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JdM : En mai 2018, on était obligé de constater l'échec de la fusion entre la Clinique Saint-Luc de Bouge (SLBO) et le Centre hospitalier régional Sambre et Meuse (CHRSM) provoquant la stupéfaction du monde politique local (lire jdM n°2542). Aujourd'hui, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts puisque vous nous proposez un réseau hospitalier en bonne et due forme...Paul d'Otreppe, directeur général de la Clinique Saint-Luc de Bouge : Pratiquement, cela fait dix ans qu'on discute et sur les dix dernières années, on a appris à connaître tous les acteurs du Namurois. Nous savions que nous n'allions pas rester à s'observer. Faire un mouvement sur base volontaire n'a pas été facile car chacun restait sur ses identités historiques. La loi de Maggie De Block votée à la Saint-Valentin le 14 février dernier a propulsé le débat et montré la voie aux hôpitaux qui jusqu'ici pensaient ne pas pouvoir le mettre en place. Ce qui est très positif, c'est que les hôpitaux ayant discuté pendant dix ans se connaissent très bien et la loi prend tout son sens en province de Namur.Dès lors, vous vous inscrivez complètement dans la philosophie de Maggie De Block ?Cela dépend de ce que l'on entend par " philosophie de Maggie De Block ". Faire travailler des hôpitaux ensemble, cela fait 15 ans qu'on en parle. Donc à cet égard, je dirais " pas vraiment ". Par contre, elle est à l'origine du texte qui a été le déclencheur des opérations, plutôt sur base volontaire en Flandre depuis trois ans, et sur base " opportuniste " en Wallonie. Je pense qu'on va se retrouver tous sur cette base bientôt.Vous avez convaincu tout le monde... Apparemment il n'y a pas un seul acteur de poids dans le Namurois qui n'en fasse pas partie...Il y a six acteurs hospitaliers en province de Namur et six numéros d'agrément : Bouge (Clinique Saint-Luc), Dinant (CHU UCL Namur - Site de Dinant), Namur (CHR Sambre & Meuse, Foyer Saint-François et CHU UCL Namur - Site de Sainte-Elisabeth), Sambreville (CHR Sambre & Meuse), Yvoir (CHU UCL Namur - Site de Godinne) (NDLR : ce qui correspond en termes de polycliniques et centres médicaux, à Andenne, Auvelais, Ciney, Erpent, Gembloux, Givet, Namur et Perwez). C'est bien la totalité des hôpitaux généraux de la province de Namur qui est concernée. Ce qui présente l'avantage qu'il s'agit d'un vrai bassin de soins " à la flamande " avec 500.000 habitants. Ce qui correspond à 2.000 lits justifiés et on en propose à peu près 1.950. On a la taille. On a la géographie. La connaissance de notre territoire. La seule chose compliquée ce sont les différents statuts : associatifs et publics mélangés. Mais c'est un problème qu'on va retrouver un peu partout dans le pays.En fonction de la géographie, comment allez-vous faire les synergies entre les départements médicaux, les Smurs, le matériel hautement coûteux comme les Pet-Scans... Tout cela est déjà réglé ?On s'est rendu compte depuis dix ans que la seule manière de procéder, c'est de faire confiance aux médecins. Si vous voulez faire la meilleure offre pour les patients, le pouvoir organisateur doit simplement poser les bases, avoir les bons hôpitaux géographiquement autour de la table pour préparer le débat et tout le reste est une histoire de médecins. À eux de piloter le projet et vous construisez un réseau sur base du projet médical.Ça va faire plaisir à nos lecteurs...Il faut toutefois faire la différence entre les syndicats médicaux et les directions médicales. Les syndicats sont la parfaite incarnation de défense des individus. Mais le système n'a jamais autant changé pour les médecins que depuis quelques années. La meilleure manière de calmer les craintes, c'est de rassurer les médecins avec des faits probants et, je le répète, de laisser les directions médicales construire le modèle.Les médecins en effet sont souvent inquiets. J'entends qu'il n'y aucune inquiétude à avoir...Dr Richard Frognier, directeur médical de la Clinique Saint-Luc de Bouge : Globalement, le chantier est colossal. Il faut voir les choses en termes de collaboration au lieu que nous fonctionnions en concurrence. Cela va prendre 10-15 ans mais le modèle vaut la peine qu'on s'y atèle. Il y a des centralisations qui sont évidentes et des rationalisations en termes de coût.Pourriez-vous donner un exemple ?Sur la province de Namur, nous avons trois services de chirurgie cardiaque... C'est un bel exemple d'un domaine extrêmement technique et onéreux et avec des centres distants de 20 km et même deux distants de 3 km. La centralisation des pathologies complexes et oncologiques de l'oesophage et du pancréas sont à l'agenda. Il y a là des synergies pour rentrer dans les critères de l'Inami.Et en dépenses de matériel ?Globalement, on a des exemples : la radiothérapie lourde est fort répartie sur la province. Il y a la chirurgie par robot, les dialyses...Y a-t-il eu une espèce de grande assemblée générale des médecins pour leur annoncer ?C'est prématuré car les opérations proprement dites ont à peine commencé.Y aura-t-il une espèce de " super " direction médicale, un directeur aux affaires médicales ?Le concept restera à déterminer : soit un collège de directeurs médicaux, soit une direction médicale qui chapeaute le collège... Ce n'est pas précisé à ce stade.Tous les médecins ne sont pas payés de la même façon...Nous avons essentiellement des médecins salariés dans les hôpitaux universitaires et les autres sont indépendants. Cela ne va pas changer. Il y a des prérequis pour les statuts universitaires. Les médecins indépendants sont également payés différemment selon les hôpitaux : individuellement ou via un pool d'honoraires. Il y a toute une réorganisation à faire.Y a-t-il eu des réticences de certains ?Il n'y a pas à ce stade de résistances majeures.Tout le monde est convaincu de la valeur ajoutée... Est-ce qu'il y a un calendrier plus ou moins précis ?P. D'O. : Le calendrier est simple. Il faut être prêt pour les statuts aux environs du mois de novembre pour être accepté en tant que réseau par la Région wallonne. Au 1er janvier 2020, le réseau démarre. Il y aura deux sources de modifications : les projets obligatoires comme l'oesophage/pancréas, tête et cou. On va également nous en sortir régulièrement en fonction des priorités du Fédéral. Et de l'autre côté, du point de vue des hôpitaux, certains trouveront opportuns de travailler ensemble, d'autres trouveront trop lourd de s'associer.Le pouvoir d'attraction de ce réseau va-t-il au-delà de la province de Namur : des " Luxembourgeois " pourraient venir se faire soigner ?Oui, mais la logique à l'acte débouche sur une politique de volume. C'est un raisonnement de la logique précédente : faire du volume. Maintenant, on passe à la logique du forfait par pathologie qui consiste à bien soigner avec le forfait qu'on me donne. Dès lors, trouver des patients qui viennent de loin pour autant qu'ils soient plus intéressants pour votre forfait, c'est dépassé. La logique du réseau est liée au financement par pathologie. C'est cela qu'il faut retenir.