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À sa demande, la Colombie-Britannique est la première province canadienne à connaître cette exception qui concernera l'héroïne, la cocaïne, les opiacés et autres drogues dures. "Nous faisons ça pour sauver des vies mais aussi pour que les personnes qui prennent de la drogue retrouvent leur dignité et leur droit de choisir", justifie Carolyn Bennett, ministre canadienne de la Santé mentale et des Dépendances. À compter du 31 janvier 2023 et pour une période de trois ans, les adultes pourront avoir sur eux jusqu'à 2,5 grammes de drogues pour leur usage personnel. Ils recevront des informations sur l'accès à une aide médicale pour les addictions. "Je veux être très claire, ce n'est pas la légalisation. Nous n'avons pas pris cette décision à la légère", a ajouté Carolyn Bennett. En 2021, la Colombie-Britannique a recensé plus de 2.200 décès liés aux opiacés, soit six personnes par jour. De janvier 2016 à septembre 2021, le Canada a recensé 26.690 décès et plus de 29.000 hospitalisations pour des overdoses liées aux opiacés, selon des chiffres du gouvernement. Ces chiffres ont montré une "augmentation inquiétante des surdoses et des décès liés aux opioïdes depuis le début de la pandémie de Covid-19", d'après le Comité consultatif spécial sur l'épidémie de surdoses d'opioïdes de l'Agence de la santé publique du Canada. En Belgique, il y a peu de chiffres sur la mortalité liée aux drogues. Les statistiques épidémiologiques de Sciensano font état de 74 décès en 2013, derniers chiffres disponibles. Des chiffres étonnement vieux et sous-évalués qui montrent tout de même de grandes différences régionales, avec près de deux fois plus de décès liés aux drogues en Wallonie (42) par rapport à la Flandre (25), pour une population près de deux fois inférieure. Côté européen, les chiffres sont également étonnament bas, même si l'on prend en compte la Norvège et la Turquie. Le rapport européen sur les drogues 2021, mené par l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, estime que le nombre de décès liés aux drogues s'élève "au moins" à 5.769 (voir graphique), dont 4.384 liés aux opioïdes pour l'année 2019. C'est un chiffre inférieur au Canada pour la seule année 2021 (5.368 décès recensés, et encore, de janvier à septembre) pour tout le continent européen élargi. Un chiffre d'autant plus étonnant que l'Union européenne élargie à la Norvège et la Turquie compte 536 millions d'habitants pour 38 millions de Canadiens...Soit un ratio de 0,14 décès par 1.000 habitants imputé aux opioïdes au Canada contre 0,008/1.000 au sein de l'UE élargie. Stupéfiant, oserait-on dire. Mais les données ne semblent pas refléter la réalité. Plusieurs explications sont avancées, parmi lesquelles, en Belgique, un manque de médecins légistes pour constater que le décès est bien lié à une overdose et non à une crise cardiaque. Autre explication: l'effet de la pandémie n'est pas pris en compte en Europe (chiffres de 2019) et encore moins en Belgique (chiffres de 2013). "Au cours de la première année de la pandémie, on a constaté une hausse de 95% des décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes (avril 2020 à mars 2021, 7.224 décès) par rapport à l'année précédente (avril 2019 à mars 2020, 3.711 décès). Depuis, le nombre de décès demeure élevé", avance l'Agence de la santé publique du Canada. La Colombie-Britannique est la deuxième juridiction en Amérique du Nord à décriminaliser la possession de drogues dures pour usage personnel après l'Oregon, État américain très progressiste du Nord-Ouest, en novembre 2020. En Europe, la République tchèque a décriminalisé la possession de certaines drogues dures en 2009, mais l'État pionner, souvent cité en exemple, est le Portugal qui a décriminalisé la possession de toutes les drogues en petites quantités en 2001. Il s'agissait à l'époque de répondre à l'explosion de la consommation d'héroïne dans le pays et des contaminations au VIH. La mesure a été assortie d'un renforcement de la prévention. Résultat: une chute spectaculaire de la mortalité par overdose ou VIH, mais aussi une lutte plus efficace contre le trafic de drogue. Bien qu'elle soit dépénalisée, la consommation de drogue y reste illicite. Elle sera donc saisie mais sans poursuite ni amende pour le consommateur, traité comme un malade plutôt que comme un délinquant. En Belgique, ce problème de santé publique reste jugé devant les tribunaux. Et pour cause: la loi qui régit la détention et le trafic de stupéfiant date du 24 février 1921. L'année dernière, à l'occasion de son centenaire, les collectifs citoyens #STOP1921 et Smart on Drugs avaient lancé "Unhappy Birthday", une vaste campagne de sensibilisation qui pointait à la fois l'inefficacité et les nombreux effets pervers de cette loi prohibitionniste: stigmatisation et discrimination des usagers, exacerbation des violences, effets délétères sur la santé publique, obstacles à la prévention et à la réduction des risques, engorgement de la justice et des prisons, etc. Ils appelaient de leurs voeux une réflexion politique au sujet d'un changement législatif dans le sens d'une décriminalisation des usagers de drogues: continuer de punir des personnes dont le problème éventuel relève davantage de la santé que de la criminalité revient à leur infliger une double peine. Ces collectifs citoyens ont été entendus puisque le Sénat a décidé en avril 2021 d'établir un rapport d'information sur l'évaluation de la loi et de ses effets. Son rapport est attendu avant la fin de la législature en 2024. Au Parlement bruxellois, un groupe de travail a été mis en place pour aborder la question. Une proposition de résolution est attendue. Enfin, la Cellule générale de politique drogues, un organe composé de représentants des ministères compétents du fédéral et des entités fédérées, a défini ses priorités pour ces prochaines années. Parmi elles figure une "analyse et discussion des éventuelles lacunes, points névralgiques et questions de modifications de la loi drogues de 1921". Cela évolue donc, mais à petits, très petits pas.