Passer d'un inhibiteur de l'intégrase à un autre schéma d'antirétroviraux n'a ni ralenti, ni inverser la prise de poids lors de trois études testant des schémas alternatifs et présentées, à Brisbane, dans le cadre du congrès 2023 de l'IAS.
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En effet, les patients qui ont abandonné les inhibiteurs de l'intégrase ont continué à prendre du poids au même rythme que ceux qui ont poursuivi un régime à base d'inhibiteurs de l'intégrase. D'autres options pharmaceutiques devraient dès lors être envisagées pour lutter contre la prise de poids chez les personnes vivant avec le VIH comme, par exemple, l'utilisation d'agonistes des récepteurs GLP-1.Prise de poids sous ARV: un problème préoccupant Si plusieurs études ont montré que la prise de poids serait plus importante chez les personnes prenant des inhibiteurs de l'intégrase, il n'est pas clair si cela est dû au fait qu'ils sont souvent comparés à l'éfavirenz et au TDF, deux molécules qui semblent inhiber la prise de poids après le début du traitement. Cette prise de poids est cependant préoccupante car elle est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires et de troubles métaboliques. Des mesures visant à inverser les gains de poids corporel sont donc souhaitables, en particulier chez les personnes âgées qui présentent un risque plus élevé pour ces maladies. Partant de l'hypothèse que certains médicaments antirétroviraux ont un effet plus important sur le poids que d'autres, plusieurs groupes de recherche ont conçu des études portant sur l'impact du remplacement d'un inhibiteur de l'intégrase par une autre classe d'antirétroviraux. Deux études ont rendu compte de cette approche lors de l'IAS 2023 mais, comme nous allons le voir, leurs résultats ne supportent pas la poursuite de cette stratégie.Switch vers un inhibiteur de protéase boosté L'essai DEFINE (1), première de ces études, a évalué l'impact du passage à un inhibiteur de protéase boosté chez des personnes séropositives qui présentaient une prise de poids d'au moins 10 % sous traitement à base d'inhibiteur d'intégrase. Près d'un tiers des participants étaient des femmes, 61 % étaient de race Afro-américaine et l'âge médian était de 45 ans. La plupart des participants (81%) prenaient l'association bictégravir / TAF / emtricitabine. Le poids médian était de 100 kg et les participants avaient grossi en moyenne de 14 % de leur poids corporel sous traitement actuel. Les participants ont été randomisés pour passer à une association à dose fixe administrée quotidiennement de darunavir / cobicistat / TAF / emtricitabine (53 participants) ou pour continuer à suivre leur traitement actuel (50 participants). Les résultats intermédiaires ne montre aucune différence significative entre les groupes à la semaine 24. Le poids a, en effet, augmenté de 0,63 % dans le groupe de substitution et diminué de 0,24 % dans le groupe de maintien des inhibiteur d'intégrase.Switch vers doravirine / islatravir Au cours de cette même session, deux autres études randomisées, PO17 et PO18 (2), ont été présentées portant, cette fois, sur le switch d'un traitement antirétroviral existant vers une combinaison de doravirine, un INNTI, et de l'islatravir, un inhibiteur nucléosidique de la translocation de la transcriptase inverse. Dans l'étude PO17, les participants sont passés d'un régime existant, quel qu'il soit, à la doravirine/islatravir, tandis que dans l'étude PO18, les participants sont passés de l'association bictégravir/TAF/emtricitabine à la doravirine/islatravir. Les deux études ont utilisé une dose d'islatravir de 0,75 mg. Rappelons ici que cette dose de 0,75 mg a depuis été interrompue en raison de préoccupations concernant la réduction du nombre de globules blancs à des doses plus élevées d'islatravir et les développements futurs testeront une dose quotidienne de 0,25 mg. Dans ces deux études, le critère d'évaluation primaire était la variation moyenne du poids, de la graisse périphérique et de la graisse tronculaire à la semaine 48. Lors de l'étude PO17, on constate que la prise de poids était plus élevée dans le bras doravirine/islatravir lorsque le schéma comparateur comportait de l'éfavirenz et/ou du TDF. Cette différence, bien que réelle, reste cependant modeste puisque les patients sous doravirine/islatravir montrent un gain de 750 gr lorsque les patients sous éfavirenz et/ou TDF perdent 150 gr sur un suivi de 48 semaines. De même, le gain en graisse périphérique et tronculaire était plus important dans le bras doravirine lorsque le schéma comparateur contenait de l'éfavirenz et/ou du TDF. Par contre, si ces deux molécules ne faisaient pas partie du régime comparatif, alors aucune différence en gain de poids n'est objectivée entre ceux qui avaient changé de régime et ceux qui avaient continué à suivre leur régime actuel. Dans la PO18, par contre, aucune différence en termes de gain de poids ou de gain de graisse n'a été observée entre les deux régimes.Prise de poids : quelles solutions envisager à l'avenir ?A la lecture de résultats, il apparaît comme évident qu'abandonner les inhibiteurs de l'intégrase ne résout en rien le problème de la prise de poids. Dès lors vers quelles solutions se tourner pour lutter contre cette problématique ? La plus en vogue actuellement serait le recours aux agonistes des récepteurs GLP-1 dont le sémaglutide mais ce traitement est extrêmement cher d'autant qu'il devra vraisemblablement être pris à vie puisque, selon des données actuelles, l'arrêt du traitement se solde souvent par une reprise du poids. De plus, des études ciblant les populations VIH devront être menées au préalable afin de savoir si ces molécules répondent aux besoins spécifiques des patients vivant avec le VIH et surtout si elles sont sûres (interactions médicamenteuses avec les antirétroviraux, effets secondaires, etc). Sur ce point, les choses ne sont pas prêtes de bouger. En effet, le Pr Francois Venter (University of Witwatersrand, South Africa) qui participait aussi à cette session a eu des premiers contacts avec la firme pharmaceutique en charge de cette molécule pour envisager une étude ciblant les populations VIH. Leur réponse était que le VIH n'était pas actuellement leur priorité. Ambiance!Réf: 1) Short WR et al. abstract OALBB0502, IAS 2023, Brisbane. 2) McComsey GA et al. abstract OAB0203, IAS 2023, Brisbane.