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Des députés de huit partis ont formé une majorité inédite à la Chambre -PS, sp.a, MR, Open Vld, Ecolo-Groen, PTB et DéFI- pour approuver les articles d'une proposition. Pour ceux qui auraient raté un épisode, la proposition de loi comporte quatre volets importants : l'augmentation du délai d'avortement de trois mois à 4,5 mois de grossesse (20 semaines d'aménorrhée), la diminution du délai de réflexion de six jours à 48 h et la dépénalisation complète de l'IVG en le qualifiant d'acte médical à part entière. Quatrièmement : " Aucun médecin ne peut être empêché de pratiquer une interruption volontaire de grossesse en vertu d'une convention. Le cas échéant, une telle clause d'interdiction est réputée non écrite. "Près de 30 ans après la loi Lallemand-Michielsen qui a dépénalisé partiellement l'avortement en Belgique, les auteur.es estiment " qu'il est temps de moderniser le texte pour répondre aux problèmes actuels, notamment aux quelque 500 à 1.000 femmes qui chaque année vont avorter à l'étranger". Elles veulent aussi donner aux femmes " la pleine liberté de disposer de leur corps".Le CD&V a voté contre, aux côtés de la N-VA, du Vlaams Belang et du CDH qui sont opposés à tout ou partie du texte. Le CD&V en a fait une affaire de principe pour monter dans un gouvernement arc-en-ciel élargi aux chrétiens-démocrates. La proposition de loi a néanmoins été votée en première lecture et est examinée en ce moment par le Conseil d'État. Elle ne devrait pas être approuvée en deuxième lecture avant plusieurs semaines.Une pétition a été lancée en ligne avec en préambule une tribune libre publiée dans La Libre et dans De Morgen contre cette proposition de loi (lire notre dernière édition). Elle constitue un appel désormais de 1.915 soignants (médecins, sages-femmes, infirmiers et psychologues) et 4180 citoyens.Les pétitionnaires dénoncent " le délitement des balises éthiques dans la proposition de loi qui vise à élargir les conditions d'accès à l'avortement. Elle brise le nécessaire équilibre entre la liberté de la femme et l'attention portée à l'enfant à naître qui se développe dans son corps ".Alors que la Belgique est sans gouvernement de plein exercice depuis plus de 150 jours, la pétition dénonce ceux qui veulent " profiter de l'absence d'un accord de gouvernement pour avancer ". Ils souhaitent " éclairer l'opinion publique sur le contenu de la proposition de loi qui pourrait être votée dans les prochaines semaines, en l'absence de véritable débat de fond".Le Collectif critique tout d'abord l'élargissement du délai pour l'IVG à 4,5 mois de grossesse. " À ce stade avancé de développement, nous sommes à quelques semaines du seuil de viabilité du bébé : il mesure 20 centimètres, il est sensible au toucher et aux sons. À 18 semaines, nous nous trouvons face à un être humain déjà formé. " Il s'agit donc, pour le Collectif, d'un mauvais signal qui déresponsabilise et banalise l'IVG " à l'heure où on encourage les jeunes à vivre une sexualité responsable".Quant au délai de réflexion ramené de six jours à 48 heures, le Collectif l'estime trop court. " Réduire le délai de réflexion minimum à 48 heures, sans obligation d'informer sur les alternatives à l'avortement ni sur les aides possibles, c'est faire fi d'une nécessaire maturation de la réflexion."La dépénalisation complète de l'IVG semble aux pétitionnaires le pas de trop. "L'avortement doit-il devenir un soin de santé comme un autre ? Les femmes que nous rencontrons ressentent au plus profond d'elles-mêmes que l'avortement n'est pas un acte anodin. Les témoignages ne manquent pas: 90 % des Françaises, par exemple, estiment que l' IVG laisse des traces psychologiques difficiles à vivre. "Ils regrettent également ne disposer depuis sept ans, d'aucune information sur la réalité de l'avortement en Belgique et d'aucune statistique sur leur nombre et les conditions dans lesquelles les IVG se déroulent. Devant ce qu'ils semblent considérer comme une fuite en avant, les signataires demandent donc aux parlementaires de renoncer à cette proposition de loi.Depuis la publication de cette pétition le 26 novembre, on ne peut pas dire qu'elle a fait reculer leurs artisans. Le Collectif a compté quatre députés qui ont lu de larges extraits de la pétition. Après cinq heures de débat, la proposition de loi a été approuvée en première lecture. L'opposition CD&V-N-VA-VB-CDH a toutefois obtenu une deuxième lecture en commission Justice et va demander un avis au Conseil d'État (qui prend entre un et trois mois). Les signatures estiment toutefois avoir ressenti dans les médias l'embryon d'un doute. Le monde médical serait divisé. "Les débats relèvent que les promoteurs de la proposition de loi ne répondent pas aux questions soulevées par notre carte blanche, ni à ceux des parlementaires opposés au texte; cela donne l' impression d' un fondement fragile au projet de loi. "Deux des trois partis d'opposition à la loi ont souligné que l'éthique serait au centre de la prochaine législature et qu'ils sont prêts à revenir sur cette loi. Chez les écologistes flamands, la dépénalisation dans le chef des médecins ne recueille pas l'unanimité. La députée Jessika Soors a voté contre cette partie du texte. Si la dépénalisation complète inquiète beaucoup d'opposants, les partisans font valoir que "le droit commun continuera à s'appliquer et que le médecin qui pratique un avortement illégal sera toujours passible de sanctions disciplinaires"...