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La quotité disponible est passée à la moitié du patrimoine : tel fut l'élément le plus médiatisé de la nouvelle législation en matière successorale de l'été 2018, entrée en vigueur le 1er septembre. Dorénavant, quiconque peut disposer librement de la moitié de ses avoirs dans sa succession, alors que cette part pouvait auparavant n'en atteindre que le quart. La nouvelle loi offre donc beaucoup plus de liberté, a-t-on clamé. De ce point de vue, oui, mais ce n'est pas vrai dans tous les domaines ! En pratique, on en a parfois moins en matière de donations. Rappelons que celles-ci sont à présent automatiquement indexées. C'est logique et très juste : recevoir 100.000 euros aujourd'hui, ce n'est pas la même chose qu'avoir reçu 100.000 euros voilà 20 ans ! En vérité, la plupart des donations étaient déjà indexées, mais il pouvait subsister des distractions menant à des situations injustes, ce qui n'est donc plus possible. Fort bien, mais on ne peut plus déroger à cette indexation, même pour la bonne cause, souligne un notaire. Des parents faisant donation d'un bien immobilier à un enfant et d'actions à l'autre, pouvaient naguère prévoir, ou bien des limites à l'indexation, ou bien un mécanisme correcteur en cas de krach survenant en Bourse ou sur le marché immobilier. Si l'immeuble ou les titres ont brutalement perdu de leur valeur à la veille du décès des parents, malheur à leur détenteur : il sera supposé avoir reçu autant que l'autre enfant alors qu'il vient de s'appauvrir ! Un banquier avance un autre cas. Un couple entretient d'excellentes relations avec deux de ses enfants, mais pas du tout avec le troisième. Les parents ont dès lors favorisé les deux premiers en effectuant déjà plusieurs donations. Ils se réjouissent d'apprendre que leur quotité disponible atteint aujourd'hui la moitié de leur patrimoine (comme ils ont trois enfants, elle n'était naguère que du quart) : ils pourront donc favoriser ces chers enfants davantage, la part réservataire du troisième s'amenuisant. En réalité, ce ne sera pas nécessairement le cas, à cause de l'indexation ! La valeur des donations déjà faites gonflera en effet au fil du temps et, si les parents vivent encore longtemps et que leur patrimoine ne s'apprécie guère, il se pourrait que les donations faites naguère finissent, au jour de leur décès, par représenter le maximum de ce dont ils peuvent disposer. Voire un peu plus encore, auquel cas les deux premiers enfants devraient " rembourser " le troisième !Un troisième cas est avancé par un notaire : " Un de vos enfants a des difficultés dans la vie. Vous lui donnez un logement, mais vous vous en réservez l'usufruit, car vous craignez qu'il le vende ou s'en fasse saisir. Vous donnez la même chose à vos autres enfants, mais sans réserve d'usufruit. Naguère, vous pouviez stipuler au premier qu'il ne devait pas de compte aux autres enfants. Aujourd'hui, ce n'est plus possible : avec une réserve d'usufruit, cet enfant doit rapporter la valeur au jour du décès. Par contre, les autres enfants doivent rapporter la valeur indexée. Vous ne pouvez donc plus, dans votre testament, affirmer que vous ne voulez pas faire de distinction entre vos enfants. " Pour des matières aussi importantes, il n'est clairement pas question de se passer des conseils du notaire, outre éventuellement le spécialiste de sa banque privée.