Impact d'un passage vers dolutégravir en cas de charge virale >1.000 copies

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Depuis 2018, de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire ont systématiquement procédé à un changement de traitement antirétroviral en privilégiant une trithérapie basée sur le dolutégravir. Ce changement fait suite à la recommandation de l'OMS selon laquelle tous les adultes devraient recevoir un traitement à base de dolutégravir dans la mesure du possible car il est plus efficace, mieux toléré et présente une barrière plus élevée au développement de résistances. La plupart des patients étaient initialement traités par une combinaison contenant un INNTI, généralement l'éfavirenz. Dans ses recommandations, l'OMS a clairement recommandé que le passage vers la trithérapie dolutégravir/TDF/lamivudine ne soit effectué que chez les personnes dont la charge virale était inférieure à 1.000 copies, les patients dont la charge virale était supérieure à 1.000 pouvant déjà présenter une résistance à la lamivudine et au ténofovir. Bien que l'OMS recommande impérativement un test de charge virale avant tout switch vers le dolutégravir, cette pratique n'est pas mise en oeuvre systématiquement en raison du manque de ressources et de capacités dans ces pays. Afin d'évaluer les conséquences d'un switch vers le dolutégravir en présence d'une charge virale supérieure à 1.000 copies/ml, des investigateurs de Zambie et du Malawi, avec le soutien logistique de chercheurs de l'université de Berne, ont mené une étude prospective et observationnelle, DTG SWITCH, auprès des patients passés d'une trithérapie de première intention basée sur INNTI vers une trithérapie basée sur le dolutégravir dans le cadre de deux grands programmes de traitement du VIH en Zambie et au Malawi entre 2019 et 2021. Les personnes vivant avec le VIH étaient éligibles pour cette étude si elles suivaient une trithérapie à base d'INNTI comme traitement antirétroviral de première intention depuis au moins six mois, passaient à une trithérapie à base de dolutégravir et disposaient d'une mesure de la charge virale au moment du switch. Au total, 1.422 personnes au Malawi et 1.410 en Zambie étaient éligibles à l'étude. Attention cependant à une particularité dans ces deux pays. Au Malawi, les directives nationales recommandent le changement de traitement quelle que soit la charge virale. En Zambie, par contre, le changement n'est recommandé que pour les patients dont la charge virale est inférieure à 1.000 copies. Au Malawi, 4,5% avaient une charge virale supérieure à 1.000 copies et 5% une charge virale supérieure à 400 copies au moment du changement, vs 1,8% et 3% respectivement en Zambie. Chez les patients dont la charge virale était détectable, la charge virale médiane était de 8.952 copies au Malawi et de 1.163 copies en Zambie. Enfin, il est important de noter qu'au Malawi, 25% des patients passés au dolutégravir avec une charge virale détectable avaient une charge virale supérieure à 52.000 copies au moment du changement. Les critères principaux d'évaluation de l'étude étaient, d'une part, l'impact, sur la virémie, de la présence d'une charge virale supérieure à 400 copies lors du passage au dolutégravir et, d'autre part, l'émergence de mutations de résistance aux inhibiteurs d'intégrase, mesurées un an et deux ans après le changement. Un an après le passage vers une trithérapie basée sur le dolutégravir, on observe qu'au Malawi, 3,8% des participants avaient une charge virale détectable, contre seulement 1,9% en Zambie. Après deux ans, 4,7% des participants au Malawi et seulement 1,8% des participants en Zambie avaient une charge virale détectable. Dans l'ensemble, le risque de présenter une charge virale détectable était six fois plus élevé après un an et sept fois plus élevé après deux ans chez les personnes qui sont passées au dolutégravir avec une charge virale supérieure à 400 copies. L'étude a toutefois révélé des différences dans le risque de présenter une charge virale détectable entre les deux pays, reflétant ainsi les différentes politiques nationales concernant le changement de traitement antirétroviral. Le risque d'une charge virale détectable était inférieur de 45% après un an et de 67% après deux ans en Zambie, où le changement n'était recommandé que pour les patients ayant une charge virale inférieure à 1.000 copies. Au Malawi, une charge virale détectable, un an et deux ans après le changement, a été observée dans une très grande majorité de cas chez les participants qui avaient une charge virale détectable avant le changement. Au total, 112 échantillons de patients avec une charge virale supérieure à 1.000 copies prélevés lors des visites de l'année 1 ou 2 étaient disponibles pour des tests de résistances. Sur l'ensemble de ces prélèvements, seuls cinq participants présentaient des mutations de résistance aux inhibiteurs de l'intégrase, dont deux présentaient des mutations majeures conférant une résistance de haut niveau au dolutégravir. L'un des participants présentant une résistance de haut niveau au dolutégravir présentait également une résistance au ténofovir, à la lamivudine et à l'emtricitabine. Pour les investigateurs, la faible prévalence de la résistance aux antiviraux suggère que la non-observance du traitement était l'explication la plus vraisemblable à la présence de charges virale détectables, tant lors du changement de traitement et lors des visites de suivi. Bien que les résultats obtenus lors de cette étude soulignent la rareté de charges virales détectables après le changement de traitement antirétroviral, les investigateurs rappellent que switcher de traitement en présence d'une charge virale supérieure à 1.000 copies, voire déjà 400 copies, augmente le risque d'échec du traitement, d'où la nécessité de surveiller la charge virale et de tester la résistance pour maintenir l'efficacité du traitement antirétroviral.Réf: Whitesell Skrivankova V. et al. Clinical Infectious Diseases, Vol 80(1); 120-128, 15/01/2025.