La Cour constitutionnelle fédérale allemande a déclaré contraire à la loi fondamentale l'obligation, pour une personne désireuse d'obtenir une reconnaissance de changement de genre, de subir une opération chirurgicale, ainsi que la condition d'une stérilité irréversible.
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Ainsi donc, une femme reconnue ensuite comme appartenant au sexe masculin peut mettre au monde un enfant. Dans ce cas, le père transgenre peut-il exiger d'être mentionné en qualité de père de l'enfant au registre de l'état civil ?Monsieur H nait de sexe féminin. Transgenre, il effectue les démarches en vue de porter un nom masculin ce qui lui est accordé par le tribunal allemand qui ajoute que la demande de celui-ci tendant à faire constater son appartenance au sexe masculin ne peut pas être accueillie, au motif qu'il n'a pas encore subi d'opération de modification de ses caractéristiques sexuelles externes et n'a pas perdu sa capacité de procréer.Quelques mois plus tard, le tribunal d'instance reconnait finalement qu'il appartient désormais au sexe masculin. Après cette reconnaissance, l'intéressé arrête son traitement hormonal et redevient fertile. Grâce à un don de sperme, il met au monde un enfant. À la naissance de l'enfant, Monsieur H. demande au service de l'état civil de l'inscrire comme père tout en précisant que l'enfant n'a pas de mère ni de deuxième parent légal et qu'il a été conçu à l'aide d'un don de sperme. Il demande en outre que ni le sexe ni la religion de l'enfant ne figurent sur l'acte de naissance.L'officier de l'état civil, peu habitué à ce genre de situation, saisit le tribunal pour savoir si Monsieur H. doit être inscrit en tant que père ou en tant que mère de l'enfant ou s'il y a lieu de procéder à une inscription sans mention de parents. Le tribunal ordonne l'inscription en tant que mère. Cette décision est confirmée en appel et ensuite encore par la Cour fédérale de justice au motif qu'en vertu de la loi, la décision de reconnaître l'appartenance d'une personne transsexuelle à l'autre sexe n'a pas d'incidence sur la relation juridique entre cette personne et ses enfants. Ainsi, il est décidé que Monsieur H. sera mentionné en tant que mère et avec ses anciens prénoms féminins. Le père transgenre débouté saisit, en son nom et celui de son enfant, la Cour européenne des droits de l'homme.Monsieur H allègue que les inscriptions contradictoires dans les registres respectifs les exposent au risque de devoir donner des explications et, ainsi, de révéler qu'il est transgenre. Il se plaint par ailleurs que son inscription en tant que " mère " contrevient à la relation père-fils et complique la possibilité de prouver qu'il est le parent de son enfant. Il invoque ainsi la violation du droit au respect de la vie privée et familiale qui garantit que " toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " et qu' " il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la protection des droits et libertés d'autrui. ".Plus précisément, il fait valoir que la reconnaissance de son changement de genre est privée d'effet si les autorités publiques lui attribuent un genre erroné qui impose des explications chaque fois qu'il doit présenter l'acte de naissance ce qui l'expose ainsi que son enfant à un traitement discriminatoire ou dégradant. Saisie de cette requête, la Cour européenne des droits de l'homme commence par rappeler l'absence de consensus parmi les états européens sur la suite à donner dans ce cas de figure et la marge d'appréciation dont dispose chaque état compte tenu des intérêts à mettre en balance, à savoir le droit du parent, celui de l'enfant de connaître sa filiation et l'intérêt public résidant dans la cohérence de l'ordre juridique et dans l'exactitude et l'exhaustivité des registres de l'état civil, qui ont une force probante particulière. Les choix opérés par les états n'échappant cependant pas à son contrôle, la Cour procède à un examen attentif du dossier et plus précisément de la motivation de la décision allemande pour vérifier si, tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, un juste équilibre a été ménagé entre les divers intérêts précités.À ce sujet, elle renvoie à la motivation de la Cour fédérale de justice allemande, laquelle a relevé que la mention du sexe d'origine du parent dans le registre des naissances concernant son enfant pouvait porter atteinte notamment au droit à l'autodétermination du parent en raison du risque de divulgation de son ancien genre et de ses anciens prénoms mais que ce droit n'était pas garanti de manière illimitée et devait être mis en balance avec, d'une part, des intérêts publics, en particulier la cohérence de l'ordre juridique et la tenue de registres de l'état civil complets et exacts et, d'autre part, les droits et intérêts de l'enfant, notamment le droit de connaître ses origines, le droit à recevoir soins et éducation de ses deux parents et l'intérêt à faire l'objet dès sa naissance d'un rattachement juridique stable, fondé sur les fonctions dans le cadre de la procréation biologique, à une mère et à un père. Ainsi, la Cour rappelle que la maternité et la paternité, en tant que catégories juridiques, ne sont pas interchangeables et se distinguent aussi bien par les conditions préalables à leur justification que par les conséquences juridiques qui en découlent.Elle relève aussi que la Cour fédérale de justice a indiqué qu'il était possible d'obtenir un acte de naissance dépourvu de toute mention des parents, que seul un nombre restreint de personnes, ayant généralement connaissance du caractère transgenre de l'intéressé étaient habilitées à demander une copie intégrale de l'acte de naissance et que comme le Gouvernement l'a indiqué, d'autres documents que l'acte de naissance complet ne contenant pas d'indications du changement de genre peuvent être utilisés, par exemple pour un employeur, afin de prévenir tout risque de divulgation de cette information ce qui est de nature à réduire les désagréments auxquels le parent pourrait être exposé.Suite à cet examen effectué dans le respect de la marge d'appréciation laissé à chaque état en la matière, la Cour en conclut que la décision des juridictions allemandes peut se justifier.La situation dont était saisie la Cour européenne des droits de l'homme est évidemment complexe sur les plans humain et juridique. S'il est possible de changer de genre sans condition de stérilité irréversible, un état peut, en cas de procréation par le biais des attributs de l'ancien sexe, en déduire un lien de parentalité sur base de l'ancien genre. Arrêt de la Cour européenne des droits de l'hommes du 4 avril 2023, Affaire O.H. et G.H. c Allemagne, https://www.echr.coe.int/fr/home