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Quelle qualité de soins voulons-nous en Belgique?" entame Dirk De Ridder pour sa présentation du programme "Pay for performance 2023" (P4P). Lancé en 2018, ce programme consiste à lier des stimulants financiers, destinés aux hôpitaux, à des indicateurs de qualité, mesurés dans ces mêmes hôpitaux. Dirk De Ridder est directeur de la qualité à la KULeuven, où le programme est développé en version pilote, et coordinateur stratégique du Réseau hospitalier flamand. "Les soins de santé qualitatifs sont le niveau de qualité qu'il est acceptable de recevoir pour soi-même ou ses proches", poursuit-il. Pour le classement selon les indicateurs du programme P4P, le gouvernement reçoit de chaque hôpital un set de données appelé les "données minimales hospitalières". Ce set reprend toutes les données cliniques de chaque établissement de soin. "Nous avons eu les données minimales hospitalières du SPF de 2008 à 2018. À cause des lois de protection des données, ça nous a pris deux ans pour les obtenir. Mais le résultat est que nous avons maintenant une base de données de 16 millions d'hospitalisés pour des séjours hospitaliers classiques. Sur base de ces données, nous nous sommes posé deux questions. D'abord, comment la qualité des soins a-t-elle évolué dans les hôpitaux belges entre 2008 et 2018? Ensuite, comment la qualité des soins a-t-elle évolué entre hôpitaux mêmes lors de la même période? Nous avons analysé tout ça sous l'angle de la mortalité, des réadmissions, des durées prolongées de séjour et des effets indésirables."Pour pouvoir comparer les résultats dans les différents hôpitaux, l'équipe de M. De Ridder a appliqué aux données une série de méthodes de standardisation statistique. L'ajustement a été réalisé en fonction de l'APR-DRG, l'année, l'âge, le sexe, le lieu avant l'admission, le type d'admission, les comorbidités... "On a donc rendu comparable chaque hôpital avec chaque hôpital. Chaque question du genre 'mon hôpital a une autre base de patients que mes voisins' ne se pose plus. Chaque hôpital est comparable avec chaque autre hôpital."Dans le temps, on observe une petite baisse (de 30,4% à 30,1%) de la mortalité à l'hôpital. "Cette petite baisse, sur dix ans, ce n'est pas énorme. La qualité de la médecine a énormément augmenté dans ces années." Le tableau suivant compare la tendance temporelle des hôpitaux entre eux. "On observe qu'il y a des hôpitaux qui produisent pendant dix ans une mortalité hospitalière significativement haute, par rapport à d'autres qui ont une mortalité acceptable pendant dix ans. Il y a aussi des hôpitaux qui s'améliorent (même s'il faut les chercher)." Une double tendance ressort: un bon hôpital reste un bon hôpital, et un mauvais hôpital reste un mauvais hôpital. Il y a donc une grande variabilité d'un hôpital à l'autre à un moment donné, mais la variabilité observée n'est pas attribuable à des groupes de maladies spécifiques. La variabilité observée ne s'explique pas non plus par la région: il y a de "mauvais" hôpitaux en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles, et il y a de "bons" hôpitaux en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles. Les tendances n'ont pas non plus de lien avec le fait d'être un hôpital universitaire ou pas, ni avec le volume d'admissions. "On se demande donc pour quelle raison ces hôpitaux diffèrent", explique M. De Ridder, avant de répondre à sa propre question: "On pense que ça a beaucoup plus à voir avec l'attitude, la culture de l'hôpital."Le classement de ces hôpitaux en fonction de leur taux de mortalité évoque une autre question: quel serait l'impact hypothétique de la réduction de la variation entre les hôpitaux? La base de données montre 99 hôpitaux belges. L'hypothèse ici serait de réduire la mortalité la plus élevée, non pas au niveau de la mortalité la plus faible, mais au niveau de la mortalité médiane. Autrement formulé, M. De Ridder a cherché à constater l'impact sur la mortalité au niveau belge si les 23 plus mauvais hôpitaux se hissaient simplement au niveau des hôpitaux médians. Les chiffres de la simulation sont déconcertants. En urologie, on pourrait réduire la mortalité hospitalière de 412 personnes par an en Belgique. En cardiologie, si les mauvais hôpitaux fonctionnaient au niveau des médians, cela réduirait la mortalité de 633 personnes par an. Au total, si l'on combine les 20 cas diagnostiques majeurs, ce sont 4.086 personnes qui ne mourraient pas dans nos hôpitaux belges. "Pour être gentils, nous appelons ces 23 mauvais hôpitaux des ''hôpitaux à fort impact'', des ''hôpitaux qui ont une possibilité d'amélioration significative''. Mais le gouvernement, qui a ces données en sa possession, doit les regarder avec des lunettes de santé publique. Ce nombre de 4.086 décès évitables par an, c'est l'équivalent de dix A380 qui se crashent chaque année en Belgique avec des patients qui meurent en hôpital et qui ne devraient peut-être pas mourir en hôpital."Dirk De Ridder ne s'attarde pas sur les réadmissions ni sur les durées prolongées de séjour qui ne sont pas des indicateurs qui disent beaucoup sur la qualité des soins. On notera toutefois au passage que les chiffres des réadmissions sont en hausse. Ici aussi, on observe une forte variation entre les hôpitaux. "Or, comme je le disais, les hôpitaux sont rendus comparables, donc ce n'est pas dû au type de patient, ce n'est pas dû à la localisation de l'hôpital..."Même constat en ce qui concerne la prévalence des événements indésirables. Dans les hôpitaux belges dans leur globalité, 0,1% des patients médicaux subissent un effet secondaire indésirable, et 1,2% chez les patients chirurgicaux. Mais si on regarde la variation entre les hôpitaux, on a un facteur huit fois plus élevé (patients médicaux) et cinq fois plus élevé (patients chirurgicaux) entre le meilleur hôpital et l'hôpital le plus mauvais. "Pour comprendre d'où vient cette variation, nous avons fait une analyse approfondie qui s'appelle le "défaut de sauvetage" (failure to rescue, soit l'incapacité à prévenir un décès résultant d'une complication d'une intervention chirurgicale sous-jacente). Le ratio mesure le taux de mortalité de l'hôpital des patients chirurgicaux présentant des complications graves mais traitables dans l'hôpital (choc cardiaque, septicémie, pneumonie, hémorragie gastro-intestinale, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire...). Dans nos hôpitaux belges, 23% des gens qui ont ces complications graves meurent. Près d'une personne sur quatre en meurt. Par comparaison, en Europe et dans le monde, c'est 15%. Ceux qui disent que notre médecine en Belgique est d'une qualité exorbitante, j'en doute fort."En conclusion, la qualité des soins en Belgique n'a pas beaucoup évolué de façon mesurable, tandis que dans les autres pays autour de nous, la qualité a augmenté de façon bien visible. "La variation injustifiée au niveau des hôpitaux, c'est un problème qu'on doit attaquer, c'est un problème qu'on doit prendre en main. Des initiatives comme le VIKZ en Flandre, avec des rapports publics, des données de qualité, où chaque hôpital est nommé, où chaque hôpital a la possibilité d'expliquer ses données, mais aussi la possibilité de faire quelque chose si son rapport n'est pas optimal, je crois que c'est une des méthodes pour améliorer la qualité des soins en Belgique", confie Dirk De Ridder. "Cela a des implications pour les soignants, mais aussi pour les gestionnaires hospitaliers, ainsi que pour le politique, qui doit faire quelque chose de ces données."