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Alors que des enquêtes récentes ont révélé des facteurs viraux, inflammatoires et vasculaires impliqués dans la pathogenèse pulmonaire du SARS-CoV-2, la physiopathologie des troubles neurologiques de la Covid-19 reste mal comprise. Parmi ces troubles fréquents, en particulier chez les patients légèrement symptomatiques, une perte soudaine de l'odorat, ou anosmie, chez les personnes infectées a été signalée dans le monde entier dès le début de la pandémie.Le rôle direct du virus dans l'anosmie est resté jusqu'ici incertain. L'une des hypothèses communément admises jusqu'à ce jour était qu'un oedème transitoire au niveau des fentes olfactives empêchait le passage de l'air qui amène les molécules odorantes vers les cellules nerveuses olfactives, la fameuse sensation du "nez bouché" lors d'un rhume classique.Des chercheurs français ont mené une étude virologique, moléculaire et cellulaire du neuroépithélium olfactif - une muqueuse spécialisée et sensible aux odeurs à l'intérieur de la cavité nasale - de sept patients atteints de Covid-19, ne nécessitant pas d'hospitalisation et qui ont signalé une perte aiguë de l'odorat. De façon inattendue, l'étude révèle que les tests classiques RT-qPCR pratiqués sur les écouvillonnages nasopharyngés peuvent se révéler négatifs alors même que le virus persiste au fond des cavités nasales, dans l'épithélium olfactif. Cette découverte montre qu'un diagnostic du SARS-CoV-2 par brossage nasal peut être envisagé pour compléter l'écouvillonnage nasopharyngé du test PCR chez les patients présentant une perte d'odorat.Les scientifiques élucident également le mécanisme de la perte de l'odorat liée à la Covid-19 en révélant, de manière chronologique, différentes étapes. Cela débute par l'infection virale qui entraîne la disparition des cils portés par les neurones sensoriels. Or, ces mêmes cils permettent la réception des molécules odorantes par les neurones sensoriels. Présent dans les neurones sensoriels, le virus va ensuite provoquer la désorganisation de l'épithélium olfactif (organe sensoriel) liée à l'apoptose (mort cellulaire). L'épithélium est organisé en lamelles régulières qui se trouvent être déstructurées par l'infection au coronavirus. À partir de là, le virus va pénétrer dans le bulbe olfactif, premier relai cérébral du système olfactif, entraînant la présence d'une neuro-inflammation et d'ARN viral dans plusieurs régions du cerveau.Les chercheurs ont également repéré le matériel génétique du virus, l'ARN du SARS-CoV-2, persistant chez quatre autres patients souffrant d'une perte d'odorat à long terme et qui n'avait pas été détecté par le test PCR classique à partir de prélèvements nasopharyngés.Enfin, ce travail a été complété par des analyses sur un modèle animal, en l'occurrence des hamsters syriens dorés. Elles ont révélé une anosmie aiguë et une agueusie, aussi longtemps que le virus reste dans l'épithélium et le bulbe olfactifs. L'infection des neurones olfactifs pourrait donc constituer une porte d'entrée vers le cerveau et expliquer pourquoi certains patients développent diverses manifestations cliniques, d'ordre psychologiques (troubles de l'anxiété, dépression) ou neurologiques (déclin cognitif, susceptibilité à développer une maladie neurodégénérative), qui doivent faire l'objet de nouvelles études.Pour les auteurs, les résultats qu'ils ont obtenus devront également être pris en compte pour adapter le diagnostic et la prise en charge des manifestations à long-terme de la Covid-19.(référence : Science Translational Medicine, 3 mai 2021, doi : 10.1126/scitranslmed.abf8396)