Saisir la complexité de la situation en Ukraine n'est pas évident. La situation géopolitique ne peut pas se comprendre à l'aune de l'invasion russe le 24 février 2022. Il faut remonter à 2014 et à l'Euromaïdan, voire en 2004 et à la Révolution orange pour comprendre la réalité de ce pays indépendant depuis 1991, trente ans seulement, tiraillé entre l'Est et l'Ouest. Le système de santé ukrainien répond aux mêmes critères. Rejeton du communisme, il a subi de nombreuses transformations, dont une réforme majeure entamée à partir de 2016 pour se moderniser. Une modernisation qui ne se fait pas sans heurts car elle a bousculé un ordre établi dans le monde médical ukrainien. Cette réforme est de plus mise à mal par la guerre qui touche le pays actuellement.
L'Ukraine est un pays indépendant depuis 1991, date à laquelle l'URSS implose. Son système de santé est hérité du modèle soviétique, connu sous le nom de système Semashko (par opposition à notre système dit bismarkien). Ce dernier veut que les services sanitaires appartiennent à l'État et que les professionnels de la santé soient rémunérés par l'État. La gratuité des soins est un acquis dans la constitution, mais dans les faits, les patients doivent payer une somme forfaitaire, notamment pour obtenir des médicaments.
Une situation peu enviable
L'indépendance de l'Ukraine a un prix: le ralentissement économique. Ce dernier provoque une hausse de la contribution des patients aux coûts des soins de santé. L'accès aux soins, universel, est donc dans la réalité excluant pour la majorité de la population pour qui les services de santé se révèlent inabordables. En 2017, selon les données du ministère de la Santé ukrainien, une famille ukrainienne ordinaire dépense 4.580 hryvnias (soit 150 euros) par an pour des soins médicaux, ce qui correspond à un salaire mensuel moyen en Ukraine. Peu d'Ukrainiens ont accès à des soins privés, par ailleurs peu présents sur le territoire (environ 15% de privé contre 85% de public en 2017). La Constitution interdit par ailleurs la réduction du réseau existant d'établissements de santé publics.
Entre 1991 et 2016, il y a eu 22 tentatives de réformes infructueuses du système de soins de santé
La maigre paye des médecins par l'État a également fait émerger un phénomène de paiement au noir difficile à endiguer. "L'économie du système médical est une économie grise, qui existe uniquement grâce à des paiements "au noir": les patients payent directement les médecins ou font "des dons" aux hôpitaux, ils payent aussi très cher les médicaments", indique l'Ukraine Crisis Media Center (UCMC) 1, qui a pour mission de promouvoir l'Ukraine à l'étranger. Une information également relayée par le ministère de la Santé ukrainien lui-même. "Les déficits budgétaires, les crises économiques et l'absence de réforme ont abouti à un "monde parallèle" où il fallait résoudre les problèmes de santé par le biais de paiements informels directs et de pots-de-vin. Les patients ukrainiens payaient souvent tout, des services médicaux aux fournitures, car les médecins affirmaient qu '"il n'y avait pas de fonds budgétaires". Par exemple, les patients ont été contraints d'acheter des médicaments ou des vaccins, qui avaient déjà été achetés pour eux avec des fonds du budget de l'État."
En sus, le système Semashko privilégie un système de financement basé sur la quantité plutôt que la qualité. Cette approche "encourage les hospitalisations inutiles et les durées de séjour excessives", expliquent les auteurs du rapport Health Systems in Transition2.
1ère ligne récente
La première de ligne de soins, enfin, est un concept récent en Ukraine. Avant 2000, les soins de santé primaires étaient fournis par des spécialistes (internistes et pédiatres) employés par les polycliniques d'État. En 2000, la transition vers un nouveau modèle de soins primaires fondé sur les principes de la médecine de famille a commencé, afin d'éviter une utilisation irraisonnée des services spécialisés. Cependant, la majorité des Ukrainiens ont continué d'aller directement vers les hôpitaux, contournant la première ligne. Les choses évoluent lentement mais sûrement: les médecins de famille constituent aujourd'hui un peu plus de la moitié (57,2%) de tous les médecins de premier recours.
Ces éléments pris en compte, les indicateurs santé ne sont évidemment pas bons. Les derniers chiffres disponibles (2018) font état d'une espérance de vie de 72,4 ans et d'un taux de mortalité infantile de 7,7 ?. En Belgique, comme dans le reste de l'Europe, on vit près de dix ans de plus (81,2 ans) et le taux de mortalité infantile est quant à lui plus de deux fois inférieur (3,4 ?). Les taux de mortalité élevés dans la population générale sont principalement attribuables aux maladies cardiovasculaires, qui représentaient plus de 60% de la mortalité totale en 2010. Cependant, les maladies infectieuses sont également des problèmes majeurs de santé publique, en particulier le VIH/sida et la tuberculose (TB), qui ont a augmenté rapidement en tant que cause d'invalidité et de mortalité prématurée en Ukraine. Depuis 2014, il existe également des populations touchées par les conflits dans l'est du pays (le Donbass), qui n'ont pas accès aux installations de base (y compris les services de santé, l'eau et la nourriture).
Changement de cap en 2014
Pendant 25 ans - et 22 tentatives de réformes infructueuses! -, les gouvernements successifs ont cherché à combler les déficits de financement et à moderniser le système de santé pour répondre aux besoins de santé de la population. Cependant, aucune réforme fondamentale du système n'a été mise en oeuvre.
À la suite de la révolution Euromaïdan de 2014, l'Ukraine se lance enfin dans un programme national de réformes visant à réduire la corruption généralisée au sein du gouvernement. "La grande et rapide vague de réformes de 2015-2019 a donné l'espoir que quelque chose puisse changer dans ce pays, que quelque chose d'intrinsèquement bon puisse émerger", se remémore Volodymyr Vakhitov, professeur adjoint à la Kyiv School of Economic3. " Il y a eu une énorme réforme du système bancaire, avec la Banque nationale devenue vraiment indépendante et professionnelle. Il y a eu une forte tentative de réforme des services de santé. Nous avons maintenant un meilleur accès qu'auparavant aux services médicaux financés par l'État."
"Dans le secteur de la santé, le gouvernement a introduit plusieurs réformes complémentaires visant à améliorer la situation tant d'un point de vue efficience qu'au niveau de la corruption", renchérit la Banque mondiale dans un rapport sur la transparence de l'Ukraine 4. Fait amusant, les réformes sont portées par deux ministres de la Santé d'origine étrangère: Alexander Kvitashvili entre 2014 et 2016, d'origine géorgienne - il a d'ailleurs été ministre de la Santé en Géorgie de 2008 à 2010 - et Ulyana Suprun de 2016 à 2019, d'origine américaine.
Les réformes les plus importantes entreront en vigueur fin 2017. Pour la première fois, les établissements privés sont autorisés à concurrencer les cliniques publiques pour le financement public, élargissant encore les options pour les patients. Les autres réformes allaient tous azimuts et comprenaient la reconfiguration du financement des soins primaires et du remboursement des médicaments essentiels dans le cadre du nouveau Service national de santé d'Ukraine ; l'augmentation de la rémunération des professionnels de la santé ; l'introduction d'un processus transparent et fondé sur le mérite pour les admissions aux universités de médecine ; et le lancement d'un système de dossiers numériques de santé.
Au début de 2020, ces réformes ont amélioré l'optimisation globale des ressources, réduit les dépenses personnelles, réduit le nombre d'événements médicaux aigus et accru la satisfaction des patients à l'égard de leurs prestataires de soins. "Plus de 70% des Ukrainiens se disent satisfaits de la qualité des soins qu'ils reçoivent actuellement, et la plupart des médecins sont satisfaits des salaires qui ont été multipliés par deux ou trois", explique Judy Twigg, professeur de sciences politiques à la Virginia Commonwealth University et experte des systèmes de santé dans l'ex-Union soviétique 5. "La réforme hospitalière est venue ensuite. L'ancien modèle de financement des hôpitaux par lit a été abandonné. Depuis avril 2020, les hôpitaux sont financés en fonction des maladies et affections qu'ils traitent réellement, et encore une fois, la liberté de choix est essentielle: l'argent suit le patient, et les patients optent pour les établissements offrant les meilleurs soins et produisant les meilleurs résultats. La plupart des hôpitaux ont commencé à se préparer à cette nouvelle structure incitative en 2017. Avec le soutien des gouvernements locaux, ils ont rénové, acheté de nouveaux équipements et fait le nécessaire pour attirer les entreprises."
Les freins du Covid et du Donbass
Volodymyr Zelensky, entré en fonction en 2019, suit a priori le même cap de réformes que ses prédécesseurs pro-européens. "Une fois la réforme achevée, le système de santé devrait être efficace, accessible et axé sur les besoins de la population ukrainienne", indique le ministère de la Santé ukrainien. "Le niveau de vie et la qualité de vie des personnes devraient s'améliorer après que les services de santé soient devenus plus accessibles, qualitatifs et sûrs grâce à un personnel médical plus productif, qui bénéficiera d'une meilleure sécurité sociale grâce à un soutien social amélioré et rationalisé."
Effectivement, en 2020, les effets positifs de la réforme continue d'être ressentis, avec une première ligne qui continue d'augmenter ses effectifs, une caisse d'assurance maladie plus efficace. Mais il s'agit là des réformes passées. Le Covid et la guerre dans le Donbass n'expliquent pas à eux seuls que quatre ministres de la Santé se sont succédé en seulement deux ans. Viktor Liashko, actuel ministre de la Santé, n'est en place que depuis le 20 mai 2021, soit neuf mois à peine. Difficile d'établir une continuité dans les réformes dans ce contexte.
L'Ukraine, malgré ses récents efforts, continue donc d'être à la traîne par rapport au reste des pays européens. Quelques indicateurs pour vérifier: le pays se classe au premier rang en Europe en termes de prévalence des dépenses de santé d'urgence entraînant l'appauvrissement des ménages vulnérables. 37,6% des admissions à l'hôpital en Ukraine se font sans indications appropriées. Enfin, l'Ukraine est parmi les moins performantes au monde en termes de vaccination des enfants. Par exemple, la couverture vaccinale contre la poliomyélite en 2018 n'était que de 69%.
La guerre de 2022
Trois semaines après le début de l'invasion russe de l'Ukraine, le système de santé ukrainien est soumis à de fortes pressions. "L'approvisionnement en médicaments essentiels et en équipement médical est restreint", indique la branche européenne de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui a déjà enregistré 16 attaques contre les services de soins depuis le début de la guerre.
Le Dr Hans Kluge, directeur régional de l'OMS, a mis en avant trois priorités. "Tout d'abord, nous nous efforçons d'acheminer les fournitures sanitaires nécessaires en Ukraine et de garantir un système durable de 'passage sûr' pour la livraison des fournitures sanitaires humanitaires là où elles sont nécessaires dans le pays. Ensuite, nous veillerons àce que les pays voisins disposent des infrastructures et des compétences nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires des Ukrainiens qui y arrivent.Enfin, la troisième priorité consiste à apporter un soutien par le biais d'un centre opérationnel de l'OMS à Lviv, en Ukraine."
Les pertes humaines liées à la guerre sont évidentes. Mais il ne faut pas oublier que d'autres pans de la santé sont mis à mal. La pandémie de Covid-19 n'est pas terminée. À cause de la guerre, le pays fait face à une pénurie en oxygène qui va croissant. "En plus du Covid, l'Ukraine lutte également contre une épidémie de polio et fait face à une résurgence potentielle de la tuberculose, ainsi qu'à des pénuries de médicaments pour les personnes vivant avec le VIH", relaye The Organization for World Peace. Une information confirmée par les médecins à la frontière. "Le flux massif de réfugiés en provenance d'Ukraine pourrait potentiellement augmenter la transmission dans les États voisins acceptant des réfugiés comme la Pologne et la Hongrie." Selon Reuters, le personnel médical travaille presque 24 heures sur 24 alors qu'il manque de fournitures médicales essentielles pour traiter des besoins médicaux de plus en plus aigus.
1. https://uacrisis.org/fr/60293-reforme-medicale-en-ukraine, consulté le 4 mars 2022
2. Health Systems in Transition, Vol. 17 No. 2 2015, Ukraine Health system review http://repo.dma.dp.ua/480/1/UkraineHiT.pdf
3. https://laviedesidees.fr/D-une-guerre-a-l-autre-l-Ukraine-face-a-la-Russie.html, consulté le 10 mars 2022
4. Enhancing Government Effectiveness and Transparency: The Fight Against Corruption, Banque mondiale, 23 septembre 2020
5. https://www.atlanticcouncil.org/blogs/ukrainealert/ukraines-healthcare-system-is-in-critical-condition-again/ consulté le 10 mars 2020
L'Ukraine est un pays indépendant depuis 1991, date à laquelle l'URSS implose. Son système de santé est hérité du modèle soviétique, connu sous le nom de système Semashko (par opposition à notre système dit bismarkien). Ce dernier veut que les services sanitaires appartiennent à l'État et que les professionnels de la santé soient rémunérés par l'État. La gratuité des soins est un acquis dans la constitution, mais dans les faits, les patients doivent payer une somme forfaitaire, notamment pour obtenir des médicaments. L'indépendance de l'Ukraine a un prix: le ralentissement économique. Ce dernier provoque une hausse de la contribution des patients aux coûts des soins de santé. L'accès aux soins, universel, est donc dans la réalité excluant pour la majorité de la population pour qui les services de santé se révèlent inabordables. En 2017, selon les données du ministère de la Santé ukrainien, une famille ukrainienne ordinaire dépense 4.580 hryvnias (soit 150 euros) par an pour des soins médicaux, ce qui correspond à un salaire mensuel moyen en Ukraine. Peu d'Ukrainiens ont accès à des soins privés, par ailleurs peu présents sur le territoire (environ 15% de privé contre 85% de public en 2017). La Constitution interdit par ailleurs la réduction du réseau existant d'établissements de santé publics. La maigre paye des médecins par l'État a également fait émerger un phénomène de paiement au noir difficile à endiguer. "L'économie du système médical est une économie grise, qui existe uniquement grâce à des paiements "au noir": les patients payent directement les médecins ou font "des dons" aux hôpitaux, ils payent aussi très cher les médicaments", indique l'Ukraine Crisis Media Center (UCMC) 1, qui a pour mission de promouvoir l'Ukraine à l'étranger. Une information également relayée par le ministère de la Santé ukrainien lui-même. "Les déficits budgétaires, les crises économiques et l'absence de réforme ont abouti à un "monde parallèle" où il fallait résoudre les problèmes de santé par le biais de paiements informels directs et de pots-de-vin. Les patients ukrainiens payaient souvent tout, des services médicaux aux fournitures, car les médecins affirmaient qu '"il n'y avait pas de fonds budgétaires". Par exemple, les patients ont été contraints d'acheter des médicaments ou des vaccins, qui avaient déjà été achetés pour eux avec des fonds du budget de l'État."En sus, le système Semashko privilégie un système de financement basé sur la quantité plutôt que la qualité. Cette approche "encourage les hospitalisations inutiles et les durées de séjour excessives", expliquent les auteurs du rapport Health Systems in Transition2. La première de ligne de soins, enfin, est un concept récent en Ukraine. Avant 2000, les soins de santé primaires étaient fournis par des spécialistes (internistes et pédiatres) employés par les polycliniques d'État. En 2000, la transition vers un nouveau modèle de soins primaires fondé sur les principes de la médecine de famille a commencé, afin d'éviter une utilisation irraisonnée des services spécialisés. Cependant, la majorité des Ukrainiens ont continué d'aller directement vers les hôpitaux, contournant la première ligne. Les choses évoluent lentement mais sûrement: les médecins de famille constituent aujourd'hui un peu plus de la moitié (57,2%) de tous les médecins de premier recours. Ces éléments pris en compte, les indicateurs santé ne sont évidemment pas bons. Les derniers chiffres disponibles (2018) font état d'une espérance de vie de 72,4 ans et d'un taux de mortalité infantile de 7,7 ?. En Belgique, comme dans le reste de l'Europe, on vit près de dix ans de plus (81,2 ans) et le taux de mortalité infantile est quant à lui plus de deux fois inférieur (3,4 ?). Les taux de mortalité élevés dans la population générale sont principalement attribuables aux maladies cardiovasculaires, qui représentaient plus de 60% de la mortalité totale en 2010. Cependant, les maladies infectieuses sont également des problèmes majeurs de santé publique, en particulier le VIH/sida et la tuberculose (TB), qui ont a augmenté rapidement en tant que cause d'invalidité et de mortalité prématurée en Ukraine. Depuis 2014, il existe également des populations touchées par les conflits dans l'est du pays (le Donbass), qui n'ont pas accès aux installations de base (y compris les services de santé, l'eau et la nourriture). Pendant 25 ans - et 22 tentatives de réformes infructueuses! -, les gouvernements successifs ont cherché à combler les déficits de financement et à moderniser le système de santé pour répondre aux besoins de santé de la population. Cependant, aucune réforme fondamentale du système n'a été mise en oeuvre. À la suite de la révolution Euromaïdan de 2014, l'Ukraine se lance enfin dans un programme national de réformes visant à réduire la corruption généralisée au sein du gouvernement. "La grande et rapide vague de réformes de 2015-2019 a donné l'espoir que quelque chose puisse changer dans ce pays, que quelque chose d'intrinsèquement bon puisse émerger", se remémore Volodymyr Vakhitov, professeur adjoint à la Kyiv School of Economic3. " Il y a eu une énorme réforme du système bancaire, avec la Banque nationale devenue vraiment indépendante et professionnelle. Il y a eu une forte tentative de réforme des services de santé. Nous avons maintenant un meilleur accès qu'auparavant aux services médicaux financés par l'État.""Dans le secteur de la santé, le gouvernement a introduit plusieurs réformes complémentaires visant à améliorer la situation tant d'un point de vue efficience qu'au niveau de la corruption", renchérit la Banque mondiale dans un rapport sur la transparence de l'Ukraine 4. Fait amusant, les réformes sont portées par deux ministres de la Santé d'origine étrangère: Alexander Kvitashvili entre 2014 et 2016, d'origine géorgienne - il a d'ailleurs été ministre de la Santé en Géorgie de 2008 à 2010 - et Ulyana Suprun de 2016 à 2019, d'origine américaine. Les réformes les plus importantes entreront en vigueur fin 2017. Pour la première fois, les établissements privés sont autorisés à concurrencer les cliniques publiques pour le financement public, élargissant encore les options pour les patients. Les autres réformes allaient tous azimuts et comprenaient la reconfiguration du financement des soins primaires et du remboursement des médicaments essentiels dans le cadre du nouveau Service national de santé d'Ukraine ; l'augmentation de la rémunération des professionnels de la santé ; l'introduction d'un processus transparent et fondé sur le mérite pour les admissions aux universités de médecine ; et le lancement d'un système de dossiers numériques de santé. Au début de 2020, ces réformes ont amélioré l'optimisation globale des ressources, réduit les dépenses personnelles, réduit le nombre d'événements médicaux aigus et accru la satisfaction des patients à l'égard de leurs prestataires de soins. "Plus de 70% des Ukrainiens se disent satisfaits de la qualité des soins qu'ils reçoivent actuellement, et la plupart des médecins sont satisfaits des salaires qui ont été multipliés par deux ou trois", explique Judy Twigg, professeur de sciences politiques à la Virginia Commonwealth University et experte des systèmes de santé dans l'ex-Union soviétique 5. "La réforme hospitalière est venue ensuite. L'ancien modèle de financement des hôpitaux par lit a été abandonné. Depuis avril 2020, les hôpitaux sont financés en fonction des maladies et affections qu'ils traitent réellement, et encore une fois, la liberté de choix est essentielle: l'argent suit le patient, et les patients optent pour les établissements offrant les meilleurs soins et produisant les meilleurs résultats. La plupart des hôpitaux ont commencé à se préparer à cette nouvelle structure incitative en 2017. Avec le soutien des gouvernements locaux, ils ont rénové, acheté de nouveaux équipements et fait le nécessaire pour attirer les entreprises."Volodymyr Zelensky, entré en fonction en 2019, suit a priori le même cap de réformes que ses prédécesseurs pro-européens. "Une fois la réforme achevée, le système de santé devrait être efficace, accessible et axé sur les besoins de la population ukrainienne", indique le ministère de la Santé ukrainien. "Le niveau de vie et la qualité de vie des personnes devraient s'améliorer après que les services de santé soient devenus plus accessibles, qualitatifs et sûrs grâce à un personnel médical plus productif, qui bénéficiera d'une meilleure sécurité sociale grâce à un soutien social amélioré et rationalisé."Effectivement, en 2020, les effets positifs de la réforme continue d'être ressentis, avec une première ligne qui continue d'augmenter ses effectifs, une caisse d'assurance maladie plus efficace. Mais il s'agit là des réformes passées. Le Covid et la guerre dans le Donbass n'expliquent pas à eux seuls que quatre ministres de la Santé se sont succédé en seulement deux ans. Viktor Liashko, actuel ministre de la Santé, n'est en place que depuis le 20 mai 2021, soit neuf mois à peine. Difficile d'établir une continuité dans les réformes dans ce contexte. L'Ukraine, malgré ses récents efforts, continue donc d'être à la traîne par rapport au reste des pays européens. Quelques indicateurs pour vérifier: le pays se classe au premier rang en Europe en termes de prévalence des dépenses de santé d'urgence entraînant l'appauvrissement des ménages vulnérables. 37,6% des admissions à l'hôpital en Ukraine se font sans indications appropriées. Enfin, l'Ukraine est parmi les moins performantes au monde en termes de vaccination des enfants. Par exemple, la couverture vaccinale contre la poliomyélite en 2018 n'était que de 69%. Trois semaines après le début de l'invasion russe de l'Ukraine, le système de santé ukrainien est soumis à de fortes pressions. "L'approvisionnement en médicaments essentiels et en équipement médical est restreint", indique la branche européenne de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui a déjà enregistré 16 attaques contre les services de soins depuis le début de la guerre. Le Dr Hans Kluge, directeur régional de l'OMS, a mis en avant trois priorités. "Tout d'abord, nous nous efforçons d'acheminer les fournitures sanitaires nécessaires en Ukraine et de garantir un système durable de 'passage sûr' pour la livraison des fournitures sanitaires humanitaires là où elles sont nécessaires dans le pays. Ensuite, nous veillerons àce que les pays voisins disposent des infrastructures et des compétences nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires des Ukrainiens qui y arrivent.Enfin, la troisième priorité consiste à apporter un soutien par le biais d'un centre opérationnel de l'OMS à Lviv, en Ukraine."Les pertes humaines liées à la guerre sont évidentes. Mais il ne faut pas oublier que d'autres pans de la santé sont mis à mal. La pandémie de Covid-19 n'est pas terminée. À cause de la guerre, le pays fait face à une pénurie en oxygène qui va croissant. "En plus du Covid, l'Ukraine lutte également contre une épidémie de polio et fait face à une résurgence potentielle de la tuberculose, ainsi qu'à des pénuries de médicaments pour les personnes vivant avec le VIH", relaye The Organization for World Peace. Une information confirmée par les médecins à la frontière. "Le flux massif de réfugiés en provenance d'Ukraine pourrait potentiellement augmenter la transmission dans les États voisins acceptant des réfugiés comme la Pologne et la Hongrie." Selon Reuters, le personnel médical travaille presque 24 heures sur 24 alors qu'il manque de fournitures médicales essentielles pour traiter des besoins médicaux de plus en plus aigus.