Nouvel et formidable album d'Archive, qui avec l'immense - dans sa longueur et sa qualité - "Call To Arms And Angels" s'arme en effet de divine musique.
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Vingt-huit ans déjà que les Londoniens de Archive, réunis autour du duo originel Darius Keeler-Danny Griffith, explorent les territoires de l'électronique, du trip-hop, du post-rock, de l'avant-garde, du rock progressif voire même du psychédélisme, souvent avec bonheur, et dans le cas de "Call To Arms And Angels" d'une allégresse dans le spleen qui doit notamment beaucoup aux différents confinements. Rencontre avec Danny Griffith (photographié lors du Rock en Seine, à Paris en 2011), membre fondateur d'un groupe britannique qui, dès le début de sa carrière, a été involontairement contraint à un brexit musical... inversé. Le journal du Médecin: La musique permet-elle d'élargir l'espace, celui dans lequel nous étions coincés durant cette pandémie... Danny Griffith: Il est certain que passer autant de temps sur un projet musical vous donne le sentiment d'espace supplémentaire ; cette expérience du confinement s'est révélée finalement agréable, car elle nous a permis d'élargir en quelque sorte l'espace et surtout le temps, ce qui a contribué à plus de profondeur aussi bien musicalement qu'au niveau des paroles Le premier titre s'intitule "Surrounded By Ghosts". Croyez-vous aux fantômes? J'y ai cru. Ma maman était médium. Ses nombreux amis se réunissaient à la maison lors de séances de spiritisme: des moments un peu fous surgissaient parfois, lorsque certains commençaient à parler avec des voix étranges et à déblatérer des trucs un peu dingues. Ma mère a évolué d'un passé religieux à ce genre de conviction. Elle y mettait tellement de coeur que j'y croyais également. En vieillissant, je me suis rendu compte que c'était surtout une mère célibataire en recherche de quelque chose, et que, peut-être, le spiritisme lui avait permis de se structurer. Mais j'aime cette idée des fantômes, à l'instar de celle des extraterrestres: cela rend l'existence plus intéressante. Et puis bon, savoir que l'on meurt et qu'il n'y a plus rien n'est pas une pensée très attirante... (il rit) "Daytime Coma" sonne comme de la musique contemporaine ou répétitive: un peu comme du Michael Nyman ou du Wim Mertens? Il s'agit d'une sorte de voyage qui nous replonge dans le début de la house, de groupes intrépides comme The Underworld, pour ensuite dériver vers un morceau presque à la Doors, période "This Is The End... Appréciez-vous la musique classique, car "Freedom" m'évoque un nocturne... L'influence classique est plutôt le fait de Darius Keeler, lequel a grandi dans cet univers ; et c'est vrai que les choeurs et le refrain possèdent ce côté grande musique. Darius m'a enseigné la partie classique et moi je lui ai appris la culture hip-hop. (il sourit) Cet album serait-il votre morceau de bravoure? C'est en tout cas un grand pas en avant pour nous que d'enregistrer un album de cette longueur et cette densité: 90 minutes pour 17 morceaux! Notre producteur nous a pris pour des dingues. Mais il y avait tellement à dire sur le monde actuel qu'il était impossible de le faire en seulement dix morceaux. Votre musique serait une sorte de spleen anglais du 21e siècle? Ça me plait (rires)! Et c'est vrai...en fait... Bien que l'un de vos premiers albums s'intitulait "Londonium", vous paraissez avoir plus de succès sur le continent. Pourquoi? Je l'ignore. Il s'agit sans doute d'une combinaison d'éléments, car à la sortie de "Londonium", nous avons reçu des critiques très positives en Angleterre à l'instar de Portishead et Massive Attack à l'époque. Nous étions en bonne compagnie ; et puis nous avons démantelé le groupe pour un temps: les firmes de disques ne sont pas connues pour leur patience, et comme le suivant ne suivait pas assez vite, ils nous ont de suite laissé tomber. Et c'est seulement plus tard que nous avons découvert avoir vendu trente mille exemplaires en France. Lorsque nous avons signé avec Independiente, le label s'est concentré sur la France et l'Europe. C'était plus simple pour eux, car les firmes de disques sont paresseuses. (il sourit) Notre réputation s'est répandue en l'Europe continentale, au point que lorsque nous avons signé chez Warner, ce fut avec Warner France... Désormais, nos disques ne sortent même plus en Angleterre: nous le faisons nous même, sans management et sans cocher la case label. Nous finissons par passer notre temps en Europe, après avoir laissé tomber la Grande-Bretagne. Nous nous y produisons en concerts pourtant, souvent sold out... mais remplis de Continentaux. Par ailleurs, nous jouissons d'une bonne presse: les critiques musicaux britanniques nous définissent comme "le secret le mieux gardé d'Angleterre". Vous avez écrit la bande originale du film Michel Vaillant de Luc Besson à l'époque... C'était intéressant à faire, car nous n'avions jamais expérimenté cette manière d'écrire de la musique: en général, Darius et moi-même faisons exactement ce que nous voulons en studio. Mais écrire de la musique et s'entendre dire par le réalisateur " non c'est trop triste, non c'est trop joyeux" et devoir retravailler à nouveau de petites pièces représentait un fameux défi. Nous avons travaillé en Normandie dans le "Moulinsart" de Luc Besson. On y a bossé un mois, et ce fut également la première fois que nous nous produisions avec un orchestre. Et c'est là que nous avons rencontré Jérôme Devoise qui nous produit toujours aujourd'hui. Ce fut donc un moment important dans notre carrière, mais nous n'avons plus été sollicités par des réalisateurs depuis. Honnêtement, nous ne connaissions pas la bédé et le film ne s'est par révélé très bon ; mais nous sommes quand même rendus à Paris lors de la première: on n'entendait que le bruit des bagnoles, et, du fait des effets sonores assourdissants, nous nous demandions où était notre musique... Au final, on s'est dit "fuck it, on a quand même fait un bon album" (il rit). Le site de rencontre Meetic a utilisé en 2004 une de vos chansons comme "générique"... Ah bon? Je l'ignorais. Bah! Si notre musique peut favoriser la rencontre entre personnes, c'est plutôt sympa! (rires)