...

C'est par un communiqué court et sibyllin que le ministre de la Santé publique (Vooruit) a rendu compte, lundi avant minuit, de son rétropédalage: "Je me réjouis que la convention médico-mutualiste ne soit pas dénoncée [par l'Absym]. Cette convention offre une sécurité tarifaire aux patients qui font appel à des médecins conventionnés et permet de nouvelles initiatives importantes dans les soins de santé. La convention est également la base sur laquelle les médecins conventionnés reçoivent un soutien pour leur statut social. Je réaffirme qu'une protection des patients socialement vulnérables au regard de la demande de suppléments est un objectif très important, mais que les modalités concrètes d'une interdiction des suppléments pour les patients socialement vulnérables dans le secteur ambulatoire feront l'objet de concertations avec la médico-mut dans le courant de l'année 2023. Comme indiqué précédemment au Parlement, la mise en oeuvre concrète de cette mesure interviendra au plus tôt en 2024."Comment en était-on arrivé à ce que, quelques jours plus tôt, l'Absym menace de dénoncer l'accord? Une succession de passages en force du ministre socialiste, il faut bien le dire, en ont été le déclencheur comme le résume Jacques de Toeuf, président honoraire de l'Absym. Les problèmes se sont posés au cours des derniers mois en raison de divers éléments d'initiatives prises par le ministre, annoncées certes, et l'objet de consultations mais pas vraiment de négociations. L'interdiction de suppléments d'honoraires pour tous les prestataires conventionnés ou pas, en premier lieu "discutée" en juin. Dialogue il y a eu en médico-mut entre syndicats médicaux et mutuelles sur les inconvénients et les avantages de la mesure. On a pris acte des positions et du refus de l'Absym. Ce premier point redéfinit de manière fondamentale les revenus des médecins et donc permet d'actionner une des conditions de dénonciation de l'accord. Le deuxième point, dans le même ordre d'idée, c'est l'arrêté d'exécution de l'article 155 §3 de la Loi sur les hôpitaux. Il permet par AR de définir quels sont les tarifs applicables en toute circonstance et les frais qu'on peut mettre à charge des honoraires dans l'hôpital. "Depuis 2017, j'ai argumenté auprès de Maggie De Block mettant dans l'accord une date butoir pour que soit soumis à la médico-mut, avant 2022, un projet d'AR qui régule les rétrocessions d'honoraires. Or cet AR n'a pas été pris, pas même d'avant-projet, seulement un secret absolu autour d'un document présenté en séance. Les hôpitaux sont bien sûr totalement contre."Fin 2021, Vandenbroucke déclare qu'il va régler le problème du financement hospitalier, des rétrocessions d'honoraires et de la nomenclature. Mais quatre mois plus tard, en février 2022, il se rend compte que ça va être difficile et se contente de la réforme de la nomenclature. "Du côté de l'hôpital, rien ne se passe. Pour permettre une certaine sérénité, on a accepté le standstill des suppléments d'honoraires et des prélèvements. Or, seul le premier a été respecté. Les gestionnaires hospitaliers ont continué à demander des rétrocessions supplémentaires aux conseils médicaux si ceux-ci étaient d'accord. En 2022, beaucoup d'hôpitaux ne se sont pas gênés pour prélever sans justificatif des sommes importantes en pourcentage des recettes."Deux autres décisions en contradiction avec les accords conclus ont été prises: 1. Au niveau de l'imagerie médicale (matériel lourd), l'Absym avait accepté de prendre des mesures pour obliger les services d'imagerie de proposer des rendez-vous sans suppléments pour les patients ayant besoin de ce matériel. "VDB a transformé cela en arrêtés obligeanttous les radiologues à travailler au tarif conventionné sur ces machines. Cela va bien au-delà de l'accord. Or celui-ci a été validé par le gouvernement (notamment au Conseil général où le gouvernement a un droit de veto) et publié au Moniteur. On s'est dit: qu'ils arrêtent de jouer avec nos pieds!"2. Octobre 2022: le Conseil général, après le Comité de l'assurance, vote la distribution de 100 millions d'euros d'aide aux seuls médecins entièrement conventionnés. "Même le Cartel était contre cette mesure unilatérale d'autant que ces 100 millions auraient été prélevés sur les honoraires! On consacrait 2% d'indexation à une prime complémentaire aux seuls conventionnés totaux, soit 1 000 euros par médecin! Pour 500 euros nets par an, on incite les médecins à se conventionner totalement!"Selon l'Absym, ceci porte atteinte aux bases mêmes de la convention qui stipule le choix absolu d'un prestataire de travailler dans ou en-dehors de la convention. "On faussait totalement le jeu. Ajouté à l'interdiction des suppléments d'honoraires en ambulatoire pour les BIM (30% de la population), il ne reste plus beaucoup de possibilités. On était en train de démantibuler l'entièreté du système! S'il est à bout de souffle, prenons-en note mais n'agissons pas pour le saper en "stoemelings" en faisant des petites tranches de salami çà et là..."Si on ajoute la désertion des spécialistes hospitaliers (gynécologues, dermatologues, anesthésistes), le mécontentement de la base est énorme. Le GBO a d'ailleurs souligné que "au tarif de la convention avec une consultation à 30 euros, les MG non plus ne peuvent plus travailler, ils doivent voir six patients par heure. C'est de l'abattage.""Le problème actuel est qu'il n'y a pas de réelle co-écriture des textes. À force d'imposer des choses que la majorité ne veut pas, on va droit au clash. Les dispositions dans l'ambulatoire devenaient insupportables. Même si nous comprenons que les BIM ont du mal à joindre les deux bouts, il y a des faux BIM..." Selon de Toeuf, il ne restait donc à l'Absym que la menace de dénonciation de l'accord. "Or, nous n'avions que 15 jours pour demander de réunir la médico-mut. La Loi BIM ambulatoire date du 7 décembre, donc 15 jours après on a envoyé la lettre... Jo De Cock, [président de la médico-mut], ne pouvait pas faire autrement que de réunir la médico-mut. Or dans ce cas de figure, le ministre de tutelle doit être présent en médico-mut. Ce qui était notre but: avoir enfin un dialogue franc avec le ministre Vandenbroucke en présence des syndicats et des mutuelles afin de sortir de la réunion avec un protocole d'accord qui permette à l'accord médico-mut de continuer. Le gouvernement ayant mangé sa parole, le syndicat était en position, sinon, de dénoncer l'accord... Le but était de forcer le dialogue..."En coulisse, bien sûr, il y a eu plusieurs opérations de déminage pour éteindre le conflit. L'Absym a atteint sa feuille de route qui était de ne pas tout faire péter. Résultat des courses: la confiance est retrouvée entre l'Absym et le ministre qui aurait d'ailleurs glissé qu'il était davantage favorable aux médecins qu'aux gestionnaires...