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Complètement rénové, le Mad Musée, émanation du Creahm de Liège, s'appelle désormais le Trinkhall, du nom du bâtiment d'origine: un débit de boisson de luxe fin 19e, café de style mauresque, décoré à l'époque d'arabesques et de deux coupoles cuivrées. Agrandi, l'affreux bâtiment des années 60 "bétonnantes" qui avait tenté d'effacer la "folie exotique" d'origine a été comme mise sous cloche, élargie, ne gardant que les murs pour les intégrer dans une architecture translucide et aérienne pensée par le bureau d'architecte Beguin-Massart. Le visiteur y est accueilli par le "Galion", le bateau de pirates, commandé dans la perspective du musée à l'artiste issu du Créahm local, Alain Meert, répondant à la question " Qu'est-ce qu'un musée"? . Une oeuvre permanente qui précède celle, temporaire et monographique, dédiée à Jean-Michel Wilbeaux, artiste coloré et très discursif du centre La Pommeraie de Beloeil. L'expo d'ouverture (ou de réouverture) se consacre aux " Visages/frontières" et mélange artistes "établis" et à la marge. Une oeuvre de l'expressionniste montois Yvon Vandycke, trop oublié (il devrait faire l'objet d'une expo à La Boverie cette année), côtoie notamment une oeuvre expressionniste d'Antonio Brizzolari ou une autre superbe évoquant Cobra, signée Daniel Sterckx. Plus loin, les deux personnages d'Irène Gérard font immanquablement penser aux oeuvres de Dubuffet, alors que le travail au pastel fusain et crayon de Ronny Mackenzie vire à l'abstraction dans la description du visage. Inès Andouche évoque un Keith Haring de chez nous (elle est de Orp-Jauche), tandis que Pascale Vincke dans son autoportrait évoque David Hockney par les tons et le style. Glissés entre ses artistes "différents", des travaux d'artistes reconnus: par exemple, trois photos de guerriers pasteurs est-africains de Thomas Chable. Entre un portrait de femme de Zao Wou-Ki et des lithographies de Bengt Lindström, l'oeuvre de Marc De Bruyn ne dépareille pas: intelligemment, le commissaire, Carl Havelange, a évité de mettre des cartels sous les oeuvres, évitant de taguer de la sorte artistes connus, et soi-disant "autres". Cleo fait penser à James Ensor, alors qu'une lithographie de Dubuffet, inventeur de l'Art brut pourtant, passe quasi inaperçue. Le noir et blanc de Dominique Théate rappelle Masereel, alors que les monotypes de Pascal Duquenne (et oui) ont des airs fantomatiques. Dans un dark cube enfin, les figures sculptées étranges (sorte de vieux Blancs Moussis) de Louise Tournay, la vrouw, litho de Christiane Dewaele, voisinent harmonieusement avec des masques d'Ensor, trois autoportraits en eaux-fortes de Rembrandt et un crâne sur modèle de Mélanésie. Belle exposition que celle-ci qui prouve que l'art de portrait n'est en fait que l'expression que d'un certain regard.