Le journal du Médecin: Quelle méthodologie avez-vous utilisé pour arriver à ces projections? Vous partez apparemment du nombre de bacheliers, vous inférez le nombre de masters tout en soustrayant les médecins susceptibles de ne pas rester au pays et tenez compte des revenus des médecins? Pourriez-vous expliquez succinctement.

Mélanie Lefèvre: Nous analysons les résultats de modèles de projections existants. En quelques mots, il s'agit d'un modèle de stock-and-flow. Le point de départ est effectivement le nombre d'étudiants qui s'inscrivent pour la première fois au programme "bachelier en médecine", ventilé par communauté et par nationalité. En utilisant un certain nombre d'hypothèses, ceci permet d'inférer le nombre futur de diplômés en master puis le nombre futur de médecins en formation pour une spécialité médicale (toujours ventilés par communauté et par nationalité). Parmi les médecins en formation, une hypothèse est posée sur la proportion de ceux qui choisiront chacune des spécialités médicales (1). Cela permet d'inférer le flux de médecins formés en Belgique qui seront enregistrés au cadastre, auquel on ajoute les médecins formés à l'étranger. On estime ensuite les pertes liées à la mortalité, à ceux qui ne pratiqueront pas la médecine, et à ceux qui n'exerceront pas dans les soins de santé. Le résultat est une projection du nombre de médecins (pour chaque spécialité) actifs dans les soins de santé. Pour calculer ce que cela représente en termes d'équivalents temps plein, on applique un "taux d'activité" à ces effectifs. Pour les médecins indépendants, le calcul des ETP repose sur le montant des remboursements effectués par les mutualités. Par exemple, un ETP d'un médecin généraliste correspond à un montant de remboursement brut égal à 124.396 euros. Cette méthode n'est pas idéale parce que le montant associé aux actes n'est pas proportionnel au temps pris pour les réaliser.

Ces projections sont avant tout un outil d'aide à la décision.

Vous vous basez sur les chiffres de la Commission fédérale de la planification. Les numéros Inami seront-ils (ou ont-ils déjà été) adaptés en fonction de vos projections?

La Commission de planification se penche uniquement sur les nombres globaux (c-à-d pas les sous-quotas par exemple en médecine générale), mais ils peuvent également contenir des "conseils" aux communautés pour les sous-quotas.

Quelles sont les principales tendances pour les MG et pour les médecins d'ici 2036?

En Communauté française, le modèle prévoit que le nombre de médecins généralistes en activité augmentera légèrement entre 2016 et 2036 (de 5.192 à 5.489, soit une augmentation de 297 individus). Cette augmentation du nombre d'individus (+5,7%) ne se traduit pas par une augmentation du nombre d'ETP pour lesquels une baisse de 5,7% est attendue entre 2016 et 2036. En Communauté flamande, on s'attend à une augmentation plus importante du nombre de médecins généralistes, qui passera de 6.907 en 2016 à 8.510 en 2036, soit une augmentation de 1.603 individus. Cette importante hausse (+23,2%) ne se traduit que partiellement par une augmentation du nombre d'ETP (+8,5%). Pour l'ensemble des médecins, en Communauté française, le nombre de médecins va augmenter de 17,8% entre 2016 et 2036 (de 15.841 à 18.656) tandis que le nombre d'ETP restera relativement stable (de 14.209 à 14.502 soit une augmentation de 2,1%). En Communauté flamande, le nombre de médecins devrait fortement augmenter entre 2016 et 2036 (de 18.050 à 25.850, soit une augmentation de 7.800 individus ou +43,2%), soit 44.506 médecins en tout. Cette augmentation du nombre d'individus actifs se traduit (partiellement) par une augmentation du nombre d'ETP (+26,9%).

Ces chiffres cachent de grandes disparités entre spécialités. Pour résumer, quelles sont les spécialités qui vont progresser le plus en ETP?

On voit une forte augmentation pour la gériatrie dans les deux communautés. Notez qu'il faut être prudent dans les comparaisons, par exemple la forte augmentation pour la spécialité "médecine d'urgence et médecine aiguë" fait suite à la reconnaissance récente du titre professionnel en médecine d'urgence, je ne le comparerais donc pas aux autres. On observe une forte diminution pour la biologie clinique en communauté française, mais cela dépasse mes connaissances.

On observe en parallèle une augmentation du nombre de contacts?

Les projections du nombre de contacts sont effectuées par le Bureau fédéral du Plan. Les chiffres exacts sont: 47,7 millions (2017), 48,5 millions (2020) et 51,9 millions (2025) pour les médecins généralistes et 78,5 millions (2017), 81,0 millions (2020) et 87,3 millions (2025) pour l'ensemble des médecins. L'augmentation attendue du nombre de contacts avec les médecins généralistes à court terme (5 ans) est plus importante que l'augmentation attendue de l'offre.

Dans le même temps, les dépenses de santé publique passeraient, tenant compte du vieillissement de la population, d'environ 35 milliards d'euros en 2016 à près de 100 milliards d'ici 2070, ceux-ci se limitant toutefois à 10,4% du PIB contre 7,8% en 2016. Quelle est la validité d'une projection à si long terme et le KCE et le Bureau du Plan considèrent-ils que 10,4% du PIB est soutenable pour nos finances publiques?

Il s'agit de projections à long terme. Elles tiennent compte des tendances observées dans le passé mais sont inévitablement basées sur des hypothèses (en particulier les taux de croissance après 2025). Il ne faut donc pas interpréter ces projections comme des chiffres exacts pour l'avenir mais comme un outil d'aide à la décision et permettant de cadrer le débat politique.

1. En ce qui concerne le choix des spécialités médicales, le modèle fait l'hypothèse qu'à l'avenir 40% se spécialiseront en médecine générale en communauté flamande et 42% en communauté française.

Le journal du Médecin: Quelle méthodologie avez-vous utilisé pour arriver à ces projections? Vous partez apparemment du nombre de bacheliers, vous inférez le nombre de masters tout en soustrayant les médecins susceptibles de ne pas rester au pays et tenez compte des revenus des médecins? Pourriez-vous expliquez succinctement. Mélanie Lefèvre: Nous analysons les résultats de modèles de projections existants. En quelques mots, il s'agit d'un modèle de stock-and-flow. Le point de départ est effectivement le nombre d'étudiants qui s'inscrivent pour la première fois au programme "bachelier en médecine", ventilé par communauté et par nationalité. En utilisant un certain nombre d'hypothèses, ceci permet d'inférer le nombre futur de diplômés en master puis le nombre futur de médecins en formation pour une spécialité médicale (toujours ventilés par communauté et par nationalité). Parmi les médecins en formation, une hypothèse est posée sur la proportion de ceux qui choisiront chacune des spécialités médicales (1). Cela permet d'inférer le flux de médecins formés en Belgique qui seront enregistrés au cadastre, auquel on ajoute les médecins formés à l'étranger. On estime ensuite les pertes liées à la mortalité, à ceux qui ne pratiqueront pas la médecine, et à ceux qui n'exerceront pas dans les soins de santé. Le résultat est une projection du nombre de médecins (pour chaque spécialité) actifs dans les soins de santé. Pour calculer ce que cela représente en termes d'équivalents temps plein, on applique un "taux d'activité" à ces effectifs. Pour les médecins indépendants, le calcul des ETP repose sur le montant des remboursements effectués par les mutualités. Par exemple, un ETP d'un médecin généraliste correspond à un montant de remboursement brut égal à 124.396 euros. Cette méthode n'est pas idéale parce que le montant associé aux actes n'est pas proportionnel au temps pris pour les réaliser. Vous vous basez sur les chiffres de la Commission fédérale de la planification. Les numéros Inami seront-ils (ou ont-ils déjà été) adaptés en fonction de vos projections? La Commission de planification se penche uniquement sur les nombres globaux (c-à-d pas les sous-quotas par exemple en médecine générale), mais ils peuvent également contenir des "conseils" aux communautés pour les sous-quotas. Quelles sont les principales tendances pour les MG et pour les médecins d'ici 2036? En Communauté française, le modèle prévoit que le nombre de médecins généralistes en activité augmentera légèrement entre 2016 et 2036 (de 5.192 à 5.489, soit une augmentation de 297 individus). Cette augmentation du nombre d'individus (+5,7%) ne se traduit pas par une augmentation du nombre d'ETP pour lesquels une baisse de 5,7% est attendue entre 2016 et 2036. En Communauté flamande, on s'attend à une augmentation plus importante du nombre de médecins généralistes, qui passera de 6.907 en 2016 à 8.510 en 2036, soit une augmentation de 1.603 individus. Cette importante hausse (+23,2%) ne se traduit que partiellement par une augmentation du nombre d'ETP (+8,5%). Pour l'ensemble des médecins, en Communauté française, le nombre de médecins va augmenter de 17,8% entre 2016 et 2036 (de 15.841 à 18.656) tandis que le nombre d'ETP restera relativement stable (de 14.209 à 14.502 soit une augmentation de 2,1%). En Communauté flamande, le nombre de médecins devrait fortement augmenter entre 2016 et 2036 (de 18.050 à 25.850, soit une augmentation de 7.800 individus ou +43,2%), soit 44.506 médecins en tout. Cette augmentation du nombre d'individus actifs se traduit (partiellement) par une augmentation du nombre d'ETP (+26,9%). Ces chiffres cachent de grandes disparités entre spécialités. Pour résumer, quelles sont les spécialités qui vont progresser le plus en ETP? On voit une forte augmentation pour la gériatrie dans les deux communautés. Notez qu'il faut être prudent dans les comparaisons, par exemple la forte augmentation pour la spécialité "médecine d'urgence et médecine aiguë" fait suite à la reconnaissance récente du titre professionnel en médecine d'urgence, je ne le comparerais donc pas aux autres. On observe une forte diminution pour la biologie clinique en communauté française, mais cela dépasse mes connaissances. On observe en parallèle une augmentation du nombre de contacts? Les projections du nombre de contacts sont effectuées par le Bureau fédéral du Plan. Les chiffres exacts sont: 47,7 millions (2017), 48,5 millions (2020) et 51,9 millions (2025) pour les médecins généralistes et 78,5 millions (2017), 81,0 millions (2020) et 87,3 millions (2025) pour l'ensemble des médecins. L'augmentation attendue du nombre de contacts avec les médecins généralistes à court terme (5 ans) est plus importante que l'augmentation attendue de l'offre. Dans le même temps, les dépenses de santé publique passeraient, tenant compte du vieillissement de la population, d'environ 35 milliards d'euros en 2016 à près de 100 milliards d'ici 2070, ceux-ci se limitant toutefois à 10,4% du PIB contre 7,8% en 2016. Quelle est la validité d'une projection à si long terme et le KCE et le Bureau du Plan considèrent-ils que 10,4% du PIB est soutenable pour nos finances publiques? Il s'agit de projections à long terme. Elles tiennent compte des tendances observées dans le passé mais sont inévitablement basées sur des hypothèses (en particulier les taux de croissance après 2025). Il ne faut donc pas interpréter ces projections comme des chiffres exacts pour l'avenir mais comme un outil d'aide à la décision et permettant de cadrer le débat politique.