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Les conséquences à long terme plus importantes que les kilos en tropUne prise de poids après initiation d'un traitement antirétroviral a été observée lors d'un certain nombre de grandes études cliniques randomisées, en particulier au sein des groupes de patients qui présentaient un taux bas en CD4 ainsi qu'une charge virale élevée et chez les patients dont le schéma thérapeutique comprenait soit le TAF, soit un inhibiteur de l'intégrase. Au-delà des kilos en trop, ce qui préoccupe et inquiète chercheurs et cliniciens concerne les causes de cette prise de poids et, surtout, les conséquences potentielles à long terme sur le plan cardiovasculaire et métabolique puisque, par définition, un traitement antirétroviral est un traitement à vie. Et sur ce point précis, les choses sont loin d'être claires. Certes, une analyse des données de l'étude ADVANCE a révélé que la prise de poids au cours du traitement antirétroviral était associée à un risque accru de diabète mais pas de maladie cardiovasculaire tandis qu'une revue de la cohorte D: A: D n'a trouvé aucun risque accru de maladie cardiovasculaire chez les personnes qui avaient pris du poids. Reste que la prise de poids ou l'augmentation de la masse graisseuse ne constituent pas les seuls facteurs prédictifs de maladies cardiovasculaires ou métaboliques. Les modifications structurelles des tissus adipeux entrent aussi en ligne de compte et c'est sur cet aspect que la présente étude s'est focalisée.Importance de la densité en tissus graisseuxDepuis la survenue de lipodystrophies chez les patients traités par d'anciennes classes d'antirétroviraux, on sait que ces molécules peuvent modifier structurellement la masse graisseuse. Les Docteurs Paula Debroy et Jordan Lake de l'Université du Texas se sont tournés vers les participants de l'étude ACTG A5257 afin d'évaluer les changements dans la distribution des graisses corporelles et leurs potentielles interactions avec certains marqueurs des maladies cardiovasculaires. Petit rappel au passage, l'étude ACTG A5257 comparait efficacité virologique et sécurité d'emploi sur une période de 96 semaines auprès de trois groupes de patients naïfs traités en première ligne par trois combinaisons différentes d'antirétroviraux: raltégravir, darunavir/ritonavir ou atazanavir/ritonavir toujours associés à TDF/emtricitabine. Les principaux résultats concluaient en une supériorité du traitement basé sur le raltégravir par rapport aux combinaisons basées sur un inhibiteur de protéase boosté. Cependant, une analyse a postériori a montré que les patients traités par raltégravir étaient significativement plus susceptibles d'évoluer vers l'obésité ou le surpoids. Les investigateurs ont retenus pour leur étude les 228 participants inclus dans ACGT A5257 pour lesquels on disposait de l'imagerie par CT-scan réalisée aux semaines 0 et 96. Le groupe ainsi formé comportait majoritairement des hommes (89%) avec un faible taux initial de CD4 (344), une charge virale modérée (31 263) et un indice de masse corporelle de 24,5. Les investigateurs ont principalement étudié la densité du tissu adipeux. En effet, les tissus graisseux plus denses sont associés à des adipocytes plus petits tandis que des tissus graisseux moins denses sont, pour leur part, associés à des adipocytes hypertrophiés qui contiennent des gouttelettes lipidiques plus grandes. Des travaux réalisés par une équipe française, on sait que les adipocytes hypertrophiés étaient associés au traitement par inhibiteurs de l'intégrase, nos confrères français suggérant aussi que cela pourrait être une conséquence du traitement.Niveau de charge virale initiale et impact sur la structure des tissus adipeuxDans les 3 groupes thérapeutiques étudiés par les investigateurs texans, on constate que la densité en tissus adipeux sous-cutané et viscéral chute de manière significative en l'espace des 96 semaines de suivi. Par contre, l'amplitude de cette baisse ne diffère pas de façon significative entre les différents bras de l'étude. Une charge virale à l'inclusion plus élevée était associée à des réductions plus importantes en densité du tissu adipeux sous-cutané et viscéral. Le sexe féminin était associé à une réduction de la densité du seul tissu adipeux sous-cutané. Enfin, les modifications en terme de densité du tissu adipeux étaient corrélées avec des modifications de plusieurs marqueurs biologiques associés à des troubles métaboliques: le cholestérol non HDL, les triglycérides, l'adiponectine, la leptine et le rapport triglycéride/ HDL. Dans leur conclusions, les auteurs soulignent que le facteur le plus critique pour le développement d'une hypertrophie des adipocytes et des perturbations métaboliques subséquentes semble être d'avantage la charge virale avant traitement que le type de traitement appliqué. Ceci se base sur leur constat selon lequel ce sont les patients à charge virale initiale élevée qui présentent la densité la plus faible en tissus adipeux tant sous-cutané que viscéral. Ces résultats doivent bien évidemment être confirmés par des études plus ciblées et de plus longue durée sans oublier l'importance de mieux comprendre les mécanismes de pénétration des antirétroviraux les plus récents au sein des tissus adipeux.Réf: Debroy P. et al. Clinical Infectious Diseases, publication en ligne 28/02/2020.