Depuis près d'un an, le pays vit un état d'urgence sanitaire. Un état qui a forcé les gouvernements Wilmès et De Croo à outrepasser la séparation des pouvoirs. L'exécutif a en effet pris le pas sur le législatif depuis le mois de mars dernier. Dix longs mois qui ont vu naître de nombreuses tensions et contestations au sein de la population (voir à ce titre la réaction des médecins dans le précédent jdM), notamment à cause du manque de transparence et d'explication. Dans une carte blanche qui a fait la une du Soir vendredi dernier, des chercheurs issus de toutes les universités francophones ont d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme: "La lutte contre le Covid étouffe nos droits et libertés".

Des conditions inégales

"Nous vivons une situation où la sanction est la norme, mais il n'est pas trop tard", estime Olivia Venet, avocate et présidente de la Ligue des Droits de l'homme. "La gestion de la crise fut une gestion à court terme", embraye Marius Gilbert, épidémiologiste de l'UBL, pointant notamment le manque d'attention à la santé mentale dès le début de la pandémie. "Les autorités ont relégué la santé mentale au second plan pensant que la crise n'allait pas durer. Mais on constate que la crise s'est installée dans la durée. L'excuse de l'urgence n'est plus là."

L'épidémiologiste pointe également le manque d'explication. "Il faut expliquer les choses, les vulgariser sans les simplifier. Une des raisons pour laquelle les épidémiologistes ont pris le devant de la scène est que les autorités n'ont pas assumé ce rôle." Son comparse de la KULeuven, le microbiologiste Emmanuel André, partage ce constat: "La prévention, très top-down, paraît autoritaire. Comment, au niveau de la société, guider le comportement et amener la prévention?"

La question est d'autant plus importante que la situation dure et renforce les inégalités. "Il faut adapter les règles en fonction de la réalité que vivent les citoyens", souligne Olivia Venet. "Les populations précaires présentent souvent des comorbidités et sont des patients à risques par rapport au Covid-19", renchérit Judith Racapé, professeur de santé publique à l'ULB et titulaire de la chaire santé-précarité. "Ajoutez à cela que la transmission est souvent facilitée par divers facteurs, comme la densité de population dans les quartiers précaires, les logements multigénérationnels, l'impossibilité de télétravailler. Pour ces populations, respecter les règles d'isolation paraît intenable."

L'importance du débat

"Je demande au Parlement de se réapproprier son rôle", exprime la présidente de la Ligue des Droits de l'homme. "Cela permettrait de restaurer le débat démocratique, d'avoir un accès publique à ce débat. Je rappelle que la concentration du pouvoir dans les mains de l'exécutif est une violation du principe de séparation des pouvoirs. J'ai peur que la concentration des pouvoirs perdure après la crise. À ce titre, la prolongation des mesures promulguées le 12 janvier, faite presque dans l'anonymat, m'a particulièrement choquée."

"Puisqu'il n'y a pas d'expression démocratique visible du débat, il y a un déplacement du débat", constate Marius Gilbert. "Le débat parlementaire permet de voir le processus démocratique d'un choix, qui est une synthèse entre différentes positions qui sont mises en opposition." Pour Olivia Venet, l'absence de débat renforce effectivement les théories complotistes et les extrapolations caricaturales. "Cette pensée unique fait le terreau des populismes les plus dangereux."

Sortie de crise

Heureusement, les experts en présence ont, sous leur casquette respective, conclu sur des notes d'espoir. Emmanuel André compte sur le vaccin pour sortir de la crise et de l'isolement. "Le vaccin est la solution. On est sur la voie de la sortie."

Marius Gilbert estime pour sa part qu'il faut rester "dans un discours réaliste. Il faut présenter de façon équilibrée les bonnes et les mauvaises nouvelles pour ne pas virer dans l'angélisme." L'épidémiologiste souligne, au rang des bonnes nouvelles, le déploiement vaccinal. "Cela va nous faire bénéficier d'un effet levier, même si une faible partie de population est vaccinée, puisque cette faible partie représente une grande proportion des personnes les plus touchées par les décès." Au rang des inconnues, Marius Gilbert pointe l'impact des variants. "La grosse inconnue porte sur les deux prochains mois. Nous avons un équilibre délicat au niveau de la transmission du virus. L'augmentation des variants plus contagieux pourrait mettre à mal cet équilibre."

L'homme conclut toutefois sur une note d'espoir. "Parallèlement au déploiement de la vaccination, de meilleures conditions climatiques vont nous permettre de sortir le nez dehors. L'été dernier, nous avions une vie qui se rapprochait d'une vie normale. Cet été nous aurons probablement des conditions allégées, même par rapport à l'été dernier."

Solidaris se dote d'une "cellule pandémie"

L'apparition de Marius Gilbert et d'Emmanuel André lors des Assises de Solidaris n'est pas un hasard, puisque la mutualité va mettre sur pied une cellule pandémie. "Ce qui arrive est totalement inédit. On ne sait pas totalement ce qu'il se passe. On a voulu s'entourer de spécialistes pour calibrer le message que nous allons fournir à nos affiliés, notamment d'un point de vue scientifique", justifie Jean-Pascal Labille, président de Solidaris. "L'autre objectif est de voir comment, sur base des données médicales et en respectant les prescrits légaux, suivre les patients atteints du Covid et les Covid long."

L'occasion pour Jean-pascal Labille de rappeler le rôle des mutualités dans la vaccination. "Premièrement, partager nos bases de données qui comportent les données des personnes à risque, moyennant le respect des prescrits légaux. Secondement, les mutualités ont un rôle d'information vis-à-vis de la population, afin de convaincre un maximum de gens du bienfait de la vaccination."

Depuis près d'un an, le pays vit un état d'urgence sanitaire. Un état qui a forcé les gouvernements Wilmès et De Croo à outrepasser la séparation des pouvoirs. L'exécutif a en effet pris le pas sur le législatif depuis le mois de mars dernier. Dix longs mois qui ont vu naître de nombreuses tensions et contestations au sein de la population (voir à ce titre la réaction des médecins dans le précédent jdM), notamment à cause du manque de transparence et d'explication. Dans une carte blanche qui a fait la une du Soir vendredi dernier, des chercheurs issus de toutes les universités francophones ont d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme: "La lutte contre le Covid étouffe nos droits et libertés". "Nous vivons une situation où la sanction est la norme, mais il n'est pas trop tard", estime Olivia Venet, avocate et présidente de la Ligue des Droits de l'homme. "La gestion de la crise fut une gestion à court terme", embraye Marius Gilbert, épidémiologiste de l'UBL, pointant notamment le manque d'attention à la santé mentale dès le début de la pandémie. "Les autorités ont relégué la santé mentale au second plan pensant que la crise n'allait pas durer. Mais on constate que la crise s'est installée dans la durée. L'excuse de l'urgence n'est plus là."L'épidémiologiste pointe également le manque d'explication. "Il faut expliquer les choses, les vulgariser sans les simplifier. Une des raisons pour laquelle les épidémiologistes ont pris le devant de la scène est que les autorités n'ont pas assumé ce rôle." Son comparse de la KULeuven, le microbiologiste Emmanuel André, partage ce constat: "La prévention, très top-down, paraît autoritaire. Comment, au niveau de la société, guider le comportement et amener la prévention?"La question est d'autant plus importante que la situation dure et renforce les inégalités. "Il faut adapter les règles en fonction de la réalité que vivent les citoyens", souligne Olivia Venet. "Les populations précaires présentent souvent des comorbidités et sont des patients à risques par rapport au Covid-19", renchérit Judith Racapé, professeur de santé publique à l'ULB et titulaire de la chaire santé-précarité. "Ajoutez à cela que la transmission est souvent facilitée par divers facteurs, comme la densité de population dans les quartiers précaires, les logements multigénérationnels, l'impossibilité de télétravailler. Pour ces populations, respecter les règles d'isolation paraît intenable.""Je demande au Parlement de se réapproprier son rôle", exprime la présidente de la Ligue des Droits de l'homme. "Cela permettrait de restaurer le débat démocratique, d'avoir un accès publique à ce débat. Je rappelle que la concentration du pouvoir dans les mains de l'exécutif est une violation du principe de séparation des pouvoirs. J'ai peur que la concentration des pouvoirs perdure après la crise. À ce titre, la prolongation des mesures promulguées le 12 janvier, faite presque dans l'anonymat, m'a particulièrement choquée.""Puisqu'il n'y a pas d'expression démocratique visible du débat, il y a un déplacement du débat", constate Marius Gilbert. "Le débat parlementaire permet de voir le processus démocratique d'un choix, qui est une synthèse entre différentes positions qui sont mises en opposition." Pour Olivia Venet, l'absence de débat renforce effectivement les théories complotistes et les extrapolations caricaturales. "Cette pensée unique fait le terreau des populismes les plus dangereux."Heureusement, les experts en présence ont, sous leur casquette respective, conclu sur des notes d'espoir. Emmanuel André compte sur le vaccin pour sortir de la crise et de l'isolement. "Le vaccin est la solution. On est sur la voie de la sortie."Marius Gilbert estime pour sa part qu'il faut rester "dans un discours réaliste. Il faut présenter de façon équilibrée les bonnes et les mauvaises nouvelles pour ne pas virer dans l'angélisme." L'épidémiologiste souligne, au rang des bonnes nouvelles, le déploiement vaccinal. "Cela va nous faire bénéficier d'un effet levier, même si une faible partie de population est vaccinée, puisque cette faible partie représente une grande proportion des personnes les plus touchées par les décès." Au rang des inconnues, Marius Gilbert pointe l'impact des variants. "La grosse inconnue porte sur les deux prochains mois. Nous avons un équilibre délicat au niveau de la transmission du virus. L'augmentation des variants plus contagieux pourrait mettre à mal cet équilibre."L'homme conclut toutefois sur une note d'espoir. "Parallèlement au déploiement de la vaccination, de meilleures conditions climatiques vont nous permettre de sortir le nez dehors. L'été dernier, nous avions une vie qui se rapprochait d'une vie normale. Cet été nous aurons probablement des conditions allégées, même par rapport à l'été dernier."