Sur le plan épidémiologique, les données issues des cohortes de suivi confirment-elles cette tendance au vieillissement des populations de personnes vivant avec le VIH ?

Indéniablement, le cours de l'infection par le VIH a changé. Il y a 25/30 ans, c'était une maladie aiguë et la majorité de patients mourraient des suites d'infections opportunistes. Avec l'évolution rapide des traitements antirétroviraux, l'infection par le VIH s'est muée en une maladie chronique et l'espérance de vie des patients tend actuellement à se rapprocher de celle observée au sein de la population générale.2

En 2020/2021, l'examen des cohortes européennes et américaines montrent qu'environ 50% des patients vivant avec le VIH et traités par antirétroviraux sont âgés de 50 ans et plus ce qui est en ligne avec nos cohortes belges, et notamment notre cohorte de St Luc, qui recensent 48% à 50% de patients de 50 ans et plus.1,3

Cette tendance devrait continuer sur sa lancée puisque les experts américains tablent sur un chiffre de 70% de personnes vivant avec le VIH âgées de plus de 50 ans à l'aube de 20304.

En pratique quotidienne, abordez-vous les patients de 50 ans et plus de manière différente ou identique à vos patients plus jeunes ?

Pour une prise en charge correcte, il est capital de tenir compte des différences entre ces deux populations. L'âge en lui-même n'est pas important mais bien ses conséquences. Chez le patient VIH de plus de 50 ans, les comorbidités, qui, par ailleurs, guettent tout un chacun, apparaissent en moyenne 10 ans plus tôt par rapport à la population générale5. Elles sont aussi plus nombreuses5. Enfin, elles engendrent une polymédication, source d'interactions médicamenteuses multiples dont il faudra tenir compte afin de ne pas compromettre l'efficacité et la sécurité des traitements antirétroviraux ainsi que des traitements annexes liés aux comorbidités, tout en s'assurant d'une bonne compliance thérapeutique.

Un autre volet important concerne la gestion du phénomène cognitif. Je parle ici de l'isolement, du risque accru de chutes et donc de fractures, des démences et autres troubles neurologiques, de la perte d'autonomie et de son corollaire, le placement en institution. Pour y faire face, il faut, dès à présent, développer une approche multidisciplinaire du patient qui impliquera, entre autre, le gériatre, le cardiologue, le néphrologue, le rhumatologue et, en chef d'orchestre, le médecin généraliste. Cette évolution vers une gestion concertée est nécessaire afin que les années durement gagnées sur le VIH soient des années de qualité et, dans ce cadre, la médecine de première ligne a toute son importance.

Lors des consultations, les patients de 50 ans et plus vous font-ils part d'attentes particulières concernant leur traitement ?

Une demande fréquente est de ne pas ajouter de médicaments supplémentaires pour ne pas augmenter le risque d'effets secondaires et donc de toxicité. Comme les personnes vivant avec le VIH se tiennent bien au courant de toutes les évolutions concernant la prise en charge de leur maladie, les nouvelles options, comme les bithérapies (2-drug regimen, 2DR) qui simplifient le traitement antirétroviral, sont abordées et exercent une attraction certaine auprès des patients.

Lors de l'édition 2022 du congrès de l'IAS, de nouvelles analyses des études SALSA et TANGO ont été présentées qui comparaient efficacité et tolérance mais aussi satisfaction de la 2DR, précisement DTG/3TC, en fonction de l'âge des patients. Pouvez-vous nous en rappeler les principaux enseignements ?

Deux petits rappels en guise d'introduction. Premièrement, la 2DR associant dolutégravir (DTG) et lamivudine (3TC) est recommandée pour initier un traitement chez des patients naïfs moyennant certaines précautions (absence de VHB, absence de résistance aux inhibiteurs d'intégrase ou à la 3TC) et dans le cadre d'un switch chez les patients expérimentés6. Deuxièmement, SALSA et TANGO sont des études menées dans le cadre d'un switch d'une trithérapie (3-drug regimen; 3DR) ou une quadrithérapie (4DR) contenant du TAF7 ou d'une 3/4DR classique8 vers le DTG/3TC.

Récemment, une analyse combinée des données SALSA et de TANGO a évalué l'efficacité et la sécurité du DTG/3TC par rapport aux 3/4DR chez les patients de 50 ans et plus9. Les résultats de cette analyse ne révèlent aucune différence significative en termes d'efficacité virologique, de tolérance, d'émergence de nouvelles résistances ou d'échecs thérapeutiques quel que soit le traitement ou le groupe d'âge (< ou > à 50 ans). L'âge n'a donc pas d'influence sur l'efficacité et la sécurité des thérapies antirétrovirales. Ceci est d'autant plus rassurant que les 177 patients âgés de 50 ans et plus présentaient davantage de comorbidités, étaient d'avantage polymédiqués et étaient sous traitement antirétroviral depuis plus longtemps que les patients âgés moins de 50 ans. La tolérance rénale était identique. L'impact sur les lipides et sur la prise de poids était à peu près identique entre les groupes d'âge.

L'inflammation chronique chez les personnes vivant avec le VIH est considérée comme un facteur contribuant à l'apparition plus précoce de comorbidités liées à l'âge10. Dès lors, l'effet des thérapies antirétrovirales sur les marqueurs d'inflammation pourrait avoir toute son importance dans la prise en charge des patients VIH plus âgés. Bien que cela n'ait pas été présenté lors de l'IAS 2022, les données existantes montrent que le passage d'une 3/4DR vers une 2DR n'a eu aucun effet, positif ou négatif, sur le niveau de l'inflammation chronique11.

L'analyse des données de SALSA qui se focalisait sur le volet qualité de vie, évaluée via le score HIVTSQ et le score HIVSDM, montrent que les patients de 50 ans et plus sont satisfaits de la 2DR, DTG/3TC en l'occurence, et des avantages apportés par cette simplification thérapeutique12.

Autre étude présentée lors de l'IAS, l'étude américaine en conditions de vie réelle TANDEM s'est intéressée aux motivations à initier ou switcher vers DTG/3TC. Quelles sont ces motivations principales ?

La principale motivation, tant chez les patients naïfs que les patients expérimentés, était d'éviter, autant que faire se peut, les toxicités à long terme13. Parmi les autres raisons importantes, on retiendra la simplification et la rationalisation du traitement chez les patients expérimentés et la commodité chez les patients naïfs.

A propos des 2DR, selon une étude récemment publiée par BREACH (Belgian Research on AIDS and HIV Consortium), la motivation première du switch vers une 2DR était la simplification du traitement14. Que signifie, pour vous, le concept de simplification du traitement ?

La simplification la plus marquante dont on ait bénéficié a été de passer de plusieurs comprimés à un seul comprimé pour une prise.

A présent, 3DR ou 2DR sont proposées en un seul comprimé donc, on ne peut pas définir la notion de simplification uniquement par le nombre de comprimés. Simplifier signifie aussi la diminution de 3 à 2 médicaments. Chez un patient présentant de multiples comorbidités et polymédiqué, réduire le nombre de médicaments permet de potentiellement minimiser le risque d'interactions médicamenteuses et celui de certaines toxicités à long terme, dans certains cas6,15. C'est essentiel !

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Références:

1. https://www.sciensano.be/nl/biblio/epidemiologie-du-sida-et-de-linfection-a-vih-en-belgique-situation-au-31-decembre-2020

2. https://www.unaids.org/en/topic/treatment

3. https://www.nia.nih.gov/health/hiv-aids-and-older-adults.

4. Smit M, et al. Lancet Infect Dis. 2015;15(7):810-818.

5. Roomaney RA, et al. Int J Environ Res Public Health. 2022;19(4):2359.

6. EACS Guidelines version. 11.0, October 2021

7. Osiyemi O et al. Clin. Infect. Dis. 2022; ciac036

8. Llibre JM et al. Clin. Infect. Dis. 2022; ciac130.

9. Walmsley S, et al. AIDS 2022; Montreal, Canada. Poster PESUB21

10. Nasi et al. Clin Exp Immunol. 2017 Jan; 187(1): 44-52

11. Llibre JM, et al. Open Forum Infect Dis. 2022;9(4):ofac068.

12. Kumar PN, et al. AIDS 2022; Montreal, Canada. Poster EPB140

13. Schneider S, et al. AIDS 2022; Montreal, Canada. Poster EPB147.

14. Nasreddine R et al. HIV Med;2022;1-12

15. Agbaji OO, et al. J Int Assoc Provid AIDS Care. 2019;18:2325958218821963.

Cet article a été réalisé avec la collaboration de Roularta et ViiV Healthcare.

PM-BE-DLL-INTF-220001 - 10/2022

Sur le plan épidémiologique, les données issues des cohortes de suivi confirment-elles cette tendance au vieillissement des populations de personnes vivant avec le VIH ?Indéniablement, le cours de l'infection par le VIH a changé. Il y a 25/30 ans, c'était une maladie aiguë et la majorité de patients mourraient des suites d'infections opportunistes. Avec l'évolution rapide des traitements antirétroviraux, l'infection par le VIH s'est muée en une maladie chronique et l'espérance de vie des patients tend actuellement à se rapprocher de celle observée au sein de la population générale.2En 2020/2021, l'examen des cohortes européennes et américaines montrent qu'environ 50% des patients vivant avec le VIH et traités par antirétroviraux sont âgés de 50 ans et plus ce qui est en ligne avec nos cohortes belges, et notamment notre cohorte de St Luc, qui recensent 48% à 50% de patients de 50 ans et plus.1,3Cette tendance devrait continuer sur sa lancée puisque les experts américains tablent sur un chiffre de 70% de personnes vivant avec le VIH âgées de plus de 50 ans à l'aube de 20304. En pratique quotidienne, abordez-vous les patients de 50 ans et plus de manière différente ou identique à vos patients plus jeunes ?Pour une prise en charge correcte, il est capital de tenir compte des différences entre ces deux populations. L'âge en lui-même n'est pas important mais bien ses conséquences. Chez le patient VIH de plus de 50 ans, les comorbidités, qui, par ailleurs, guettent tout un chacun, apparaissent en moyenne 10 ans plus tôt par rapport à la population générale5. Elles sont aussi plus nombreuses5. Enfin, elles engendrent une polymédication, source d'interactions médicamenteuses multiples dont il faudra tenir compte afin de ne pas compromettre l'efficacité et la sécurité des traitements antirétroviraux ainsi que des traitements annexes liés aux comorbidités, tout en s'assurant d'une bonne compliance thérapeutique. Un autre volet important concerne la gestion du phénomène cognitif. Je parle ici de l'isolement, du risque accru de chutes et donc de fractures, des démences et autres troubles neurologiques, de la perte d'autonomie et de son corollaire, le placement en institution. Pour y faire face, il faut, dès à présent, développer une approche multidisciplinaire du patient qui impliquera, entre autre, le gériatre, le cardiologue, le néphrologue, le rhumatologue et, en chef d'orchestre, le médecin généraliste. Cette évolution vers une gestion concertée est nécessaire afin que les années durement gagnées sur le VIH soient des années de qualité et, dans ce cadre, la médecine de première ligne a toute son importance.Lors des consultations, les patients de 50 ans et plus vous font-ils part d'attentes particulières concernant leur traitement ?Une demande fréquente est de ne pas ajouter de médicaments supplémentaires pour ne pas augmenter le risque d'effets secondaires et donc de toxicité. Comme les personnes vivant avec le VIH se tiennent bien au courant de toutes les évolutions concernant la prise en charge de leur maladie, les nouvelles options, comme les bithérapies (2-drug regimen, 2DR) qui simplifient le traitement antirétroviral, sont abordées et exercent une attraction certaine auprès des patients.Lors de l'édition 2022 du congrès de l'IAS, de nouvelles analyses des études SALSA et TANGO ont été présentées qui comparaient efficacité et tolérance mais aussi satisfaction de la 2DR, précisement DTG/3TC, en fonction de l'âge des patients. Pouvez-vous nous en rappeler les principaux enseignements ?Deux petits rappels en guise d'introduction. Premièrement, la 2DR associant dolutégravir (DTG) et lamivudine (3TC) est recommandée pour initier un traitement chez des patients naïfs moyennant certaines précautions (absence de VHB, absence de résistance aux inhibiteurs d'intégrase ou à la 3TC) et dans le cadre d'un switch chez les patients expérimentés6. Deuxièmement, SALSA et TANGO sont des études menées dans le cadre d'un switch d'une trithérapie (3-drug regimen; 3DR) ou une quadrithérapie (4DR) contenant du TAF7 ou d'une 3/4DR classique8 vers le DTG/3TC. Récemment, une analyse combinée des données SALSA et de TANGO a évalué l'efficacité et la sécurité du DTG/3TC par rapport aux 3/4DR chez les patients de 50 ans et plus9. Les résultats de cette analyse ne révèlent aucune différence significative en termes d'efficacité virologique, de tolérance, d'émergence de nouvelles résistances ou d'échecs thérapeutiques quel que soit le traitement ou le groupe d'âge (< ou > à 50 ans). L'âge n'a donc pas d'influence sur l'efficacité et la sécurité des thérapies antirétrovirales. Ceci est d'autant plus rassurant que les 177 patients âgés de 50 ans et plus présentaient davantage de comorbidités, étaient d'avantage polymédiqués et étaient sous traitement antirétroviral depuis plus longtemps que les patients âgés moins de 50 ans. La tolérance rénale était identique. L'impact sur les lipides et sur la prise de poids était à peu près identique entre les groupes d'âge. L'inflammation chronique chez les personnes vivant avec le VIH est considérée comme un facteur contribuant à l'apparition plus précoce de comorbidités liées à l'âge10. Dès lors, l'effet des thérapies antirétrovirales sur les marqueurs d'inflammation pourrait avoir toute son importance dans la prise en charge des patients VIH plus âgés. Bien que cela n'ait pas été présenté lors de l'IAS 2022, les données existantes montrent que le passage d'une 3/4DR vers une 2DR n'a eu aucun effet, positif ou négatif, sur le niveau de l'inflammation chronique11.L'analyse des données de SALSA qui se focalisait sur le volet qualité de vie, évaluée via le score HIVTSQ et le score HIVSDM, montrent que les patients de 50 ans et plus sont satisfaits de la 2DR, DTG/3TC en l'occurence, et des avantages apportés par cette simplification thérapeutique12. Autre étude présentée lors de l'IAS, l'étude américaine en conditions de vie réelle TANDEM s'est intéressée aux motivations à initier ou switcher vers DTG/3TC. Quelles sont ces motivations principales ?La principale motivation, tant chez les patients naïfs que les patients expérimentés, était d'éviter, autant que faire se peut, les toxicités à long terme13. Parmi les autres raisons importantes, on retiendra la simplification et la rationalisation du traitement chez les patients expérimentés et la commodité chez les patients naïfs.A propos des 2DR, selon une étude récemment publiée par BREACH (Belgian Research on AIDS and HIV Consortium), la motivation première du switch vers une 2DR était la simplification du traitement14. Que signifie, pour vous, le concept de simplification du traitement ?La simplification la plus marquante dont on ait bénéficié a été de passer de plusieurs comprimés à un seul comprimé pour une prise.A présent, 3DR ou 2DR sont proposées en un seul comprimé donc, on ne peut pas définir la notion de simplification uniquement par le nombre de comprimés. Simplifier signifie aussi la diminution de 3 à 2 médicaments. Chez un patient présentant de multiples comorbidités et polymédiqué, réduire le nombre de médicaments permet de potentiellement minimiser le risque d'interactions médicamenteuses et celui de certaines toxicités à long terme, dans certains cas6,15. C'est essentiel !Références:1. https://www.sciensano.be/nl/biblio/epidemiologie-du-sida-et-de-linfection-a-vih-en-belgique-situation-au-31-decembre-2020 2. https://www.unaids.org/en/topic/treatment3. https://www.nia.nih.gov/health/hiv-aids-and-older-adults.4. Smit M, et al. Lancet Infect Dis. 2015;15(7):810-818.5. Roomaney RA, et al. Int J Environ Res Public Health. 2022;19(4):2359. 6. EACS Guidelines version. 11.0, October 2021 7. Osiyemi O et al. Clin. Infect. Dis. 2022; ciac0368. Llibre JM et al. Clin. Infect. Dis. 2022; ciac130. 9. Walmsley S, et al. AIDS 2022; Montreal, Canada. Poster PESUB2110. Nasi et al. Clin Exp Immunol. 2017 Jan; 187(1): 44-5211. Llibre JM, et al. Open Forum Infect Dis. 2022;9(4):ofac068. 12. Kumar PN, et al. AIDS 2022; Montreal, Canada. Poster EPB14013. Schneider S, et al. AIDS 2022; Montreal, Canada. Poster EPB147.14. Nasreddine R et al. HIV Med;2022;1-1215. Agbaji OO, et al. J Int Assoc Provid AIDS Care. 2019;18:2325958218821963. Cet article a été réalisé avec la collaboration de Roularta et ViiV Healthcare.PM-BE-DLL-INTF-220001 - 10/2022