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La fiscalité qui s'attache aux oeuvres d'art est très défavorable et mérite un sérieux avertissement avant de se lancer dans vos premières acquisitions.Imaginons que vous vous trouviez face à ce tableau qui vous bouleverse dans cette petite galerie d'art bruxelloise et que vous souhaitiez immédiatement le ramener dans votre cabinet pour le pendre derrière votre bureau, la plus grande prudence s'impose ! L'administration fiscale considère depuis longtemps qu'une oeuvre d'art est un objet qui ne peut jamais se déprécier et qui ne peut donc pas être déduit de vos revenus. C'est un principe qui ne souffre que très peu d'exceptions.En effet, confirmant la position administrative, la Cour d'appel de Gand s'est prononcée sur la question de la déductibilité de certains objets, et juge par exemple que les tableaux " sont des objets qui sont et demeurent suspendus et qui ne sont pas manipulés par les locataires. Au fil du temps, ils ne subissent pas de dépréciation ".Même raisonnement pour une gravure sur cuivre, un manteau de cheminée en cuivre, des vases du Val-Saint-Lambert, un rouet en bois, des chandeliers antiques en verre, etc. " Ces objets ne sont pas non plus destinés à être manipulés régulièrement ".Certains objets ne subissent qu'une usure minimale en raison de la matière dont ils sont composés, tels que des seaux à champagne en argent ou des couverts en argent. La Cour n'y voit aucune faculté de déduction.La Cour refuse aussi la déduction de l'acquisition d'un service en cristal de Val-Saint-Lambert ou un service en porcelaine de Limoges. En effet, " De tels objets représentent une telle valeur qu'ils ne seront normalement pas utilisés, ou alors uniquement dans des circonstances exceptionnelles ".Etonnamment, elle alla jusqu'à considérer que des tapis persans ne sont pas amortissables non plus, puisque " l'usure due à un usage normal est à considérer comme minime ". Une telle position concernant des objets destinés à s'user est éminemment contestable. A contrario, dans certains cas la jurisprudence s'est montrée plus souple, puisque la Cour d'appel de Bruxelles a déjà admis la déductibilité d'un violon Stradivarius appartenant à un musicien professionnel à la mesure de 5% par an. Ce cas d'application est bien entendu exceptionnel (et contestable puisqu'on peut difficilement soutenir que cet instrument va perdre de la valeur) et on peut en toute bonne foi exclure son application aux professions médicales qui exercent certes un art, mais rarement au moyen d'antiquités...Il sera aussi parfois difficile de délimiter la frontière entre une oeuvre d'art et de simples travaux d'embellissements de vos locaux professionnels qui sont quant à eux, parfaitement déductibles. Il serait en effet abusif de considérer que l'acquisition de bibelots ou d'éléments décoratifs en tout genre issus de grandes enseignes commerciales puissent constituer des oeuvres d'art non-susceptibles de faire l'objet d'une déduction fiscale.Une déductibilité partielle peut s'appliquer lors de l'oeuvre d'art est intégrée à un immeuble en construction. Dans ce cas, l'administration fiscale admet que l'oeuvre soit amortie selon les mêmes modalités que l'immeuble lui-même, soit dans la plupart des cas, en 33 ans.Il faut que l'oeuvre d'art soit incorporée à l'immeuble, c'est-à-dire qu'elle en fasse partie intégrante. Un tableau ne répondra probablement pas à la définition, mais une statue nichée dans la structure ou une fresque y répondront certainement.Cette oeuvre devra aussi faire l'objet d'une agréation du ministre compétent, autant dire que cette faculté est rarement utilisée !Les dons faits par des particuliers ou des entreprises en faveur d'institutions agréés sont déductibles pour un montant minimum de 40 EUR et pour un maximum de 10% des revenus qui ne peuvent excéder 250.000 EUR indexés par an (5% et 500.000 EUR indexés pour les entreprises).L'Etat a également voulu favoriser les donations d'oeuvres d'art qui lui sont faites. Il a donc institué un système de faveur pour celles et ceux qui voudraient enrichir les musés du pays. Une agréation du Ministre selon laquelle l'oeuvre appartient au patrimoine culturel du pays et une expertise préalable réalisée à vos frais sont autant d'éléments préalables à votre bonne action qui risquent fort de dissuader les généreux donateurs les plus déterminés.La véritable solution de l'amateur d'art réside probablement dans la location de sa collection privée à sa société. En effet, les loyers payés par la société seront entièrement déductibles pour celle-ci et le dirigeant recevra un revenu complémentaire qui sera taxé au taux du précompte mobilier, soit à 27%.Cette opération n'est évidemment pas sans risque, l'administration pourrait éventuellement considérer qu'il s'agit d'une rémunération déguisée et l'imposer comme un revenu professionnel, ce qui serait bien entendu éminemment contestable. Elle est néanmoins la seule qui s'offre à celles et ceux qui voudraient quand même investir dans des oeuvres d'arts et en tirer un revenu.Il n'existe pas de solution miracle en matière d'investissement dans des oeuvres d'art parce que les perspectives fiscales qu'il ouvre n'ont vraiment rien d'alléchant. On ne peut que regretter ce système, qui ne favorise pas la créativité et le mécénat dans notre pays. Les plus déterminés investiront donc en dehors de tout cadre professionnel et, le cas échéant, loueront leurs oeuvres à leur société afin d'en tirer quelques modestes revenus. Les autres se contenteront de les accrocher à leur cheminée pour les admirer dans la plus stricte et jalouse intimité, au grand dam de leurs patients qui ne profiteront pas de leurs goûts éclairés.