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Au rez-de-chaussée, de grands portraits sur fond noir arpentent les murs. Cette grande salle de l'exposition est consacrée à la troisième vague. " Celle de trop ", exprime Cédric Gerbehaye. " Ils ont été réalisés il y a huit mois, en juin 2021. Tous on été créés de la même façon. Je demandais aux personnes de poser, juste après le travail, je mettais un fond de musique, qui pouvait durer plus de cinq minutes avant qu'elles se détendent. Ces personnes, j'avais pris le temps de les rencontrer, de leur parler pour mieux les connaître et aussi de les photographier ", raconte le photographe.Réaliser un portrait prend du temps. Il faut établir la relation et faire tomber les masques. " Un portrait c'est avant tout rentrer dans l'intimité de la personne, et percevoir ses sentiments ", explique-t-il. Tous sont venus de leur plein gré et avaient reçu un mail au préalable expliquant la démarche du photographe. Le livre éponyme tiré en 3.000 exemplaires a d'ailleurs été offert à 1.500 membres du personnel de soins du CHU Tivoli." Au rez-de chaussée, c'est ce sur quoi je veux vraiment attirer l'attention, avec la photographie des deux infirmières qui se lovent l'une contre l'autre et qui sont épuisées et la combinaison sur le sol ressemblant à un corps. Cela résume bien cette période ", explique l'auteur. " Et pour la petite histoire de la photo des deux femmes", poursuit-il, " elles sont sorties et se sont regardées en se disant, on va fumer une clope ? Et elles ont retiré leur " seconde peau ". Je les ai accompagnées, elles ont fumé, et ensuite j'ai pris un peu de distance pour leur laisser ce moment. Yasmina est venue ensuite se lover contre sa collègue. Elle était épuisée, et elle est venue chercher du réconfort..."" La première vague, ça allait ", raconte le photographe, " ils étaient jeunes, valorisés, et applaudis. A la deuxième vague, ils étaient crevés. Encore une, mais ce n'était pas grave, ils sentaient qu'ils avaient de l'expérience, des connaissances et ils étaient ensemble et solidaire. A la troisième vague, ce n'était plus possible. On leur en demandait de trop, certains ne respectaient plus les gestes barrières, et c'était eux qui trimaient. Cela faisait plus d'un an que ça durait et c'est à ce moment là que je les ai photographiés."A côté de la grande salle, dans une black box, une installation sonore vient ponctuer l'exposition. Un texte de Caroline Lamarche, lu par le comédien Pietro Pizzuti, décrit les sentiments et les premières observations du photographe.Au premier étage, l'expo est consacrée à la première vague au CHU Tivoli et aux alentours de la ville. On y trouve des clichés d'une couturière bénévole qui coud des masques et du matériel, mais aussi de gens dans leur travail quotidien comme aux pompes funèbres ou encore des infirmières en extérieur. Dans une salle à côté, des clichés de la ville, tantôt avec les services de la ville, et d'autres dans l'athénée. "Comment fait-on pour séduire quand on a 16 ans et qu'on porte un masque ?", exprime une des photos.Encore une autre pièce, avec des vues de l'hôpital de Jolimont cette fois-ci, que le photographe a également pu visiter. À la différence avec le CHU Tivoli, c'est un hôpital catholique qui comprend une chapelle. On retrouve des prises de vue d'un prêtre faisant la messe la main tremblante ou encore une personne âgée souffrant de solitude, une des conséquences du confinement. Il y a également cette photo d'un homme souffrant du Covid, prise chez lui." J'ai toujours regardé la possibilité d'intégrer des patients ou pas dans mes photos. Montrer tout simplement quelqu'un qui souffre du Covid, quelqu'un qui tousse, c'est aussi important. c'était d'autant plus primordial qu'on a tout le temps parlé d'un ennemi invisible, et en tant que photographe, on recherche ce qu'on peut dire et ce qu'on peut aller chercher pour tenter de raconter cette histoire. "Enfin dans un des couloirs, des clichés d'un home pour personnes âgées, " parce qu'on a beaucoup parlé des résidences au début de la crise ", justifie le photographe. " Ce travail représente une véritable démarche historique ", explique Benoît Goffin, conservateur du Mill," où l'on essaie d'ancrer cette pandémie dans une historicité". " J'ai souhaité travailler avec le service des archives de la ville et de faire quelque chose qui va pouvoir rester dans le temps ", poursuit le photographe. "Je voulais également ne pas faire quelque chose dans l'urgence, ni de médiatique, mais plutôt réaliser un travail qui va narrer ce moment historique.". " Nous avons fait un véritable travail d'équipe ", ajoute l'auteur, " avec Caroline Lamarche, mais aussi en partenariat avec la ville de La Louvière, le CPAS de la ville, les policiers, les écoles et l'hôpital de Tivoli."Un travail qui aura duré finalement 14 mois car ils ne s'attendaient pas à ce qu'il y ait ces vagues successives et pensaient que ça allait se terminer rapidement.Le choix de la photo en noir et blanc dans ce travail n'est pas anodin, cela fait partie intégrante du style du photographe. " Dès que je peux, je travaille en noir et blanc. Cela représente la réalité et les sentiments, selon moi. Avec la couleur on est plus distrait par certaines choses que l'on ne veut pas forcément mettre en avant. "Ces oeuvres seront présentées également en dehors de la Belgique, aux USA, où des personnes ont souhaité montrer comment le système hospitalier belge a fonctionné durant la pandémie.Zoonose, documentation d'une pandémie, du 11 février au 26 mars 2022 au Mill-Musée Lanchelevici La Louvière, info@lemill.be