Trois essais cliniques ont montré que la prescription de doxycycline aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, gais ou bisexuels, et aux femmes transgenres dans les 72 heures suivant un rapport sexuel non protégé réduit les infections sexuellement transmissibles. Cependant, toutes les IST ne sont pas logées à la même enseigne. En effet, si ces études montrent une efficacité relativement élevée pour prévenir les infections à chlamydia (jusqu'à 88 %) ains que la syphilis (jusqu'à 87 %) chez les HSH et les femmes transgenres, elles se révèlent moins efficaces pour prévenir la gonorrhée dans ces mêmes groupes.

Une étude a révélé que la doxycycline permettait de prévenir environ 50% des infections à gonocoque tandis qu'une autre n'a trouvé aucun avantage à cette stratégie prophylactique pour ce qui concerne les gonocoques. Les différences d'efficacité de la DoxyPEP observées lors de ces différentes études dépendent probablement de plusieurs facteurs tels que le strict respect du délai de prise du médicament par les participants après l'exposition et le fait qu'ils vivaient ou non avec le VIH au moment de l'exposition. La capacité (ou l'incapacité) de DoxyPEP à réduire les infections à gonocoque dépend fortement du fait qu'une souche particulière de bactéries a développé une résistance aux antibiotiques.

En outre, l'utilisation généralisée d'antibiotiques a le potentiel d'exacerber la résistance aux antibiotiques dans la gonorrhée mais aussi d'autres IST ce qui soulève la question fondamentale de la meilleure stratégie à déployer pour implanter la doxyPEP de façon efficace pour prévenir la propagation des IST au sein des groupes des HSH, gais et bisexuels, et de femmes transgenres tout en évitant au maximum le risque d'augmenter les résistances microbiennes.

Cibler les individus ou cibler les diagnostics d'IST ?

Alors que les trois études montrent une réduction des IST au niveau individuel, l'analyse du groupe de Boston visait à étudier comment la propagation communautaire pourrait diminuer en réponse à différentes stratégies de prescription de DoxyPEP. Pour ce faire, les investigateurs ont évalué diverses stratégies de prescription hypothétiques divisées en deux catégories. La première catégorie s'est concentrée sur les stratégies qui ciblent des groupes particuliers. Ceux-ci sont au nombre de 3: 1) toute personne à risque de par son activité sexuelle peut être soumis à la DoxyPEP 2) les personnes vivant avec le VIH et les personnes sous PrEP 3) uniquement les personnes sous PrEP. Alternativement, les stratégies de prescription pourraient se concentrer sur les diagnostics d'IST. Dans cette perspective, les investigateurs ont répertorié 7 groupes différents: 1) mise sous doxycycline suite à tout diagnostic d'une IST, 2) suite à un diagnostic d'IST rectale, 3) suite à un diagnostic actuel d'IST + un diagnostic d'IST dans les 12 mois précédents, 4) suite à un diagnostic d'IST actuel + un diagnostic d'IST dans les 6 mois précédents, 5) suite à un diagnostic actuel de 2 IST concomitantes, 6) diagnostic de syphilis et, enfin, 7) diagnostic de gonorrhée.

L'objectif principal de cette analyse était d'identifier la ou les stratégies les plus efficaces c'est-à-dire celles nécessitant le moins de personnes prenant le médicament pour prévenir une infection. Pour ce faire, l'équipe de Boston a évalué les données des tests d'IST de plus de 10 500 personnes ayant eu accès à des soins entre 2015 et 2020 dans un grand centre de référence de Boston spécialisé dans les soins aux personnes LGBTQ+. Les participants étaient pour la plupart des HSH (87%) caucasiens (71%) mais les groupes comprenaient aussi des hommes bisexuels (7%), des femmes transgenres (4%) et des personnes non binaires (2%). De plus, la cohorte comprenait des personnes prenant la PrEP (54 %) et des personnes vivant avec le VIH (14 %). Les investigateurs ont estimé comment l'application des stratégies de prescription hypothétiques aurait réduit l'incidence des IST dans la cohorte de Boston en supposant que l'efficacité de l'antibiotique était la même que celle observée lors l' étude DoxyPEP.

Cibler les individus n'est pas une stratégie idéale

Comme on pouvait s'y attendre, plus il y a de personnes sous doxycycline, plus les IST étaient évitées. Cependant, rendre la DoxyPEP accessible à tout un chacun après un rapport sexuel sans préservatif aurait, certes, permis d'éviter 70 % des IST mais aurait également obligé les 10 500 personnes de l'étude à prendre le médicament ce qui soulève d'importantes préoccupations concernant un risque accru de développement des résistances. Pour encore mieux évaluer la pertinence de ces stratégies, il est intéressant de se tourner vers le critère NNT qui évalue le nombre de personnes qu'il faudrait traiter sur une période d'observation de un an pour éviter l'émergence d'une infection sexuellement transmissible qu'elle s'en soit l'origine bactérienne. Le NNT est de 3,7 si on traite tous les individus, de 2,9 si on ne traite que les personnes sous PrEP ou séropositives et de 2,7 si on ne considère que les personnes soumises à la PrEP.

Plus intéressante est la stratégie axée sur le diagnostic d'IST

En revanche, les stratégies axées sur les diagnostics d'IST verraient des proportions plus faibles de personnes ayant recours à la DoxyPEP. Dans ces cas de figures, le critère d'évaluation NNT est bien plus acceptable. Ainsi, le NNT serait de 1,4 si le patient a présenté 2 IST sur 1 an, de 1,3 si le patient a présenté 2 IST sur 6 mois, de 1,2 si le patient est mis sous doxycycline pour une IST actuelle sans antécédents proches, de 1,8 en cas de syphilis et de 1,9 en cas de gonorrhée. Il est est évident que l'impact global sur l'incidence des IST est moindre lorsqu'on choisi de traiter moins de personnes mais on se rapproche d'avantage d'un compromis acceptable entre volume de prescription de la doxycycline et impact sur les infections. Il n'y a malheureusement pas de "magic bullet".

Ouvrir la voie pour une implantation raisonnée de la DoxyPEP

Il est important de rappeler ici que cette étude est basée sur une modélisation et que l'efficacité de ces stratégies peut différer en conditions de vie réelle et/ou au sein de populations plus importantes mais il est indéniable que les résultats obtenus procurent des moyens intéressants pour équilibrer avantages cliniques et inconvénients potentiels lors de l'établissement de stratégies de prescription de la DoxyPEP. Laissons au Dr Michael Traeger le mot de la fin: "Notre analyse, même si elle est loin d'être parfaite, ouvre une intéressante voie de discussion en montrant que les stratégies de prescription de DoxyPEP les plus intéressantes sont basées sur les antécédents d'IST plutôt que sur l'utilisation de la PrEP ou le statut VIH."

Réf: Traeger M. et al. Présentation orale 122, CROI 2023, Seattle.

Trois essais cliniques ont montré que la prescription de doxycycline aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, gais ou bisexuels, et aux femmes transgenres dans les 72 heures suivant un rapport sexuel non protégé réduit les infections sexuellement transmissibles. Cependant, toutes les IST ne sont pas logées à la même enseigne. En effet, si ces études montrent une efficacité relativement élevée pour prévenir les infections à chlamydia (jusqu'à 88 %) ains que la syphilis (jusqu'à 87 %) chez les HSH et les femmes transgenres, elles se révèlent moins efficaces pour prévenir la gonorrhée dans ces mêmes groupes. Une étude a révélé que la doxycycline permettait de prévenir environ 50% des infections à gonocoque tandis qu'une autre n'a trouvé aucun avantage à cette stratégie prophylactique pour ce qui concerne les gonocoques. Les différences d'efficacité de la DoxyPEP observées lors de ces différentes études dépendent probablement de plusieurs facteurs tels que le strict respect du délai de prise du médicament par les participants après l'exposition et le fait qu'ils vivaient ou non avec le VIH au moment de l'exposition. La capacité (ou l'incapacité) de DoxyPEP à réduire les infections à gonocoque dépend fortement du fait qu'une souche particulière de bactéries a développé une résistance aux antibiotiques. En outre, l'utilisation généralisée d'antibiotiques a le potentiel d'exacerber la résistance aux antibiotiques dans la gonorrhée mais aussi d'autres IST ce qui soulève la question fondamentale de la meilleure stratégie à déployer pour implanter la doxyPEP de façon efficace pour prévenir la propagation des IST au sein des groupes des HSH, gais et bisexuels, et de femmes transgenres tout en évitant au maximum le risque d'augmenter les résistances microbiennes.Cibler les individus ou cibler les diagnostics d'IST ?Alors que les trois études montrent une réduction des IST au niveau individuel, l'analyse du groupe de Boston visait à étudier comment la propagation communautaire pourrait diminuer en réponse à différentes stratégies de prescription de DoxyPEP. Pour ce faire, les investigateurs ont évalué diverses stratégies de prescription hypothétiques divisées en deux catégories. La première catégorie s'est concentrée sur les stratégies qui ciblent des groupes particuliers. Ceux-ci sont au nombre de 3: 1) toute personne à risque de par son activité sexuelle peut être soumis à la DoxyPEP 2) les personnes vivant avec le VIH et les personnes sous PrEP 3) uniquement les personnes sous PrEP. Alternativement, les stratégies de prescription pourraient se concentrer sur les diagnostics d'IST. Dans cette perspective, les investigateurs ont répertorié 7 groupes différents: 1) mise sous doxycycline suite à tout diagnostic d'une IST, 2) suite à un diagnostic d'IST rectale, 3) suite à un diagnostic actuel d'IST + un diagnostic d'IST dans les 12 mois précédents, 4) suite à un diagnostic d'IST actuel + un diagnostic d'IST dans les 6 mois précédents, 5) suite à un diagnostic actuel de 2 IST concomitantes, 6) diagnostic de syphilis et, enfin, 7) diagnostic de gonorrhée. L'objectif principal de cette analyse était d'identifier la ou les stratégies les plus efficaces c'est-à-dire celles nécessitant le moins de personnes prenant le médicament pour prévenir une infection. Pour ce faire, l'équipe de Boston a évalué les données des tests d'IST de plus de 10 500 personnes ayant eu accès à des soins entre 2015 et 2020 dans un grand centre de référence de Boston spécialisé dans les soins aux personnes LGBTQ+. Les participants étaient pour la plupart des HSH (87%) caucasiens (71%) mais les groupes comprenaient aussi des hommes bisexuels (7%), des femmes transgenres (4%) et des personnes non binaires (2%). De plus, la cohorte comprenait des personnes prenant la PrEP (54 %) et des personnes vivant avec le VIH (14 %). Les investigateurs ont estimé comment l'application des stratégies de prescription hypothétiques aurait réduit l'incidence des IST dans la cohorte de Boston en supposant que l'efficacité de l'antibiotique était la même que celle observée lors l' étude DoxyPEP.Cibler les individus n'est pas une stratégie idéale Comme on pouvait s'y attendre, plus il y a de personnes sous doxycycline, plus les IST étaient évitées. Cependant, rendre la DoxyPEP accessible à tout un chacun après un rapport sexuel sans préservatif aurait, certes, permis d'éviter 70 % des IST mais aurait également obligé les 10 500 personnes de l'étude à prendre le médicament ce qui soulève d'importantes préoccupations concernant un risque accru de développement des résistances. Pour encore mieux évaluer la pertinence de ces stratégies, il est intéressant de se tourner vers le critère NNT qui évalue le nombre de personnes qu'il faudrait traiter sur une période d'observation de un an pour éviter l'émergence d'une infection sexuellement transmissible qu'elle s'en soit l'origine bactérienne. Le NNT est de 3,7 si on traite tous les individus, de 2,9 si on ne traite que les personnes sous PrEP ou séropositives et de 2,7 si on ne considère que les personnes soumises à la PrEP.Plus intéressante est la stratégie axée sur le diagnostic d'ISTEn revanche, les stratégies axées sur les diagnostics d'IST verraient des proportions plus faibles de personnes ayant recours à la DoxyPEP. Dans ces cas de figures, le critère d'évaluation NNT est bien plus acceptable. Ainsi, le NNT serait de 1,4 si le patient a présenté 2 IST sur 1 an, de 1,3 si le patient a présenté 2 IST sur 6 mois, de 1,2 si le patient est mis sous doxycycline pour une IST actuelle sans antécédents proches, de 1,8 en cas de syphilis et de 1,9 en cas de gonorrhée. Il est est évident que l'impact global sur l'incidence des IST est moindre lorsqu'on choisi de traiter moins de personnes mais on se rapproche d'avantage d'un compromis acceptable entre volume de prescription de la doxycycline et impact sur les infections. Il n'y a malheureusement pas de "magic bullet".Ouvrir la voie pour une implantation raisonnée de la DoxyPEPIl est important de rappeler ici que cette étude est basée sur une modélisation et que l'efficacité de ces stratégies peut différer en conditions de vie réelle et/ou au sein de populations plus importantes mais il est indéniable que les résultats obtenus procurent des moyens intéressants pour équilibrer avantages cliniques et inconvénients potentiels lors de l'établissement de stratégies de prescription de la DoxyPEP. Laissons au Dr Michael Traeger le mot de la fin: "Notre analyse, même si elle est loin d'être parfaite, ouvre une intéressante voie de discussion en montrant que les stratégies de prescription de DoxyPEP les plus intéressantes sont basées sur les antécédents d'IST plutôt que sur l'utilisation de la PrEP ou le statut VIH."Réf: Traeger M. et al. Présentation orale 122, CROI 2023, Seattle.