trapus que son pendent américain, qui lui broute en plaine, il peut atteindre la vitesse de 50 km/heure. Pour l'approcher, le visiteur traverse son territoire en calèche, tirée par des chevaux de trait souvent comtois, un ruminant comme lui et que le bison, paissant dans les futaies, respecte. La visite se fait sous l'égide d'un guide " gardien de troupeau " passionnant, dont les explications sont complétées par un petit musée contant l'histoire du bison d'Europe et de ses rapports avec l'homme au cours des millénaires. Une espèce sauvée de justesse de l'extinction, qui compte désormais 7.000 têtes, et dont l'histoire en France débute en 1991, sous la forme d'un spécimen offert en cadeau par le nouveau Président Walesa à François Mitterrand. Autre monstre, heureusement disparu celui-là, a hanté la Margeride culminant à 1.497 mètres au mont Mouchet, joignable à pied, et qui offre un panorama spectaculaire de la région, de l'Aubrac au loin notamment qu'il toise d'une petite centaine de mètres et ses alentours : la bête du Gévaudan qui sévit notamment dans la charmante cité médiévale du Malzieu, laquelle a conservé intact son bourg médiéval et certaines de ses portes, ainsi que dans ses registres, la preuve de l'attaque mortelle par la fameuse bête, d'une femme et de son enfant de la commune, qui furent dévorés par "l'animal". Deux siècles et demi après les ravages qu'il provoqua, entre 1764 et 67 date de son éradication, on n'est toujours pas certain que ce monstre qui amena sur ses traces des régiments entiers, fut un loup monstrueux (la région en compte à nouveau notamment sous la forme d'un élevage), plusieurs d'entre eux, ou un homme atteint de lycanthropie assassine. Les derniers développements évoquent un complot politique visant à mettre en exergue l'incurie de l'armée d'un Louis XVI déjà vacillant. Le mystère persistant ne fait en tout cas que renforcer l'attrait pour les forêts profondes des environs. Le Malzieu, dont l'église n'est pas dotée d'un clocher à peigne ou à mur (les cloches se trouvant à l'extérieur sous une petite arcade au sommet de l'église, la plus impressionnante comptant trois étages se trouvant à Saint-Privat-du-Fau), a été ravagé par les guerres de religions, les Protestants détruisant l'église originelle. Deux tours, l'une dite de Bodon et l'autre de l'horloge, racontent l'histoire de cette cité de 750 habitants qu'arrose La Truyère, dévalant de la montagne, avant de se précipiter dans les gorges et courir jusqu'à la retenue de Garabit (le fameux lac de Grandval évoqué plus haut). Ce village, qui perd peu à peu ses habitants, a la particularité, dans cette région de lauze, de compter des toits en ardoise (venu d'un filon d'argile trouvé tout près, dans cette terre pourtant granitique) qui trahissent déjà un accent du Sud. Autre impressionnante construction qui raconte l'histoire de la province royale du Gévaudan, le village-hameau d'Apcher et son impressionnante tour qui domine les vestiges du château, dont les ruines subsistent encore, ainsi que sa chapelle castrale, intacte et d'une beauté toute simple. Un monument qui a fait l'objet de fouilles détaillées au début des années 2000, lesquelles mirent à jour un trésor monétaire de 9.000 pièces. Chef-lieu d'une baronnie qui repoussa les Anglais durant le Moyen Âge, eut un rôle important durant les guerres de religion et face aux protestants après la Saint-Barthélemy, et dont le baron d'Apcher de l'époque fut responsable de la battue qui mit fin aux ravages de la bête de Gévaudan. La tour se visite par l'entremise d'un trébuchet contemporain, lequel évoque les tours d'attaque du Moyen Âge. Décidément, la Margeride a plus d'une tour dans son sac...