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Quiconque a déjà endormi un bébé en le berçant doucement ou fait une sieste dans un hamac sait que le bercement favorise le sommeil. Des chercheurs de l'Université de Genève ont d'ailleurs déjà montré dans une précédente étude que le balancement pendant une sieste aidait les gens à s'endormir plus rapidement et à dormir plus profondément.Afin de comprendre ce phénomène et les mécanismes cérébraux à l'oeuvre, une équipe genevoise a invité 18 jeunes adultes en bonne santé n'ayant aucun problème pour dormir à venir passer trois nuits au Centre de médecine du sommeil des Hôpitaux universitaires de Genève : la première pour s'habituer à cet environnement peu habituel, la deuxième pour dormir dans un lit berçant spécialement conçu pour l'expérience, et la troisième pour dormir sur le même lit, mais en position stationnaire. Dans le lit spécial, les participants ont été bercés de manière douce à un rythme de 0,25 Hz, soit une oscillation complète toutes les quatre secondes, pour une course horizontale d'une dizaine de centimètres.Les volontaires ont par ailleurs subi des enregistrements polysomnographiques au cours desquels plusieurs variables physiologiques sont enregistrées : rythme cardiaque, rythme respiratoire, électroencéphalogramme (EEG), etc. Les scientifiques ont constaté qu'un mouvement lent et répété toute la nuit non seulement facilite l'endormissement mais aussi qu'il améliore la qualité du sommeil, les participants présentant des périodes de sommeil profond plus longues, ce qui s'est traduit à l'EEG par la présence en plus grande quantité d'ondes cérébrales lentes, et moins de micro-réveils.Ces différents bénéfices sont la conséquence directe d'une modulation de l'activité des ondes cérébrales pendant le sommeil, explique Aurore Perrault, première auteure de l'étude. "Ainsi, le balancement permet de synchroniser l'activité neuronale dans le réseau thalamo-cortical qui joue un rôle important pour la consolidation du sommeil mais également de la mémoire." Les résultats à un test mnésique - apprendre des paires de mots le soir au coucher et s'en souvenir le matin, au réveil - étaient d'ailleurs bien meilleurs après une nuit en mouvement.Une deuxième étude a été réalisée à Lausanne chez des souris et elle a débouché sur un constat assez similaire : le bercement de leur cage, à un rythme quatre fois plus élevé que chez l'Homme, a diminué le temps d'endormissement et augmenté la durée du sommeil, mais sans pour autant en augmenter la qualité. Le Pr Paul Franken et ses collègues ont aussi mis en évidence un autre acteur capital de la qualité du sommeil : le système vestibulaire. Situé dans l'oreille interne, il gère l'équilibre et l'orientation spatiale. Contrairement à des souris contrôles ayant une oreille interne saine, celles dont l'oreille interne ne fonctionnait pas, altérant ainsi la fonction vestibulaire, n'étaient sensibles à aucun des bienfaits du bercement.Pour mieux identifier les structures sous-corticales et les réseaux neuronaux impliqués dans les effets du bercement sur le sommeil, les chercheurs genevois et vaudois vont maintenant faire appel à d'autres techniques plus précises, comme l'optogénétique qui permet d'observer et de contrôler des neurones précis. Ils espèrent ainsi développer de nouvelles approches pour traiter les patients qui se plaignent d'insomnies et de troubles de l'humeur, ainsi que les personnes âgées, qui souffrent souvent de troubles du sommeil et de la mémoire."(références : Current Biology, 24 janvier 2019, DOI : 10.1016/j.cub.2018.12.028, et DOI : 10.1016/j.cub.2018.12.007)https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(18)31662-2https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(18)31608-7