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L'eSanté connaît une croissance ininterrompue depuis 2009, et selon les experts du domaine, cela n'a rien de surprenant : " le vieillissement de la population, l'augmentation du nombre de maladies chroniques, ainsi que les nouvelles technologies et méthodes thérapeutiques remettent en cause les modèles commerciaux existants dans le secteur de la santé ", explique dans un récent article Sofie Staelraeve, co-créatrice de la Voka Health Community (le réseau d'entreprises flamand) et membre du comité de gestion de la plateforme eHealth2. " Les barrières technologiques ont disparu : les bases de données sont libres d'accès et donc gratuites, l'hébergement sur le cloud est quasiment gratuit également, l'utilisation des smartphones est en constante évolution, de même que les langages de programmation, et j'en passe ", ajoute Omar Mohout, ingénieur de croissance chez Sirris, le centre d'innovation de l'industrie technologique belge, et professeur d'entrepreneuriat à la Antwerp Management School.2.158 start-up sont recensées à l'heure actuelle en Belgique, selon Sirris2. L'eSanté représente à elle seule près de 10% des start-up créées sur le Plat Pays (voir infographie). Deux tiers d'entre elles s'orientent vers le B2B. Une tendance qui n'étonne pas Agnès Flémal, directrice générale de WSL, incubateur wallon spécialisé dans les sciences de l'ingénieur. " Il y a eu une grand mode du software pur qui allait tout résoudre (les applications orientés patients par exemple, ndlr). Mais maintenant, on revient de plus en plus au hardware, car tout ce qui est santé tourne autour du medical device, et l'avenir du medical device, c'est la microélectronique ", explique l'ingénieur civil. " De plus en plus, ces matériels embarquent des softwares intelligents. Il est désormais coutume d'embarquer des capteurs eSanté à l'hôpital, mais aussi à domicile, pour pouvoir connaître à distance les caractéristiques vitales des patients. Et c'est là que les progrès se font, de plus en plus, on miniaturise. Maintenant, avec l'IoT4, les réseaux, le transfert d'informations, cela devient plus abordable. "Bruxelles représente 25.48% du marché belge de l'eSanté, la Flandre 53.85% et la Wallonie 20.67%. Si l'on ne regarde que ces chiffres, le taux de création d'entreprises en Wallonie est faible. Un zoom par province et une corrélation du nombre de start-up par habitants permettent toutefois de nuancer le tableau (voir infographie).À la lumière des chiffres, deux constats s'imposent : premièrement, Bruxelles est résolument la capitale du pays en termes de création d'entreprises tournées vers l'eSanté. " Bruxelles a effectivement le plus grand nombre de start-up et de scale-up eSanté en Belgique, et de loin ", confirme Omar Mohout.Secondement, le résultat est moins catastrophique que ce que les chiffres laissaient croire a priori en Wallonie. " La Wallonie a d'excellentes entreprises eSanté, qui plus est matures, mais la Région doit stimuler la création de nouvelles start-up dans le domaine " conseille Omar Mohout. " Ce que l'on essaye de faire au niveau wallon - et les Bruxellois ont commencé beaucoup plus tôt que nous, la région étant aussi plus petite - c'est d'arrêter la dispersion et de fédérer les projets ensemble, " admet pour sa part Agnès Flémal.Cette disparité explique clairement le retard de la Wallonie pris sur les deux autres régions. " Typiquement, à Bruxelles, Lifetech.Brussels a commencé plus tôt que le Wallonia eHealth Living Lab (WeLL) et que d'autres opérations wallonnes. Ensuite, le territoire de Bruxelles est un concentré d'hôpitaux et d'universités. Pour l'eSanté, le terreau est donc fertile à Bruxelles. En Wallonie, faire interagir Ambroise Paré à Mons avec la Citadelle de Liège est plus compliqué. Il y a également une question de centres de gravité, ce que sont les grands centres urbains. C'est pourquoi la Flandre est également un lieu propice. En Wallonie, on a toujours tendance à voir les choses de manière disséminée. Le WeLL est une expérience positive, amenée à grandir lors des prochains mois vers une véritable structure indépendante wallonne. Mais il fallait que l'on ait ce galop d'essai (de deux ans, ndlr) pour définir si le WeLL était effectivement un outil intéressant. "Dans sa récolte de données, Sirris pointe le grand nombre de spin-off et de spin-out au sein des start-up eSanté. 18% d'entre elles sont issues d'instituts de recherche, soit deux fois plus que les autres secteurs. Les entreprises eSanté sont donc davantage liées aux organismes et structures existantes que les entreprises issues des autres secteurs. " Les spin-off jouent effectivement un rôle bien plus grand dans l'eSanté que dans les autres secteurs ", confirme Omar Mohout. " Ce n'est pas surprenant, puisque si tout le monde peut créer une app dans sa chambre, pour créer une technologie qui impacte notre santé, on a besoin d'avoir des connaissances poussées. Nous constatons par exemple le même phénomène concernant la technologie de cryptage. C'est tellement complexe qu'on a besoin de la recherche universitaire pour développer de nouvelles technologies dans ce domaine. "En se basant sur ces chiffres, toujours est-il que 82% des entreprises n'ont pas de lien avec les spin-off. Elles sont le fruit des nombreux clusters, réseaux et autres living labs qui ont pointé le bout de leur nez dans tout le pays : le Voka Health Community en Flandre, le récent Wallonia eHealth Living Lab en Wallonie, le Lifetech.Brussels, les Microsoft Innovation Centers, le Caring Entrepreneurship Fund pour ne citer qu'eux. L'eSanté a encore de beaux jours devant elle.Source :