...

D'ascendance diabétique (son grand-père maternel, entre autres), Juliette de Salle a "toujours su que le diabète allait lui tomber dessus". Malédiction? Elle n'a jamais été diabétique enfant, néanmoins. Mais elle a vécu son enfance à côté du diabète. Elle a 5 ans lorsqu'on découvre le diabète chez son frère de 6 ans et demi. Elle reçoit le diagnostic de diabète à l'âge de 16 ans "en pleine adolescence et recherche d'identité". "Il suffira d'une prise de sang et en quelques minutes, le diagnostic est fait. J'accueille la nouvelle physiquement presque avec soulagement car j'étais dans un état proche du coma acidocétosique."Désormais, le résultat de son hémoglobine glycolysée sera juge de son comportement. Elle angoisse, culpabilise, s'auto-flagelle devant le Chiffre fatidique.Les médecins ? Leur méconnaissance du diabète de type 1 la sidère. Les recommandations reçues en hôpital par le personnel soignant et médical sont souvent erronées. "Parfois j'ai l'impression que le corps médical a peur de cette maladie à laquelle il est si difficile de plaquer un traitement et souhaiterait tellement être rassuré."Trahie par son corpsJuliette se demande si elle peut faire confiance à un corps qui a "décidé" de s'autodétruire. Physiquement, comment réagit-il lorsque le Chiffre indique une hyperglycémie "légère" (entre 150 et 250 mg/dl) ? Au-delà de ce plafond, les symptômes de fatigue et de soif apparaissent. Mais la menace est toujours là, présage d'une vie "dégradée, pourrie, assistée, diminuée".Puis viennent les attaques contre la vue. Mariée et heureuse, elle s'apprête à partir pour la Thaïlande lorsque l'ophtalmologue lui diagnostique une rétinopathie. Elle en sort au prix de longues séances de laser. Mais la peur rôde tout le temps.Elle observe, paranoïaque, son urine, ses teintes, son volume. "Cette peur anime en moi des pulsions de sabotage." Le diabète est injuste. Le contrôle glycémique apporte son lot de surprises. Parfois, heureusement, le Chiffre est bon. L'apaisement est au rendez-vous. Mais le diabète reste un animal sauvage "Depuis que je suis diabétique, je ne sais plus trop ce que veut dire avoir faim, l'appétit s'est transformé en besoin réglé par la glycémie. Je refuse d'obéir tout de suite à l'injonction hypoglycémiante. Et pourtant, chaque minute compte. En cas d'hypoglycémie (entre 30 et 50 mg/dl), je deviens violente avec moi-même, j'amorce une descente aux enfers, je broie du noir, je remets toute ma vie en question. Tout mon corps est submergé par une vague de haine de moi-même." Deux fois dans sa vie, elle a perdu connaissance. On l'a finalement "re-sucrée"... A l'hôpital.Le diabète ne se partage pas. Cela reste un tabou. Adolescente, on ne dit rien. On se cache.Lors de la grossesse, les contrôles se multiplient. Paradoxe : la femme enceinte équilibre mieux son sucre qu'à l'état normal. Et elle est médicalement mieux entourée. Mais ses besoins en insuline triplent. Juliette multiplie les contrôles toutes les trois heures, y compris la nuit. Les médecins pour le coup sont très compétents. Son gynéco lui glisse : "Tu devrais tout le temps être enceinte."La confession littéraire l'a-t-elle libérée ? Pas vraiment. Le livre est né du manque de communication. Et de rêver de se débarrasser définitivement du diabète...