Conscient que ce changement de paradigme suscite de nombreuses interrogations, le laboratoire ViiV a choisi de réunir un panel d'experts, cliniciens et virologues, belges et européens, pour aborder les challenges, tant scientifiques qu'humains, liés à cette nouvelle évolution stratégique majeure de la lutte contre le VIH.

Faire évoluer les traitements pour mieux vieillir

Le Dr José Gatell, Professeur émérite de l'Université de Barcelone et Senior Global Medical Director chez ViiV Healthcare, a rappelé que, dès l'introduction des trithérapies, réduire le nombre de molécules a constitué un objectif de recherche constant. Si les premières tentatives se sont soldées par des échecs [ref 1] à cause de l'émergence de résistances, la diversification des classes thérapeutiques d'antirétroviraux ciblant différents mécanismes d'action du virus, la montée en puissance de leur efficacité virologique, l'augmentation de la barrière aux résistances et l'amélioration incessante des profils de sécurité ont relancé l'intérêt pour les stratégies visant à réduire le nombre d'antirétroviraux.

Comme le souligne le Dr Gatell, pareille stratégie s'avère plus prioritaire aujourd'hui que dans les années 2000. Deux décennies de traitement par trithérapies ont transformé l'infection par le VIH en une maladie chronique avec pour conséquence que les patients bénéficient actuellement d'une espérance de vie proche de celle de la population générale. Mais, vieillir avec le VIH s'accompagne d'une augmentation de la prévalence de multiples comorbidités rénales, cardiovasculaires ou hépatiques sans oublier le déclin cognitif, l'ostéoporose ou les troubles métaboliques comme le diabète ou les dyslipidémies [ref 2]. Autant de pathologies qui nécessitent des traitements multiples et variés ce qui mène à la polymédication et à la multiplication des risques d'interactions médicamenteuses. Celles- ci peuvent avoir un impact négatif tant sur l'efficacité virologique des traitements antirétroviraux que sur celle des traitements traditionnels. Enfin, réduire le nombre d'antirétroviraux s'avère aussi utile pour atténuer l'impact potentiel à long terme des toxicités liées aux antirétroviraux [ref 3].

GEMINI 1&2: DOVATO en traitement d'initiation

Le Dr Gatell a tiré quelques points importants des études cliniques randomisées GEMINI 1&2 [ref 4, ref 5] chez les patients naïfs.

  • Avec GEMINI 1&2 [ref 4], nous sommes en présence de deux études cliniques randomisées solides qui ont inclus plus de 1400 patients naïfs de tout traitement antirétroviral afin de comparer, sur le plan virologique et de la sécurité d'emploi, une thérapie duale associant dolutégravir (DTG) et lamivudine (3TC) à une trithérapie associant dolutégravir et ténofovir/emtricitabine (DTG+TDF/FTC). Ces études comportaient environ 10% de patients dont le taux de CD4 était inférieur à 200 ainsi que 20% de patients dont la charge virale était supérieure à 100.000. Cette population, rappelons-le, n'a jamais bien répondu aux tentatives de bithérapies menées par le passé. Ces études multicentriques tiennent également compte des multiples particularités des patients sélectionnés sur les cinq continents. Enfin, ont été exclus les patients porteurs du virus de l'hépatite B ainsi que ceux présentant des résistances documentées.
  • A 48 et 96 semaines [ref 4 et 5], le bras DTG+3TC est non inférieur à une trithérapie classique concernant le taux de patients avec une charge virale indétectable.
  • Le profil global des effets secondaires est similaire dans les deux groupes [ref 4,5]. De plus, on constate un risque significativement moindre d'effets secondaires liés au traitement dans le groupe DTG + 3TC vs trithérapie.

TANGO: Dovato dans le cadre du switch

La question principale à laquelle répond l'étude TANGO [ref 6] est de savoir s'il existe un avantage en termes de tolérance et de toxicité à long terme à passer d'une trithérapie classique avec ténofovir alafenamide (TAF) vers un 2DR basé sur le DTG excluant le TAF ? Sur base des résultats de TANGO, on observe, chez les patients expérimentés virologiquement stables, que passer d'une trithérapie avec TAF vers une thérapie duale DTG + 3TC, permet de maintenir l'efficacité sur la charge virologique. De plus, on maintient une bonne tolérance et surtout, en cas d'échec, il n'y a pas d'émergence de résistances.

2DR: le point de vue du virologue

Au-delà de l'efficacité sur la charge virale et du profil d'innocuité des 2DRs, la question des résistances préoccupe les praticiens. Il était donc normal de demander à un virologue, le Pr Chris Verhofstede (AIDS Reference Laboratory, UZ Gent) de nous donner des clés pour répondre à ces questions.

  • Pour commencer, il est intéressant de connaître la situation, en Belgique des résistances aux composants du Dovato avant initiation de traitement. Sur les 502 patients diagnostiqués en Belgique en 2018 et pour lesquels on dispose d'une séquence de base, M184V/I a été détecté chez 8 personnes soit 1,6% [ref 7]. Sur 313 patients nouvellement diagnostiqués entre 2010 et 2016, la mutation E138K (intégrase) a été observée chez 2 patients soit 0,6% [ref 7]. Enfin il est bon de se souvenir que depuis 2018, l'analyse des résistances aux inhibiteurs de l'intégrase fait partie de la norme de soins.
  • Passons ensuite aux arguments virologiques en faveur du choix du dolutégravir. Ce dernier est un antirétroviral très puissant qui se lie de façon stable et puissante à la poche enzymatique de l'intégrase virale [ref 8]. De plus, il présente un quotient d'inhibition bas et une longue demi-vie (>14h) ce qui offre un niveau élevé de tolérance en cas de dose oubliée. Sa barrière de résistance est particulièrement élevée [ref 9, 10]. Enfin,le dolutégravir est capable de réduire la charge virale à un niveau indétectable en seulement quelques jours [ref 11].
  • Lors d'études cliniques randomisées menées avec des thérapies duales centrées sur le dolutégravir, les échecs virologiques étaient rares et aucune résistance aux inhibiteurs de l'intégrase n'a été observée [ref 4,12, 13].

2DR: reconnaissance du monde scientifique

Sur base de données virologiques et surtout cliniques issues des études GEMINI 1&2 et TANGO, tant la FDA [ref 14] que l'EMA [ref 15] ont donné leur feu vert à l'utilisation de la combinaison DTG + 3TC pour initier un traitement antirétroviral ainsi que dans le cadre d'un switch chez les patients expérimentés sous trithérapie classique.

Dans la foulée, l'EACS [ref 16] puis le DHHS américain [ref 17] ont introduit Dovato dans leurs nouvelles recommandations en première ligne de traitement pour initier un traitement ou pour un switch. Autant de portes qui ouvrent la voie aux 2DRs.

Mais, pour conclure, laissons la parole à Debra Birnkrant, Directeur de la Division des antiviraux auprès de la FDA [ref 14]: "Actuellement, la trithérapie constitue le traitement de référence pour initier un traitement antirétroviral chez des patients naïfs. Suite à cette autorisation, les patients naïfs ont l'option d'un traitement par 2DR en un seul comprimé tout en éliminant la toxicité additionnelle et de potentielles interactions médicamenteuses liées à un troisième agent. Disposer d'un tel traitement 2DR est bénéfique pour les patients qui pourraient avoir des problèmes suite à de multiples médications sur un long laps de temps. Réduire le nombre de composants d'un traitement à prendre à vie sans impact négatif sur l'efficacité, ni risque de développement de résistances, est, bien entendu, une décision justifiée. Aucune molécule ne peut être considérée comme exempte de tout effet secondaire au quotidien ou à long terme. La lamivudine combinée au dolutégravir dans un seul comprimé est présumée disposer d'un profil d'innocuité favorable à long terme. "

Références:

1. Corado KC, et al. Drug Des Devel Ther. 2018;12:3731-3740.
2. Smit M et al. Lancet Infect Dis. 2015 Jul;15(7):810-8.
3. DOVATO Résumé des Caractéristiques du produit.
4. Cahn P, et al. Lancet 2019;393:143-55.
5. Cahn P, et al. JAIDS 2020;83(3): 310-318.
6. Van Wyk J, et al, Clin Infect Dis 2020. doi: 10.1093/cid/ciz1243 [epub]
7. Pr. Verhofstede et al. Presentation, BREACH national congress, Liège, 27 Nov 2019.
8. Hightower KE, et al. Antimicrob Agents Chemother 2011;5:4552-9.
9. Cahn P, et al. Lancet 2013;382:700-8.
10.Tsiang et al. Antimicrob Agents Chemother 2016;60:7086-97.
11. Min S, et al. AIDS 2011;25:1737-45.
12. Cento V, et al. J Glob Antimicrob Resist. 2020;20:228-237
13. J.M. Llibre et al. Lancet 2018; 391:839-849.
14. FDA Press Release, April 2019. Available from: https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/fda-approves-first-two-drug-complete-regimen-hiv-infected-patients-who-have-never-received. Last accessed April 2020
15. EMA Assessment report: Dovato. April 2019. Available from: https://www.ema.europa.eu/documents/assessment-report/dovato-epar-public-assessment-report_en.pdf Last accessed April 2020
16. EACS Guidelines Version 10, November 2019. Available from: https://www.eacsociety.org/files/2019_guidelines-10.0_final.pdf . Last accessed April 2020
17. Guidelines for the Use of Antiretroviral Agents in Adults and Adolescents with HIV. Department of Health and Human Services, December 2019. Available from: http://www.aidsinfo.nih.gov/ContentFiles/AdultandAdolescentGL.pdf . Last accessed April 2020

Conscient que ce changement de paradigme suscite de nombreuses interrogations, le laboratoire ViiV a choisi de réunir un panel d'experts, cliniciens et virologues, belges et européens, pour aborder les challenges, tant scientifiques qu'humains, liés à cette nouvelle évolution stratégique majeure de la lutte contre le VIH.Faire évoluer les traitements pour mieux vieillirLe Dr José Gatell, Professeur émérite de l'Université de Barcelone et Senior Global Medical Director chez ViiV Healthcare, a rappelé que, dès l'introduction des trithérapies, réduire le nombre de molécules a constitué un objectif de recherche constant. Si les premières tentatives se sont soldées par des échecs [ref 1] à cause de l'émergence de résistances, la diversification des classes thérapeutiques d'antirétroviraux ciblant différents mécanismes d'action du virus, la montée en puissance de leur efficacité virologique, l'augmentation de la barrière aux résistances et l'amélioration incessante des profils de sécurité ont relancé l'intérêt pour les stratégies visant à réduire le nombre d'antirétroviraux. Comme le souligne le Dr Gatell, pareille stratégie s'avère plus prioritaire aujourd'hui que dans les années 2000. Deux décennies de traitement par trithérapies ont transformé l'infection par le VIH en une maladie chronique avec pour conséquence que les patients bénéficient actuellement d'une espérance de vie proche de celle de la population générale. Mais, vieillir avec le VIH s'accompagne d'une augmentation de la prévalence de multiples comorbidités rénales, cardiovasculaires ou hépatiques sans oublier le déclin cognitif, l'ostéoporose ou les troubles métaboliques comme le diabète ou les dyslipidémies [ref 2]. Autant de pathologies qui nécessitent des traitements multiples et variés ce qui mène à la polymédication et à la multiplication des risques d'interactions médicamenteuses. Celles- ci peuvent avoir un impact négatif tant sur l'efficacité virologique des traitements antirétroviraux que sur celle des traitements traditionnels. Enfin, réduire le nombre d'antirétroviraux s'avère aussi utile pour atténuer l'impact potentiel à long terme des toxicités liées aux antirétroviraux [ref 3].GEMINI 1&2: DOVATO en traitement d'initiationLe Dr Gatell a tiré quelques points importants des études cliniques randomisées GEMINI 1&2 [ref 4, ref 5] chez les patients naïfs.TANGO: Dovato dans le cadre du switchLa question principale à laquelle répond l'étude TANGO [ref 6] est de savoir s'il existe un avantage en termes de tolérance et de toxicité à long terme à passer d'une trithérapie classique avec ténofovir alafenamide (TAF) vers un 2DR basé sur le DTG excluant le TAF ? Sur base des résultats de TANGO, on observe, chez les patients expérimentés virologiquement stables, que passer d'une trithérapie avec TAF vers une thérapie duale DTG + 3TC, permet de maintenir l'efficacité sur la charge virologique. De plus, on maintient une bonne tolérance et surtout, en cas d'échec, il n'y a pas d'émergence de résistances.2DR: le point de vue du virologueAu-delà de l'efficacité sur la charge virale et du profil d'innocuité des 2DRs, la question des résistances préoccupe les praticiens. Il était donc normal de demander à un virologue, le Pr Chris Verhofstede (AIDS Reference Laboratory, UZ Gent) de nous donner des clés pour répondre à ces questions.2DR: reconnaissance du monde scientifiqueSur base de données virologiques et surtout cliniques issues des études GEMINI 1&2 et TANGO, tant la FDA [ref 14] que l'EMA [ref 15] ont donné leur feu vert à l'utilisation de la combinaison DTG + 3TC pour initier un traitement antirétroviral ainsi que dans le cadre d'un switch chez les patients expérimentés sous trithérapie classique.Dans la foulée, l'EACS [ref 16] puis le DHHS américain [ref 17] ont introduit Dovato dans leurs nouvelles recommandations en première ligne de traitement pour initier un traitement ou pour un switch. Autant de portes qui ouvrent la voie aux 2DRs.Mais, pour conclure, laissons la parole à Debra Birnkrant, Directeur de la Division des antiviraux auprès de la FDA [ref 14]: "Actuellement, la trithérapie constitue le traitement de référence pour initier un traitement antirétroviral chez des patients naïfs. Suite à cette autorisation, les patients naïfs ont l'option d'un traitement par 2DR en un seul comprimé tout en éliminant la toxicité additionnelle et de potentielles interactions médicamenteuses liées à un troisième agent. Disposer d'un tel traitement 2DR est bénéfique pour les patients qui pourraient avoir des problèmes suite à de multiples médications sur un long laps de temps. Réduire le nombre de composants d'un traitement à prendre à vie sans impact négatif sur l'efficacité, ni risque de développement de résistances, est, bien entendu, une décision justifiée. Aucune molécule ne peut être considérée comme exempte de tout effet secondaire au quotidien ou à long terme. La lamivudine combinée au dolutégravir dans un seul comprimé est présumée disposer d'un profil d'innocuité favorable à long terme. "Références:1. Corado KC, et al. Drug Des Devel Ther. 2018;12:3731-3740.2. Smit M et al. Lancet Infect Dis. 2015 Jul;15(7):810-8.3. DOVATO Résumé des Caractéristiques du produit.4. Cahn P, et al. Lancet 2019;393:143-55.5. Cahn P, et al. JAIDS 2020;83(3): 310-318.6. Van Wyk J, et al, Clin Infect Dis 2020. doi: 10.1093/cid/ciz1243 [epub]7. Pr. Verhofstede et al. Presentation, BREACH national congress, Liège, 27 Nov 2019.8. Hightower KE, et al. Antimicrob Agents Chemother 2011;5:4552-9.9. Cahn P, et al. Lancet 2013;382:700-8.10.Tsiang et al. Antimicrob Agents Chemother 2016;60:7086-97.11. Min S, et al. AIDS 2011;25:1737-45.12. Cento V, et al. J Glob Antimicrob Resist. 2020;20:228-23713. J.M. Llibre et al. Lancet 2018; 391:839-849. 14. FDA Press Release, April 2019. Available from: https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/fda-approves-first-two-drug-complete-regimen-hiv-infected-patients-who-have-never-received. Last accessed April 202015. EMA Assessment report: Dovato. April 2019. Available from: https://www.ema.europa.eu/documents/assessment-report/dovato-epar-public-assessment-report_en.pdf Last accessed April 202016. EACS Guidelines Version 10, November 2019. Available from: https://www.eacsociety.org/files/2019_guidelines-10.0_final.pdf . Last accessed April 202017. Guidelines for the Use of Antiretroviral Agents in Adults and Adolescents with HIV. Department of Health and Human Services, December 2019. Available from: http://www.aidsinfo.nih.gov/ContentFiles/AdultandAdolescentGL.pdf . Last accessed April 2020