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Comment explique-t-on la disparité des réactions des patients infectés qui contractent la Covid-19 ? Certains individus sont asymptomatiques tandis que d'autres développent des formes sévères voire critiques, avec des pneumopathies nécessitant un séjour en réanimation. Deux nouvelles études, fruits d'une collaboration internationale et pilotées par des chercheurs français, apportent un éclairage majeur à cette question. Elles soutiennent en effet l'hypothèse d'une prédisposition génétique et immunologique aux formes graves de Covid-19. L'hypothèse avait déjà été émise en octobre 2020, par les équipes des Pr Casanova et Abel, à l'issue de deux recherches (1 et 2) expliquant 10 à 15% des formes sévères de Covid-19, toutes dues à un déficit dans la voie de l'interféron de type 1 (IFN 1), une protéine habituellement produite de manière rapide par le système immunitaire en réponse à une infection virale et qui a pour principal effet d'inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées.Dans la première (3) des deux nouvelles études, les scientifiques ont cherché à comprendre pourquoi les hommes sont plus touchés par les formes graves que les femmes. Afin d'obtenir un échantillon représentatif et éviter tout biais ethnique, ils ont recruté des patients partout dans le monde, mobilisant 400 centres de recherche dans 38 pays différents. De sorte que les résultats de cette cohorte soient transposables à la population générale.En pratique, ils ont séquencé le chromosome X de 1202 patients de sexe masculin ayant développé une forme grave de Covid-19. Ils ont constaté que 16 d'entre eux possèdent des variants génétiques dits "pertes de fonction" au niveau du gène TLR7, connu pour jouer un rôle majeur dans le mécanisme de production d'IFN 1. Les 16 patients présentaient ainsi un déficit d'IFN 1 empêchant leurs cellules de lutter contre l'infection au SARS-CoV-2, ce qui expliquerait environ 1,3% des formes graves de Covid-19. Ce déficit est par ailleurs plus fréquent (1,8%) chez les malades de moins de 60 ans.Pour la seconde publication (4), les auteurs ont enrôlé 3 595 patients ayant fait une forme critique, 1 639 asymptomatiques et 34 159 personnes en bonne santé, provenant de 38 pays différents. Ils ont démontré que 15 à 20% des formes sévères sont causées par la présence dans le sang des patients d'auto-anticorps qui visent spécifiquement les IFN 1. Ces auto-anticorps bloquent l'effet protecteur de l'IFN 1 sur la réplication virale. Le SARS-CoV-2 pénètre en effet dans les cellules sans rencontrer de résistance et se réplique de façon incontrôlée. Les chercheurs ont aussi découvert que ces autoanticorps dirigés contre les IFN 1 augmentent exponentiellement avec l'âge (4% entre 70 et 79 ans et 7% entre 80 et 85 ans) alors qu'ils restent très rares avant 65 ans (0,2 à 0,5%). Les causes et les mécanismes de cette augmentation dans la population générale restent à élucider mais celle-ci explique en partie pourquoi l'âge est un facteur de risque majeur dans le développement de formes graves de Covid-19.En conclusion, les données cumulées des quatre études mettent en évidence des anomalies génétiques et immunologiques qui expliquent globalement 20 à 25% des formes sévères.(références :(1 et 2) Science, 23 octobre 2020, doi : 10.1126/science.abd4570 et 10.1126/science.abd4585)(3) Science Immunology, 19 août 2021, doi : 10.1126/sciimmunol.abl4348,(4) Science Immunology, 19 août 2021, doi : 10.1126/sciimmunol.abl4340)