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Les pandémies zoonotiques, comme celle provoquée par le SARS-CoV-2, peuvent suivre la propagation des virus animaux dans les populations humaines très sensibles. Leurs descendants se sont adaptés à l'hôte humain et ont évolué pour échapper à la pression immunitaire provoquée par des infections antérieures.Les coronavirus acquièrent des substitutions plus lentement que les autres virus à ARN, en raison d'une polymérase de relecture, une enzyme qui permet d'éviter certaines erreurs de réplication lorsque le virus se multiplie à l'intérieur de nos cellules. D'où l'espoir que la glycoprotéine Spike (S) soit une cible vaccinale antigéniquement stable. Toutefois, dans la glycoprotéine S, des chercheurs américains ont découvert que des délétions récurrentes permettent de surmonter ce lent taux de substitution. Ces délétions confèrent en effet une résistance aux anticorps neutralisants. En modifiant les segments d'acides aminés, elles semblent accélérer la dérive antigénique du SARS-CoV-2 et peuvent, plus généralement, entraîner une évolution adaptative.Pour arriver à cette découverte, le Pr Paul Duprex et ses collègues ont d'abord utilisé des échantillons d'un patient cancéreux immunodéprimé infecté par le coronavirus et qui est décédé 74 jours après le diagnostic de Covid-19. Ils ont cloné des gènes S et ont identifié des variants avec des délétions. Ensuite, le Pr Duprex a demandé l'aide du Pr Kevin McCarthy, un expert du virus de la grippe pour voir si les délétions présentes dans les séquences virales de ce seul patient pourraient faire partie d'une tendance plus large.Les scientifiques ont parcouru la base de données GISAID contenant 146 795 séquences du génome entier du SARS-CoV-2 collectées chez des patients à travers le monde. C'est ainsi qu'ils ont trouvé 1 108 cas supplémentaires présentant des délétions sur la glycoprotéine S. Ces délétions ont continué à se produire aux mêmes endroits des séquences, là où le virus peut tolérer un changement de forme sans perdre sa capacité à envahir les cellules et à se copier.Parmi les séquences ayant ces délétions, il y avait le fameux variant britannique. À l'époque - nous étions en octobre 2020 -, le B.1.1.7 n'avait pas encore décollé et personne ne soupçonnait l'importance qu'il allait acquérir. Le variant sud-africain a aussi ces délétions.En examinant la structure atomique de la glycoprotéine S, les auteurs ont cartographié ces délétions sur des sites antigéniques définis, ce qui les a amenés à émettre l'hypothèse que ces délétions produiraient des virus qui échapperaient à des anticorps fortement neutralisants. Par ailleurs, les suppressions qu'ils ont découvertes sont apparues à plusieurs reprises dans des virus génétiquement distincts, à divers moments, dans plusieurs pays. "Au cours de l'évaluation de notre article, de multiples lignées présentant une antigénicité modifiée et peut-être une transmissibilité accrue ont émergé et se sont propagées dans le monde," ont-ils précisé.Bien que cet article montre comment le SARS-CoV-2 est susceptible d'échapper aux vaccins et thérapies existants, il est impossible de savoir à ce stade quand cela pourrait se produire et il reste à déterminer dans quelle mesure les délétions érodent la protection conférée par les vaccins.(référence : Science, 3 février 2021, doi : 10.1126/science.abf6950)