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Ce fut le feuilleton de l'été et c'est maintenant celui de l'automne : les taux d'intérêt n'arrêtent pas de monter. Les taux à long terme, ceux qui sont déterminés par le marché obligataire. Pour rappel, ce que l'on appelle le taux à long terme est le rendement de l'obligation d'État à dix ans ; les taux d'autres durées sont très accessoires. Ces taux à long terme progressent davantage que les taux à court terme, ceux qui sont fixés par les banques centrales et qui sont censés donner le ton à l'ensemble du marché. Ce paradoxe est spectaculaire aux États-Unis : pendant que les seconds grimpaient de 0,25 % seulement depuis le printemps, les premiers s'envolaient de 1,50 % ! C'est beaucoup moins vrai en Europe. N'empêche que c'est un peu surprenant de ce côté-ci aussi de l'Atlantique : la Banque centrale européenne (BCE) ayant récemment laissé entendre que ses taux n'allaient probablement plus augmenter, on aurait pu s'attendre à une détente.Pourquoi cette grande fermeté des taux à long terme ? Et peut-elle se prolonger ? Certes, l'inflation diminue moins vite qu'attendu naguère, de sorte que les banques centrales ont augmenté leurs taux plus longtemps que prévu. Mais ce scénario est en place depuis de longs mois et donc " intégré dans les cours ", suivant l'expression consacrée en finance. On ne peut toutefois oublier que Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine (Fed), en a remis une couche en septembre, en précisant que les taux resteraient " plus élevés plus longtemps ". Sans négliger la récente déclaration de Jamie Dimon, le patron de JP Morgan, présenté comme le banquier privé le plus important du monde : selon lui, les taux américains à long terme pourraient grimper jusqu'à 7 % ! Si c'est vrai, ce serait évidemment très négatif, pour les actions comme pour les obligations. Son avis est toutefois loin de faire l'unanimité.Il est cependant un autre élément de poids, dont le marché a pris conscience récemment : les émissions d'obligations augmenteront fortement l'année prochaine, parce que les besoins d'emprunts des États sont en hausse. Et ceci alors même que les banques centrales ont décidé de mettre fin à leurs colossaux achats. C'est surtout vrai aux États-Unis. Le chef économiste du gestionnaire britannique Schroders a fait le calcul : ce retrait de la Fed signifiera 780 milliards d'achats en moins. Quant à l'offre totale, elle se chiffrerait à 2.730 milliards, soit 50 % de plus que cette année-ci ! Une offre beaucoup plus abondante et un très gros acheteur qui disparaît, cela signifie que pour placer la marchandise, il va falloir la rendre plus attrayante, ce qui signifie augmenter le rendement de ces obligations. Et tout cas par rapport à ce qu'il serait en cas de marché équilibré.Ceci ne signifie donc pas nécessairement une forte hausse des taux dans l'absolu, de sorte que le conseil de plus en plus fréquemment donné par les intermédiaires financiers ne doit pas être écarté. Lequel ? Qu'au niveau actuel des taux, il est raisonnable de se tourner à nouveau vers les placements offrant un rendement, sans se précipiter... Quelles sont les alternatives au carnet de dépôt ? Plus rémunérateurs que lui, les comptes à terme ont connu un joli succès, mais pour percevoir un taux intéressant, il faut souvent immobiliser 100.000 euros. Ce seuil permet par exemple d'obtenir 2,40 % net (3,43 % brut) chez Deutsche Bank, et ceci pour un an. Plusieurs banques offrent un chouïa de plus, mais pour deux ou trois ans. Or, on ne peut perdre de vue que l'argent placé sur un compte à terme est bloqué pour la période. On en perd le bénéfice en cas de retrait, comme c'est le cas avec la prime de fidélité du carnet de dépôt.On conseille rarement à l'investisseur d'acheter des obligations en direct, pour d'évidentes raisons de diversification. Admettons toutefois que le risque est limité avec celles émises par des pays de la zone euro, ou encore des organismes tels que la Banque Européenne d'Investissement (BEI). Il est alors indispensable de connaître le " truc " qui permet d'éluder le précompte, en toute légalité et pour autant qu'on ne recherche pas un rendement immédiat : acheter une obligation ancienne affichant un rendement très faible, voire nul, et qui affiche dès lors une forte décote. On l'achètera par exemple à 85 % de sa valeur faciale. Cette décote disparaîtra par définition à l'échéance, puisque le remboursement se fait en principe à 100 %. La différence de 15 % remboursera l'investisseur du manque-à-gagner sur les coupons annuels trop bas ou nuls... mais il s'agira d'une plus-value. Et celle-ci n'est pas taxée en Belgique, alors que les coupons auraient été soumis au précompte de 30 %. Ceux-ci ont donc, en quelque sorte, été obtenus brut pour net !Toutefois, c'est essentiellement vers des fonds spécialisés que l'intermédiaire financier orientera l'investisseur. Du fait des commissions perçues, il y a bien sûr intérêt, mais le client aussi, pour des raisons de diversification et de gestion professionnelle. Ce dernier point revêt aujourd'hui une grande importance pour une raison simple : compte tenu de l'indigence récente des rendements offerts par les obligations, les fonds axés sur le rendement les ont largement délaissées au profit de placements plus rémunérateurs mais moins accessibles au particulier. Prenons à témoin le Global Income Fund de la banque américaine JP Morgan, un géant également disponible en Belgique. Son portefeuille compte une petite moitié d'obligations, complétées avec 30 % d'actions à dividende élevé et relativement sûr. Au premier rang desquelles figure le fonds immobilier américain Prologis, suivi par Samsung et Taiwan Semiconductor, numéro 1 mondial des puces électroniques. À noter que, pour obtenir un rendement digne de ce nom, les obligations sont surtout choisies dans les catégories B et non A, ce qui exige une bonne connaissance du marché et un suivi attentif.Ce n'est pas par hasard que le premier poste affiché par ce fonds est une valeur immobilière. La forte hausse des taux en 2022 a provoqué de terribles chutes de cours, de sorte que les rendements ont spectaculairement grimpé. Cela vaut aussi pour les sociétés immobilières réglementées belges, les SIR (ex-sicafi). L'OPA lancée sur l'une d'entre elles, à savoir Intervest (lire ci-contre), ne serait-elle pas le signal que les cours sont devenus fort attrayants ? Voyons où en est la pionnière Cofinimmo. Les analystes tablent sur un maintien du dividende payé l'an prochain : 6,20 euros brut, soit 4,34 euros net. À un cours de l'ordre de 56 euros, il dégage un rendement net fort appréciable de 7,7 %. Pas étonnant que ces analystes, s'ils n'osent en conseiller l'achat, ont néanmoins un objectif de cours proche de 80 euros, soit 40 % de plus. Il n'est pas certain, pour cette valeur comme pour les autres SIR, que le cours remonte dès la semaine prochaine, mais on peut estimer qu'il offre une belle marge de sécurité en cas de petites déceptions.