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Le succès des ETF ne se dément pas. Ces Exchange Traded Funds, ou fonds cotés en bourse, sont véritablement entrés dans les moeurs, et pas seulement dans le chef des petits investisseurs particuliers. Ainsi le fameux Warren Buffett, qui arriva longtemps à battre les indices boursiers américains au point de devenir le deuxième homme le plus riche du monde, a-t-il déclaré: "Quand je mourrai, placez mon héritage dans des ETF. C'est ce qui rapportera le plus." Cette affirmation pourrait être considérée comme une défiance à l'égard de ceux qui le suivront et qui risquent fort, selon lui, de gérer moins bien... Il reste que le message est clair: c'est à ses yeux une bonne stratégie. Les ETF ne suivent pas que des indices boursiers, mais également des indices sectoriels (la banque), géographiques (l'Europe), de matières premières (l'or, l'énergie), sans oublier des indices obligataires. C'est dans ce dernier domaine que ce véhicule financier a récemment trouvé une fameuse consécration officielle, si besoin en était. Dans sa politique d'achats massifs d'obligations pour faire baisser les taux d'intérêt, la banque centrale américaine n'a pas seulement visé des paquets de Treasuries et autres titres publics et privés. Elle a également acheté des ETF en quantité, pour couvrir d'un coup une large gamme d'obligations. Au fait, quels sont les principales qualités des ETF, mais aussi leurs défauts? La principale qualité des ETF, la plus volontiers mise en avant, est leur coût réduit. Pour suivre un indice passivement, un petit programme informatique suffit. Rien à voir avec une équipe d'analystes suivant l'actualité de près, décortiquant les bilans et communiqués des entreprises, se décarcassant à discerner leurs points forts et faibles, etc. Résultat: alors que les frais de gestion comptés par les fonds se situent grosso modo entre 1,5 et 2% par an (et davantage pour certains), les fonds indiciels se contentent de 0,15 à 0,30%. Voire moins: en 2014, le gestionnaire Vanguard a fait sensation en lançant un ETF axé sur l'indice américain S&P 500 affichant 0,09% à peine! Ce n'est pas tout. L'achat d'un fonds est souvent facturé 2% par la banque, parfois même 3%. Puisqu'il est coté en bourse, l'ETF supporte des frais comparables à ceux des actions, ce qui se situera en principe en-dessous de ceux comptés pour les fonds. Un bémol: la taxe boursière passe de 0,12% à 1,32% pour les ETF ne versant pas de dividende. Cette cotation boursière offre une autre qualité: l'investisseur connaît le cours auquel il achète. Ce n'est absolument pas le cas des fonds. Pour ceux-ci, les émetteurs calculent le plus souvent chaque jour la valeur d'inventaire, c'est-à-dire ce que vaut une part du fonds, sur base du cours des actions ou obligations figurant en portefeuille. Ce calcul se fait en principe à la clôture des marchés. Résultat: en achetant le lundi, on paiera la valeur annoncée seulement le lendemain. L'investisseur ayant avec perspicacité entrevu le début d'un mouvement de hausse dès le courant de la matinée, l'aura donc raté. L'ETF supprime ce handicap pour l'investisseur actif. Les partisans des ETF soulignent à l'envi que la plupart des gestionnaires de fonds actifs n'arrivent pas à battre les indices, soit par manque de choix judicieux, soit plus simplement en raison des frais. Plusieurs études menées sur de longues périodes situent le taux de réussite aux alentours de 25% sur cinq ans, mais dix ou 12% à peine sur 10 ans. Ceci ne saurait cependant masquer les performances remarquables de certains gestionnaires. Évoqué plus haut, Warren Buffett a ainsi battu le marché "à plat de couture" durant les années 70 et 80, au point d'afficher un return annuel de 20% entre 1965 et 2020, soit le double de la Bourse américaine! En ce compris les années 2019 et 2020, durant lesquelles il accumula au contraire un retard total de 37%... Autre cas: le gestionnaire français Carmignac, qui eut son heure de gloire durant les premières années 2000. À l'issue de cette décennie, soit en 2010, son fonds patrimonial, investi tant en actions qu'en obligations, avait dépassé son indice de référence de 136%! Avant de lâcher prise durant plusieurs années, puis de connaître un sursaut. En suivant un indice passivement, on accompagne les actions à la hausse sans pouvoir se délester si l'on estime que le cours est devenu excessif et qu'il va corriger. Autrement dit, on ne peut pas vendre à 100 ce qu'on a acheté à 50, dans l'espoir de racheter à 70 ou 80, par exemple. C'est un inconvénient très important en théorie... mais moins en pratique, aussi vrai qu'il est fort malaisé de déterminer le moment où une action est proche de son sommet. Vendre (beaucoup) trop tôt et se priver ainsi d'une jolie plus-value supplémentaire est du reste une erreur fréquente. Nombre de fonds actifs en ont souffert ces dernières années, en sous-pondérant des actions vedettes comme Apple ou Amazon, dont la hausse continuelle leur donnait un poids jugé excessif dans les portefeuilles. Il reste qu'il est quand même parfois utile de pouvoir s'alléger et qu'un fonds géré activement le permet, de même qu'un ETF actif. Nous y voilà! Les ETF qualifiés d'actifs offriraient-ils donc à la fois les qualités des ETF et celles des fonds gérés activement? Encore peu répandus en Europe, les ETF actifs font un malheur aux Etats-Unis, où leur récolte de capitaux a dépassé celle des ETF passifs en 2020. Rapidement entrée dans la légende, Catherine Wood, fondatrice d'ARK Invest, en a fait une promotion tonitruante. Son ARK Innovation ETF a gagné pas moins de 152% en 2020, pendant que l'indice technologique Nasdaq s'appréciait de 44% "seulement". La famille ARK compte d'autres membres, axés sur la robotique, les entreprises financières technologiques (fintechs), ou encore l'exploration spatiale. Tout cela sur base de quels indices? Des indices - maison... ou alors aucun! Dorénavant, le sigle ETF correspond en effet à une forme (cotation en bourse surtout) et pas nécessairement à une méthode de gestion. En un mot comme en cent, un ETF n'est pas forcément indiciel. Coté en bourse et affichant des frais de gestion inférieurs à ceux d'un fonds classique (mais supérieurs à ceux d'un tracker indiciel), l'ETF actif rassemble finalement le meilleur des deux mondes. Mais comporte aussi le risque d'erreurs stratégiques propres aux fonds actifs!