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Le journal du Médecin : Le plateau central du LHUB a été inauguré en décembre 2016. Le laboratoire rencontre-t-il déjà les objectifs fixés au départ?Jacques Vanderlinden, directeur gestionnaire : Pas encore. L'idée que le LHUB allait consolider rapidement sur le plateau central 70% des analyses effectuées initialement par les différents laboratoires des hôpitaux partenaires est encore loin d'être concrétisée. Au départ, nous partions de trois laboratoires -un situé sur le site de la porte de Hal, desservant les hôpitaux Saint-Pierre et Bordet, un autre sur les sites de Horta et Schaerbeek pour le CHU Brugmann et l'Huderf et un troisième situé sur le site de l'Hôpital Erasme. Chacun de ces laboratoires avait un volume d'activité équivalent, de l'ordre de six millions d'analyses par an. Le plan opérationnel du LHUB vise à consolider 12 millions d'analyses sur le plateau central situé Porte de Hal et à conserver sur les sites des hôpitaux partenaires une activité d'urgence ou encore liée à des trajets de soins spécifiques à l'hôpital. Nous n'y sommes pas encore arrivés.Quels obstacles freinent cette évolution?Transférer des analyses ne se réduit pas seulement à mettre des tubes dans un sac et à les envoyer par taxi vers un laboratoire central. Par exemple, le premier transfert de 200.000 analyses en hormonologie n'a pas été sans challenge parce qu'il fallait pouvoir interconnecter les systèmes informatiques au sein du laboratoire et entre les partenaires hospitaliers. Il fallait aussi régler la problématique des ressources humaines. Qui travaillerait au sein du plateau central et qui assurerait notre activité sur les sites hospitaliers ? Cette intégration des ressources humaines est en cours de réalisation. Nous devions aussi relever des défis au niveau de la qualité. Il était en effet nécessaire d'uniformiser les valeurs de référence utilisées par les différents laboratoires et donc de communiquer auprès des cliniciens pour qu'ils s'habituent à des valeurs de référence harmonisées.Comment avez-vous réglé ces différents problèmes?En mettant en place des projets-pilotes. Nous avons déterminé huit projets, qui balaient toutes les spécialités traitées par le laboratoire, et concernent un nombre d'analyses limité (quelques milliers d'analyses par projet-pilote). Cette méthodologie permet de déterminer l'ensemble des bonnes pratiques qui seront nécessaires lors de futurs transferts et nous la déploierons dans la phase de montée en charge des volumes transférés. En avril 2016 un plan médical opérationnel a été élaboré. Il fixe les projets-pilotes ainsi qu'un plan de roll-out que nous souhaitons voir aboutir mi-2018. Nous sommes donc au début d'un processus que nous préférons traiter de façon systématique, en limitant les risques, et ce de manière à assurer la qualité des analyses effectuées et la continuité des soins.Comment les analyses sont-elles acheminées entre les hôpitaux partenaires et le LHUB ?Nous avons mis sur pied un système de navettes avec un transporteur privé, spécialisé dans l'acheminement des dispositifs médicaux. Nous avons établi des protocoles de transfert par rapport aux conditions requises de transport des échantillons, entre autres en termes de température (nous travaillons sur trois spécifications -congelés, entre 2° et 8°, ou température ambiante) et de durée de déplacement. Des navettes partent toutes les heures depuis les sites de Horta et d'Anderlecht vers le plateau central.Est-ce que les problèmes de mobilité à Bruxelles ne sont pas un frein au développement d'un tel système? Les analyses urgentes sont-elles réalisées sur chaque site ?Outre les analyses effectuées dans le cadre des urgences, trois types d'analyses sont effectuées 'sur site', et non pas au plateau central : les analyses envoyées par les urgences et les soins intensifs qui doivent être traitées de façon très rapide -typiquement dans l'heure, les échantillons intransportables et les échantillons qui sont spécifiquement liés à un site particulier. Par exemple, la quasi-totalité des transplantations du réseau se font à l'hôpital Erasme. Dans ce cadre, il y a lieu d'effectuer des typages HLA. Il n'y a aucun raison logique de transférer ces analyses vers le laboratoire central. Lorsque l'institut Jules Bordet sera installé sur le campus Erasme, les analyses spécifiques aux besoins de l'IJB seront traitées sur notre centre d'activités d'Anderlecht. Nous devons toujours tenir compte de la valeur ajoutée finale.Quid des coûts ? La centralisation des laboratoires est-elle bénéfique pour les hôpitaux sur le plan financier?Le laboratoire est un centre de coût. Lors du processus budgétaire, nous interrogeons les hôpitaux partenaires sur les volumes prévisionnels d'examens qui seront réalisés l'année suivante. Il s'agit évidemment d'une estimation. Sur cette base, nous leurs proposons un prix par analyse reflétant strictement notre structure de coûts. Nous n'avons pas pour objectif de générer des profits au sein du LHUB. Nous travaillons au prix de revient. L'ensemble de la 'marge bénéficiaire' retourne à l'hôpital, et couvre notamment les opérations de prélèvements et d'encodage des analyses à effectuer. C'est l'hôpital qui facture les analyses effectuées aux organismes assureurs. Pour faire un parallèle avec l'industrie, nous sommes une unité de production. Si le LHUB dégage un résultat positif en fin d'exercice -parce que sommes capables de générer des économies d'échelles supérieures à celles attendues lors du processus budgétaire, et donc des bénéfices- celui-ci est redistribué aux hôpitaux partenaires.Avez-vous tenu compte au départ du coût du transport des échantillons?Pour les analyses du secteur de chimie, par exemple, nous avons décidé de travailler avec un seul partenaire industriel pour l'ensemble de nos centres d'activités. L'économie réalisée de cette façon s'élève à près de 2 millions d'euros par an. Il faudrait beaucoup de navettes pour atteindre un tel montant en frais de transport... Plus sérieusement, nous avons inclus le coût du transport des échantillons dans l'analyse économique. Actuellement, le poste "transport" représente autour de 80.000 euros par an.Nous allons intensifier ce système de navettes. Nous étudions actuellement une cadence avec un départ toutes les 30 minutes entre 11H et 15H afin de mieux pouvoir gérer les flux entrants au laboratoire central et mieux répondre aux exigences des cliniciens en termes de délai de traitement des analyses. Cette augmentation de la cadence a été évaluée à quelques dizaines de milliers d'euros par an. Ces montants ne sont pas astronomiques au regard des économies réalisées.Un système de garde est-il organisé par le LHUB? Une garde est organisée sur chacun des centres d'activités. Elle prend le relais en dehors des heures 'classiques' d'ouverture. Entre 6 et 10 personnes assurent une garde permanente sur chacun des sites. En raison de l'afflux des échantillons au laboratoire central, nous réfléchissons également à l'implication des équipes dans une adaptation des horaires de travail. Nos machines ne tournent en effet actuellement pas à pleine capacité. Si nous voulons répondre aux besoins des cliniciens des hôpitaux partenaires (et, in fine, des patients de ces derniers) et, accessoirement, faire baisser le coût des analyses, il va falloir trouver, par la concertation, des solutions pour étendre les plages de travail. Nous insistons pour que ceci soit fait dans un esprit de concertation avec nos équipes, sans jamais oublier que notre objectif premier est de répondre aux attentes des cliniciens et de leurs patients, tant en termes qualitatifs qu'en termes de délai de réponse. Le LHUB attire-t-il assez de professionnels qualifiés?Une intégration telle que nous la connaissons ne va pas, reconnaissons-le, sans poser un certain nombre de défis. Notamment en termes de fidélisation de nos biologistes et, le cas échéant, d'attraction de nouveaux talents pour rejoindre nos équipes. Notre challenge principal, à Béatrice Gulbis, directeur médical, et à l'ensemble du comité de direction, est d'attirer des profils de biologistes et cadres scientifiques qui ont envie de travailler en équipe, dans un environnement hospitalier universitaire où l'intérêt commun prime sur l'intérêt particulier. Nous avons la possibilité de proposer à ceux-ci de réelles opportunités de s'impliquer dans des projets de recherche, que ce soit dans le cadre du laboratoire ou en termes de recherche translationnelle, ainsi que la possibilité de transmettre leur savoir aux futurs médecins et pharmaciens au travers de charges de cours, notamment à l'Université libre de Bruxelles. Nous nous efforçons particulièrement d'être attractifs vis-à-vis des jeunes médecins et pharmaciens en cours de spécialisation à qui nous souhaitons offrir un réel parcours en tant que candidat spécialiste (CS), et ce en les exposant non seulement à l'ensemble des facettes de leur futur métier (routine, mise au point, recherche, gestion d'équipes), mais également à différents environnements au sein du laboratoire, que ce soit au sein du plateau central ou au sein de nos centres d'activités. Concernant le renforcement de nos équipes de technologues, notre priorité est de favoriser la mobilité inter-sites de manière à consolider l'ensemble des compétences au sein du laboratoire. Il est aussi vrai que lorsque nous sommes amenés à recruter en externe, notre offre est tout à fait attractive pour des technologues, débutants ou confirmés, en termes de rémunération, d'environnement, de conditions de travail et de contenu de celui-ci. Finalement, il est à souligner l'importance cruciale du rôle intégrateur joué par notre équipe en charge du développement de notre informatique de laboratoire pour laquelle nous sommes en recherche permanente de nouveaux talents ! D'autres institutions bruxelloises pourraient-elles rejoindre le LHUB ? Votre laboratoire peut-il répondre à des demandes supplémentaires d'examens?En termes de capacité pure, cela ne poserait 'théoriquement' pas de problèmes. Néanmoins, si d'autres institutions émettent dès à présent un intérêt à rejoindre le LHUB, nous ne souhaitons pas y donner suite avant que nous ayons développé pleinement notre outil et que celui-ci soit arrivé à un niveau de maturité suffisant. Nous devrions être capables d'intégrer de nouveaux partenaires à l'horizon 2019.(1) L'Institut Jules Bordet, l'Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola, le CHU Brugmann et le CHU Saint-Pierre et les Cliniques Universitaires de Bruxelles - Hôpital Erasme)Un entretien de Vincent Claes