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(...) Pour la médecine, cela signifie que son obligation de moyens ne suffit plus, elle doit être gérée comme un outil économique qui doit obtenir des résultats. Même en cas de maladie incurable, il faudra trouver un coupable! Dans ce contexte, la déification de la technique semble offrir un abri rassurant: "C'est la machine qui l'a dit". Histoire connue du généraliste qui envoie une patiente chez le gastro-entérologue pour douleurs abdominales et nausées, on ne trouve rien à l'endoscopie, renvoi chez le généraliste. Personne n'a regardé l'abdomen de cette patiente enceinte de six mois et en déni de grossesse. La médecine n'est pas une machine presse-bouton. Elle se pratique dans une relation humaine, avec un "émetteur", le patient qui a sa manière toute personnelle d'exprimer ce qu'il ressent, qui peut ne pas parler notre langue, ou être un enfant, ou un dément, et un "récepteur", le médecin, qui peut être épuisé, perturbé, dérangé par des circonstances extérieures. La transmission aussi peut défaillir ou être truffée de quiproquos (cela me rappelle que, dans mon enfance, mon père recevait toujours des coups de téléphone d'un nommé Louis Maime, jusqu'au jour où j'ai compris qu'il répondait simplement "lui-même" à son correspondant). Comme les médecins, ceux qui réglementent la profession peuvent être victimes d'illusions. Ils s'imaginent maîtriser l'avenir, ils font une confiance aveugle aux statistiques et aux algorithmes et ne jurent que par les informaticiens. Bien sûr, notre pratique médicale doit se fonder sur des preuves, mais elle doit rester singulière, humaine, à l'écoute et au chevet du malade. Et toujours prête à réenvisager ses interprétations. ?