Des essais de phase 3 avec des médicaments contre la maladie d'Alzheimer qui doivent être arrêtés faute d'effet clinique satisfaisant, c'est un phénomène bien connu. Les molécules testées sont principalement des anticorps monoclonaux qui se lient à l'amyloïde-b et l'évacuent.

Personnes à risque asymptomatiques

La série considérable d'échecs cliniques avec ce type d'agents a donné lieu à deux hypothèses bien distinctes. Soit l'amyloïde-b n'est pas la cause principale des dommages neuronaux, ou le médicament est administré à un stade trop tardif. Dans ce dernier cas, il semble préférable de traiter les personnes à risque avant qu'elles ne développent des symptômes, en lien avec le constat que les plaques amyloïdes sont présentes dans le cerveau bien avant que la maladie ne devienne cliniquement visible.

Les expérimentations animales soutiennent cet argument (1). L'une d'elles a fait appel au génie génétique pour provoquer chez des souris une production excessive de protéine précurseur de l'amyloïde. Lorsque les animaux ont été traités à un âge précoce avec l'aducanumab, un anticorps monoclonal, ils ont développé significativement moins de plaques et de symptômes après six mois par rapport au groupe témoin.

En juin 2021, la FDA a accordé une approbation accélérée à l'utilisation de l'aducanumab chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, car dans deux études cliniques, ce médicament a réduit les plaques amyloïdes chez les patients atteints d'une maladie précoce, résultat resté absent dans le groupe placebo. Le maintien de l'autorisation dépendra des résultats d'un nouvel essai clinique actuellement en cours sur l'aducanumab.

Par ailleurs, plusieurs études mettent en jeu une diversité d'anticorps monoclonaux en vue de traiter des patients encore asymptomatiques mais à risque.

Microglie

Les chercheurs conviennent que la maladie d'Alzheimer peut devoir être combattue sous plus d'un angle, ce qui explique l'attention portée au rôle du système immunitaire depuis une dizaine d'années. Cette réorientation résulte de la recherche sur les déterminants génétiques liés au développement de la maladie.

Il a en effet été établi qu'il existe une corrélation entre la maladie d'Alzheimer et des variants de gènes impliqués dans la régulation immunitaire. Le premier gène ayant attiré l'attention est le CD33, découvert en 2008. La protéine correspondante apparaît non seulement à la surface de diverses cellules immunitaires, comme les monocytes et les macrophages, mais est également exprimée en abondance par les cellules microgliales du cerveau. Les cellules microgliales, qui sont responsables de l'élimination des cellules mortes et de la lutte contre les agents pathogènes, peuvent être considérées comme les macrophages du tissu cérébral.

Certains chercheurs pensent que le dysfonctionnement des cellules microgliales est le primum movens de la maladie d'Alzheimer, mais tous ne sont pas d'accord.

Chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer tardive, les études autopsiques ont révélé une expression accrue de CD33, qui semble être à l'origine d'une élimination déficiente de l'amyloïde-b. La désactivation de CD33 (knockout) diminue en effet le volume des plaques dans un modèle murin de la maladie d'Alzheimer, alors que la thérapie génique a pu réduire l'expression de CD33, diminuant ainsi l'accumulation d'amyloïde-b. (2)

Cette thérapie génique expérimentale est le travail de l'Américain Rudolph Tanzi et de ses collègues, qui examinent le lien entre CD33 et la maladie d'Alzheimer depuis de longues années. Dans une récente interview, le Pr Tanzi explique son point de vue sur la pathogenèse de la maladie d'Alzheimer. (3) Il considère les dépôts d'amyloïde-b comme un phénomène de vieillissement à l'origine inoffensif et d'ampleur limitée. Mais, soutient-il, nos cellules microgliales sont mal préparées à cela, car les humains avaient autrefois une espérance de vie qui ne leur permettait pas d'accumuler des quantités importantes d'amyloïde-b dans le cerveau. En conséquence, les cellules microgliales réagissent particulièrement violemment à l'accumulation, devenant ainsi contre-productives, d'où une une accélération du processus. Le risque que cela se produise dépend des variants génétiques. Pas seulement des variants du gène CD33 d'ailleurs, car la littérature décrit toute une série d'autres gènes liés à la maladie d'Alzheimer et au système immunitaire.

Certains chercheurs contestent cette théorie et soutiennent que la formation de plaques est en effet le primum movens. Selon eux, les cellules microgliales deviennent secondairement hyperactives dès lors qu'elles ne peuvent plus faire face au travail de dégradation. Il existe toutefois un consensus sur le fait que le soutien de la fonction microgliale pourrait être une cible valable pour endiguer la maladie d'Alzheimer.

1. Nature 2022 ; 603, 216-219.

2. Hum Mol Genet. 2020 ; 29(17): 2920-2935.

3. Medscape - La cellule qui pourrait déclencher la maladie d'Alzheimer

Des essais de phase 3 avec des médicaments contre la maladie d'Alzheimer qui doivent être arrêtés faute d'effet clinique satisfaisant, c'est un phénomène bien connu. Les molécules testées sont principalement des anticorps monoclonaux qui se lient à l'amyloïde-b et l'évacuent. La série considérable d'échecs cliniques avec ce type d'agents a donné lieu à deux hypothèses bien distinctes. Soit l'amyloïde-b n'est pas la cause principale des dommages neuronaux, ou le médicament est administré à un stade trop tardif. Dans ce dernier cas, il semble préférable de traiter les personnes à risque avant qu'elles ne développent des symptômes, en lien avec le constat que les plaques amyloïdes sont présentes dans le cerveau bien avant que la maladie ne devienne cliniquement visible. Les expérimentations animales soutiennent cet argument (1). L'une d'elles a fait appel au génie génétique pour provoquer chez des souris une production excessive de protéine précurseur de l'amyloïde. Lorsque les animaux ont été traités à un âge précoce avec l'aducanumab, un anticorps monoclonal, ils ont développé significativement moins de plaques et de symptômes après six mois par rapport au groupe témoin. En juin 2021, la FDA a accordé une approbation accélérée à l'utilisation de l'aducanumab chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, car dans deux études cliniques, ce médicament a réduit les plaques amyloïdes chez les patients atteints d'une maladie précoce, résultat resté absent dans le groupe placebo. Le maintien de l'autorisation dépendra des résultats d'un nouvel essai clinique actuellement en cours sur l'aducanumab. Par ailleurs, plusieurs études mettent en jeu une diversité d'anticorps monoclonaux en vue de traiter des patients encore asymptomatiques mais à risque. Les chercheurs conviennent que la maladie d'Alzheimer peut devoir être combattue sous plus d'un angle, ce qui explique l'attention portée au rôle du système immunitaire depuis une dizaine d'années. Cette réorientation résulte de la recherche sur les déterminants génétiques liés au développement de la maladie. Il a en effet été établi qu'il existe une corrélation entre la maladie d'Alzheimer et des variants de gènes impliqués dans la régulation immunitaire. Le premier gène ayant attiré l'attention est le CD33, découvert en 2008. La protéine correspondante apparaît non seulement à la surface de diverses cellules immunitaires, comme les monocytes et les macrophages, mais est également exprimée en abondance par les cellules microgliales du cerveau. Les cellules microgliales, qui sont responsables de l'élimination des cellules mortes et de la lutte contre les agents pathogènes, peuvent être considérées comme les macrophages du tissu cérébral. Chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer tardive, les études autopsiques ont révélé une expression accrue de CD33, qui semble être à l'origine d'une élimination déficiente de l'amyloïde-b. La désactivation de CD33 (knockout) diminue en effet le volume des plaques dans un modèle murin de la maladie d'Alzheimer, alors que la thérapie génique a pu réduire l'expression de CD33, diminuant ainsi l'accumulation d'amyloïde-b. (2)Cette thérapie génique expérimentale est le travail de l'Américain Rudolph Tanzi et de ses collègues, qui examinent le lien entre CD33 et la maladie d'Alzheimer depuis de longues années. Dans une récente interview, le Pr Tanzi explique son point de vue sur la pathogenèse de la maladie d'Alzheimer. (3) Il considère les dépôts d'amyloïde-b comme un phénomène de vieillissement à l'origine inoffensif et d'ampleur limitée. Mais, soutient-il, nos cellules microgliales sont mal préparées à cela, car les humains avaient autrefois une espérance de vie qui ne leur permettait pas d'accumuler des quantités importantes d'amyloïde-b dans le cerveau. En conséquence, les cellules microgliales réagissent particulièrement violemment à l'accumulation, devenant ainsi contre-productives, d'où une une accélération du processus. Le risque que cela se produise dépend des variants génétiques. Pas seulement des variants du gène CD33 d'ailleurs, car la littérature décrit toute une série d'autres gènes liés à la maladie d'Alzheimer et au système immunitaire. Certains chercheurs contestent cette théorie et soutiennent que la formation de plaques est en effet le primum movens. Selon eux, les cellules microgliales deviennent secondairement hyperactives dès lors qu'elles ne peuvent plus faire face au travail de dégradation. Il existe toutefois un consensus sur le fait que le soutien de la fonction microgliale pourrait être une cible valable pour endiguer la maladie d'Alzheimer.