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Le lancement de ChatGPT, un agent conversationnel (chatbot) très sophistiqué, par la société OpenAI (largement financée par Microsoft) reste aujourd'hui encore un des évènements les plus médiatisés. Et ceci à divers niveaux, de la réaction des entreprises concurrentes aux inquiétudes fondamentales que suscite une intelligence artificielle pouvant échapper au contrôle de l'être humain. Y compris de la part d'un des fondateurs d'OpenAI (ayant quitté la scène depuis), à savoir Elon Musk, le patron de Tesla et SpaceX : il demandait à fin mars une pause dans les développements, en compagnie de 1.300 patrons et universitaires. Il est vrai que Sam Altman, le patron d'OpenAI, a de son côté évoqué l'époque où les programmes "seront plus intelligents que les humains en général" ! Faut-il par ailleurs rappeler les monstrueuses pertes d'emplois rapidement évoquées dans divers métiers ?Sans aller jusqu'à envisager la prise de pouvoir par la machine au détriment de l'homme, certains ont lancé des mises en garde à d'autres niveaux, plus prosaïques. Le site spécialisé Numerama a ainsi expérimenté la rédaction d'une fausse annonce venant d'Amazon et en conclut que " ChatGPT est meilleur que des hackers pour rédiger des arnaques ". Il évoque également l'opinion d'un confrère, suivant lequel GPT-4, la version lancée en mars, est encore pire que ChatGPT en matière de désinformation : ce troisième logiciel ne refuse pas de créer des fake news, ni ne met en garde contre elles. À noter que ChatGPT refuse par contre de rédiger des messages d'hameçonnage (phishing), a également observé Numerama.Par-delà ces réticences et avertissements qu'on ne saurait ignorer, nul ne doute que l'intelligence artificielle, abrégée par IA en français et AI (Artificial Intelligence) en anglais, soit promise à un avenir radieux. Les gestionnaires d'actifs n'ont évidemment pas raté le coche et ils n'ont d'ailleurs pas attendu novembre dernier : parmi les fonds spécifiquement axés sur l'IA, le plus ancien date déjà de 2016. Quels sont-ils et qu'ont-ils dans le ventre ? Et cette spécialisation en vaut-elle la peine par rapport à un fonds technologique plus classique ? Réponse par l'analyse de quatre fonds.A tout seigneur, tout honneur : créé en 2016 déjà, le fonds Global Artificial Intelligence de l'assureur allemand Allianz est le vétéran et le géant du secteur IA : il pèse aujourd'hui pas loin de 6 milliards. Après une performance exceptionnelle en 2020 (+84,7 %, contre +36 % pour le secteur technologique en général), il est rentré dans le rang en 2021 (+18,5 % contre +22,5 %) et a bu la tasse l'an dernier, davantage que les valeurs technos dans leur ensemble : -41,6 %, contre -32 %. Profil assez semblable pour le fonds AI du gestionnaire français Echiquier : +78,9 % en 2020, puis +7,6 % en 2021, ce qui est plus faible, et une super-catastrophe l'an dernier, avec -54,2 % ! Troisième exemple : le fonds Invest AI du gestionnaire allemand DWS, naguère filiale de Deutsche Bank. Il fut beaucoup moins chahuté, tout en accentuant légèrement la performance du marché technologique. C'est une première leçon et non des moindres : les fonds se réclamant spécifiquement de l'intelligence artificielle sont particulièrement secoués, tout en ayant au total franchement sous-performé ces dernières années.C'est d'autant plus vexant que leurs principales participations sont assez semblables à celles des fonds technologiques plus larges. Prenons pour référence le BNP Paribas Disruptive Technology, un fonds important (3,3 milliards) et aux performances plutôt enviables : 12,2 % par an sur les 3 dernières années et pas moins de 17,4 % sur 10 ans. Ici comme là, on retrouve des actions telles que Microsoft, Alphabet (Google), ou encore Taiwan Semiconductor... Une spécificité cependant : les trois fonds AI évoqués plus haut placent le titre Nvidia en ordre très utile dans leur portefeuille; il est même numéro 1 chez Allianz. Assez logique quand on sait que ce concepteur américain de puces et processeurs graphiques est devenu incontournable dans l'IA grâce à ses cartes graphiques. Ceci lui vaut d'ailleurs une appréciation boursière de plus de 60 % sur les 12 derniers mois ! Pas suffisante pour que ces fonds fassent des étincelles...Le fonds de BNPP ratisse assez large avec des participations dans Visa et Booking, importants utilisateurs de l'IA, ainsi que dans AMD et ASML, fabricants respectivement de puces et de matériel pour les produire. Les fonds dédiés à l'IA essaient de viser quelques entreprises moins emblématiques, avec par exemple ON Semiconductor et Enphase Energy (technologies énergétiques) pour Allianz, ou encore Arista Networks (matériel de réseau informatique) et Synopsys (logiciels axés sur les circuits intégrés) pour DWS Invest. C'est le fonds de l'Echiquier qui se démarque le plus à cet égard, ces actions (beaucoup) moins connues pesant plus lourd dans son portefeuille et sortant davantage de l'ordinaire : ServiceNow (connections à l'intérieur de l'entreprise), Crowdstrike (cybersécurité en lien avec le cloud), ou encore MercadoLibre, entreprise argentine de vente sur Internet ! Une participation inattendue et un excellent choix, puisque le cours a doublé en un an.Ce surcroît d'imagination des fonds spécifiquement axés sur l'intelligence artificielle ne leur a, comme on l'a vu, pas permis de mieux performer qu'un fonds plus global, bien au contraire. En sera-t-il différemment à l'avenir ? Il est vrai que la tâche est ardue car ce sont aujourd'hui "tout simplement" les géants de la techno qui semblent les plus prometteurs. Ainsi les analystes de JP Morgan ont-ils récemment désigné Microsoft (" parrain " d'OpenAI, rappelons-le) comme étant " le premier bénéficiaire de l'IA pour sa capacité à mettre des produits d'IA sur le marché et en raison de son vaste portefeuille de produits pouvant bénéficier d'une intégration de l'IA ".