Grâce aux formidables avancées pharmacologiques de cette dernière décennie, l'infection par le VIH s'est muée en une maladie chronique. Mais cette évolution s'est-elle, pour autant, accompagnée d'une amélioration de la qualité de vie ? Pas vraiment si on se réfère aux résultats présentés par le Dr Marie-Angélique De Scheerder lors du congrès de l'EACS 2023, résultats basés sur les réponses apportées par les personnes vivant avec le VIH au questionnaire PROMs (Patient Reported Outcomes Mesures) qu'elle et son équipe du Centre de référence VIH de l'UZ Gent ont développé.
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Au-delà de la charge virale, la qualité de vie est devenue une priorité essentielle. D'une démarche axée essentiellement sur la simple survie à l'infection par VIH, puis sur l'obtention et le maintien d'une charge virale indétectable, nous évoluons actuellement vers un nouvel objectif, le bien-être, la qualité de vie et le bien vieillir en présence du VIH. La qualité de vie à long terme est ainsi devenue la priorité essentielle dans la prise en charge des patients, au point que l'OMS a ajouté un quatrième "90" aux objectifs de traitement du VIH pour institutionnaliser cet aspect de l'affection. Mais force est de constater que très peu d'études internationales se préoccupent, à l'heure actuelle, de l'évaluation du ressenti et de la qualité de vie des patients. Consciente de cette grave lacune, notre consoeur Marie-Angélique De Scheerder a placé l'évaluation de la qualité de vie au coeur de ses préoccupations et, en collaboration avec son équipe de l'UZ Gent, elle s'est attelée à la lourde tâche de développer un questionnaire qui, en 17 items, tentent de cerner la perception qu'ont les patients de leur niveau de bien-être et de qualité de vie. Et quelle meilleure opportunité que le congrès de l'EACS pour en présenter les premiers résultats ?Entre novembre 2021 et mai 2023, 731 personnes vivant avec le VIH et fréquentant le Centre de référence VIH de l'UZ Gent se sont vu proposer de répondre au questionnaire PROMs. Ces patients étaient âgés de 49 ans en moyenne, et 77 % étaient des hommes.Les données collectées montrent que vivre avec le VIH est loin d'être une sinécure :1) 7,7 % des participants se disent insatisfaits ou très insatisfaits de leur santé physique, et 12 % ont ces mêmes opinions négatives concernant leur santé mentale. De plus, 26,1 % des patients disent avoir souvent ou perpétuellement de pensées négatives, et 47 % évoquent un sommeil de piètre qualité. Mais, un peu d'optimisme, ils sont 76,6 % à reconnaître l'importance du support apporté par leurs amis et leur entourage familial.2) La stigmatisation est loin d'être un mythe, puisque 13 % se disent stigmatisés dans le cadre familial, et 8 % dans le cadre professionnel. De plus, 33,5 % se sentent coupables ou honteux de leur statut VIH.3) Sur le plan sexuel, si 51,8 % se disent satisfaits ou très satisfaits, 18,5 % reconnaissent être insatisfaits ou très insatisfaits.4) Concernant l'abus de substances, 10,4 % reconnaissent une consommation quotidienne d'alcool et 13,8 % celle de narcotiques ou de stimulants. Pour 6,1 % des participants, l'abus de substances à un impact négatif sur leur qualité de vie. Enfin, 8,4 % reconnaissent pratiquer le chemsex.Ces premières données témoignent d'une importante problématique en termes de qualité de vie, notamment pour ce qui concerne la santé mentale et sexuelle, le sommeil et la stigmatisation. Il est donc important que les praticiens en charge des personnes vivant avec le VIH abordent en toute transparence la thématique de la qualité de vie afin d'identifier les besoins non satisfaits. Si identifier les problèmes est un bon début, encore faut-il y trouver des solutions, d'où la nécessité de réfléchir à des voies de soins intégrés pour traiter ces problèmes individuellement, notamment en faisant appel au support des équipes paramédicales.Réf: De Scheerder M-A et al. MeP.T3.04, EACS 2023, Varsovie.