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L'année 2020 aura véritablement été une annus horribilis, comme dirait la Reine d'Angleterre. Quoique sans doute moins désastreuse, au final, qu'on ne l'appréhendait au début du printemps. D'un côté, la chute de l'activité économique aura été sans équivalent de mémoire d'être humain. C'est que, avec le deuxième (presque) confinement d'octobre et novembre, l'activité a tristement rechuté après son sursaut de l'été, comme en témoignent les indicateurs économiques européens de novembre. Ces derniers réservent toutefois une heureuse surprise du côté de l'industrie, qui fut encore en expansion contrairement aux services. C'est aussi le cas de l'Allemagne prise globalement. Dans le sillage de l'annonce de vaccins efficaces, qui permettent d'envisager un retour à la normale au printemps ou en été 2021, la Bourse a même enregistré un sursaut historique durant ce même mois de novembre. L'indice S&P 500, le plus représentatif des actions américaines, a ainsi bondi de 10,8%, ce qui constitue son meilleur mois de novembre depuis... 1928. De son côté, le Stoxx 600, le baromètre des actions européennes, a même bondi de 13,7%! Émise le 1er décembre dernier, la dernière prévision de l'agence financière Standard & Poors faisait état d'une chute attendue de l'activité de 7,2% en 2020 pour la zone euro et d'un rebond de 4,8% en 2021. Ceci ne compenserait donc pas cela, car repasser à 100% en partant de 92,8% nécessite une hausse de 7,75%. On sera loin de compte. C'est encore plus vrai sur base des attentes de l'OCDE: l'organisation avance - 7,5% pour 2020 et +3,6% à peine pour 2021, toujours pour la zone euro. À noter que la Belgique se classerait parmi les pays forts, en affichant +4,7%. De l'avis général, il faudra attendre la fin de l'année prochaine pour retrouver le tonus économique de 2019. Deux années perdues, en somme, en matière de croissance économique. L'investisseur pourrait dès lors se demander si le sursaut boursier du mois dernier n'est pas un peu prématuré. En d'autres termes, en anticipant peut-être dès à présent un retour à la normale, cet élan ne ferme-t-il pas la porte à une belle année boursière 2021? Concrètement, l'investisseur ne devrait-il pas profiter de ce joli sursaut pour vendre ses actions et fonds de placement, quitte à y revenir dans le courant de l'année prochaine? C'est exactement à cette question que le gestionnaire de fonds luxembourgeois Ethenea a répondu à l'issue du rebond de novembre. Admettant que le marché était alors techniquement en situation de "surachat", il considérait que "les conditions sont en place pour un marché positif durant les trois à six prochains mois" et signalait être passé d'un portefeuille neutre à une plus forte exposition aux actions. Justification: "Avec le soutien d'une politique de la banque centrale toujours très favorable et d'autres mesures fiscales, les perspectives de bénéfices des entreprises devraient non seulement se stabiliser l'année prochaine, mais pourraient même réserver d'agréables surprises." Voilà qui ne serait de toute manière pas malvenu, après la chute prévue en 2020, illustrée par le tableau ci-contre. Le formidable rebond des Bourses en novembre a été d'autant plus remarqué qu'il fut mené par les actions dites value davantage que par les actions de croissance. De quoi s'agit-il? Les secondes sont représentées par les entreprises technologiques telles que les fameuses Gafa: Google, Apple, Facebook, Amazon. Les actions de valeur, dites value, sont celles des entreprises plus classiques, dont la croissance est globalement (beaucoup) plus faible et plus irrégulière: finance, énergie... De ce fait, leur cours de Bourse est relativement proche de leur valeur bilantaire, c'est-à-dire du niveau de leurs fonds propres. Dans certains secteurs très délaissés, elle peut même être inférieure. Pour les actions de croissance, le cours est au contraire un généreux multiple de la valeur bilantaire. Deux extrêmes: en Bourse et prises globalement, les banques européennes valent actuellement un tiers de moins que leurs fonds propres, alors qu'Amazon les vaut 20 à 25 fois! Ce sont les actions de croissance qui mènent la danse depuis une dizaine d'années. Le magazine financier américain Barron's a d'ailleurs fait le calcul: l'investisseur ayant, voilà dix ans, misé 10.000 dollars sur ce type d'actions aurait aujourd'hui un portefeuille valant 45.000 dollars. Avec la même somme investie en actions value, il devrait se contenter de 25.000 dollars. Pas mal en soi, c'est vrai, mais 45% de moins quand même... Or, qu'a-t-on observé en novembre? Aux États-Unis, les 1.000 plus importantes actions de croissance ont progressé de 10,1%, soit un peu moins que les 10,8% évoqués plus haut. Les 1.000 premières actions value ont, de leur côté, progressé de 13,2%. La différence n'est pas colossale, mais elle représente un réel bouleversement par rapport au reste de l'année. Au point que certains se sont demandé si ce retournement de situation n'était pas prémonitoire pour l'année 2021. On a compris que la question n'était pas simplement théorique, loin de là: une pareille "rotation", pour employer le terme consacré dans le jargon financier, pourrait signifier d'importants mouvements de cours. Autrement dit, il y aurait de sympathiques plus-values à réaliser même si le marché restait globalement stable. Décidément très réactif, Ethenea s'est également penché sur cette question. Son jugement est plutôt négatif: "En termes absolus, les perspectives à moyen et long termes de nombreuses actions value sont plutôt modestes. À long terme, la croissance fondamentale des entreprises reste en effet un facteur décisif et nécessaire pour une performance durablement positive des actions." Alors, espoir envolé pour un rattrapage des actions value en 2021? Peut-être pas, car le gestionnaire est plus positif à court terme. Il considère que "les effets temporaires déclenchés par la pandémie actuelle semblent avoir été extrapolés trop loin et de manière trop peu critique dans le futur monde post-Covid". Autrement dit, quand la pandémie s'estompera concrètement, les actions traditionnelles ( value) pourraient bien continuer de résorber leur retard, comme "annoncé" le mois dernier. Ethenea signale du reste avoir accru le poids de ces valeurs dans son portefeuille. Un investisseur averti...