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Si certains patients peuvent interrompre un traitement par antidépresseurs sans grandes difficultés, d'autres n'y parviennent tout simplement pas en dépit d'une réduction progressive de la posologie. Environ la moitié des personnes concernées (d'un quart à 85% suivant les sources) seraient confrontées à des symptômes de sevrage. Pour les ISRS et IRSN, il s'agit principalement: ? de symptômes grippaux, ? de troubles du sommeil, ? de nausées et autres problèmes digestifs tels que des diarrhées, ? de troubles de l'équilibre, ? de symptômes sensoriels, ? de plaintes psychologiques telles qu'angoisses, idées noires, irritabilité et (hypo)manie. Dans les grandes lignes, on peut les retenir à l'aide de l'acronyme FINISH (flu-like symptoms, insomnia, nausea, imbalance, sensory disturbances, hyperarousal). Les symptômes sensoriels peuvent prendre la forme d'une sensation de chocs électriques, de paresthésies et de palinopsies (la persistance visuelle d'un objet ou d'une personne après sa disparition du champ visuel). Le sevrage des antidépresseurs tricycliques (TC) est associé largement aux mêmes symptômes, à l'exception des troubles sensoriels. Il s'accompagne assez typiquement de problèmes d'équilibre qui peuvent être sérieux, mais aussi de symptômes évocateurs de la maladie de Parkinson tels que des troubles moteurs et tremblements. Les symptômes de sevrage à l'arrêt du traitement antidépresseur peuvent être confondus avec une résurgence de la dépression et risquent alors de déboucher sur la réintroduction de ce dernier voire sur une augmentation du dosage alors que ce n'est absolument pas indiqué d'un point de vue thérapeutique. Contrairement à une vraie rechute, les symptômes de sevrage surviennent rapidement (dans les quelques jours qui suivent l'arrêt de la prise) et disparaissent tout aussi vite (en 24 heures environ) lorsque le patient recommence à prendre l'antidépresseur. La nature de certaines de ces manifestations, comme les sensations de choc électrique, est du reste incompatible avec le diagnostic de dépression. Des études observationnelles suggèrent que le risque de symptômes de sevrage diminue lorsque le traitement est réduit progressivement suivant un schéma en hyperbole, chaque nouveau palier étant associé à une réduction de la posologie plus limitée que le précédent pour compenser l'accélération du processus de désaturation des récepteurs à mesure que la concentration du principe actif dans le sang diminue. Si l'on cherche à abaisser trop rapidement les doses à la fin du processus, on risque en effet d'observer une diminution soudaine du taux d'occupation des récepteurs, avec le risque de voir resurgir les symptômes de sevrage. Ceci explique qu'il sera souvent nécessaire, en fin de parcours, d'avoir recours à des préparations magistrales. Pour les directives concrètes en matière d'arrêt des antidépresseurs, les Folia s'inspirent largement d'un texte de consensus rédigé par plusieurs organisations d'experts néerlandaises, dont la Nederlands Huisartsen Genootschap et la Nederlandse Vereniging voor Psychiatrie. Les schémas repris dans le consensus opèrent une distinction en fonction de la présence ou de l'absence de facteurs de risque "constants" (comprenez: systématiquement mentionnés dans la littérature), à savoir des antécédents de symptômes de sevrage en cas d'oubli ou omission d'une ou plusieurs doses, de précédentes tentatives d'arrêt infructueuses et une posologie plus élevée que celle habituellement utilisée dans la dépression au cours de la phase de traitement. En présence de ces facteurs de risque constants, l'arrêt devra être plus progressif. Si des symptômes gênants se manifestent au cours du sevrage, on conseille de repasser à une dose plus élevée en concertation avec le patient puis de la réduire à nouveau de façon plus graduelle, avec des phases plus longues ou davantage de paliers. En l'absence de facteurs de risque constants, les symptômes de sevrage restent généralement légers. Si le patient prend au début de la phase d'arrêt une dose plus élevée que celle habituellement utilisée dans la dépression, on pourra dans un premier temps l'abaisser progressivement sur une période d'au moins quatre semaines jusqu'à atteindre cette posologie usuelle (comme le précisent les Folia, le texte de consensus néerlandais ne spécifie toutefois pas de paliers concrets pour cette réduction progressive). Cette dose "normale" sera ensuite administrée durant au moins deux semaines, puis réduite de moitié pour la phase suivante, d'une durée de quatre semaines. Après cette étape, le traitement pourra être complètement interrompu. Chez les patients qui débutent la phase d'arrêt à la dose usuelle pour la dépression, la posologie peut simplement être réduite de moitié, le traitement étant complètement interrompu après quatre semaines. La fluoxétine fait toutefois exception à cette règle: en raison de sa demi-vie longue, il n'est pas nécessaire de réduire d'abord le dosage de moitié. Les patients qui prennent la dose usuelle pour la dépression (20mg/j) au moment où ils débutent le sevrage peuvent donc interrompre la prise sans autre forme de procès. Si la dose initiale dépasse 20mg/j, elle sera d'abord ramenée à 20 mg/j sur une période de deux à quatre semaines avant d'interrompre complètement la prise. En l'absence de facteurs de risque constants, le sevrage de n'importe quel antidépresseur peut se faire avec les spécialités commerciales disponibles. En présence d'un ou plusieurs facteurs de risque constants, le schéma d'arrêt sera plus long et plus complexe. Lorsque la dose de départ est plus élevée que la posologie usuelle, on procédera comme recommandé ci-dessus, avec réduction à la dose "normale" sur une période de quatre semaines puis maintien de cette dose durant deux semaines. On passera ensuite à une demi-dose durant une semaine avant de poursuivre la réduction de manière extrêmement progressive, par petites étapes d'une semaine chacune. C'est ici qu'interviennent les préparations magistrales. Là encore, la fluoxétine fait exception à la règle, puisque le consensus néerlandais ne prévoit pas de phase de réduction avant l'arrêt complet chez les patients qui partent d'une posologie de 20 mg. Par mesure de précaution, les Folia Pharmacotherapeutica préconisent néanmoins d'envisager une phase de quatre semaines à la dose de 10 mg/j avant d'arrêter (ce qui peut parfaitement se faire avec les préparations commerciales, puisque les comprimés de 20 mg de fluoxétine sont sécables). Enfin, n'oublions pas qu'un arrêt réussi dépend aussi d'un bon accompagnement, avec une bonne information, une prise de décision partagée et une disponibilité suffisante pour des contacts réguliers. Idéalement, on soulignera dès le début du traitement que l'arrêt de la prise peut provoquer des symptômes de sevrage.