...

Bien que luttant à arme inégale - sa maîtrise du français est bonne mais ne rivalise pas avec la dialecticienne Laurette Onkelinx -, le président de l'Absym, Marc Moens, est celui qui a été le plus virulent face à la substitution obligatoire exigée des pharmaciens en matière d'antimycosiques et d'antibiotiques dans les traitements aigus. En substance, il martèle que cette substitution rompt la relation de confiance entre le médecin et son malade puisque le médecin ne sera pas mis au courant du médicament finalement délivré par le pharmacien. Il souligne que la mesure dépasse la logique économique et qu'elle serait idéologique. Marc Moens s'étonne également que le Dr Merckx, émanation du Parti des travailleurs belges, parle au nom de la médecine générale belge alors qu'elle travaille en maison médicale " qui ne soigne que 1,8% de la population ". Il rappelle que l'immense majorité des médecins de terrain sont contre la mesure qui démarre le 1er mai. " La mesure prend les patients en otage ".L'Absym avait, rappelle-t-il, proposé au 31/01, date prévue pour échapper à la mesure, des mesures alternatives qui n'ont pas été prises en question. Seuls les rares médecins qui prescrivent déjà en DCI ne seront pas lésés. " On va retrouver des patients aux urgences parce qu'ils ne savent pas qu'ils prennent des médicaments semblables. Le médecin [traitant] n'est pas au courant de ce que prend son malade. "Lors de l'altercation principale avec la ministre Onkelinx, Moens soulignera que le PS ne représente que 16% des Belges et qu'en tant que flamand, " il ne peut même pas voter pour elle ". Laissant entendre qu'elle ne serait pas totalement légitime à prendre ce type de mesures majoritairement rejetées.Pour lui, la liberté thérapeutique est mise à mal : le médecin prescrit un médicament et son patient reçoit - en fonction de critères purement logistiques propres aux pharmaciens - le médicament qui se trouve " là ce mois-ci ". Moens trouve curieux que Laurette Onkelinx lance le 1er mai, fête des travailleurs, une mesure " anti-sociale qui permet au patient riche de quand même recevoir le médicament de marque et cher ".Continuité des soins Olivier Remels, au nom des génériqueurs, craint pour la continuité des soins. Il n'y aura pas d'alternatives à tout moment à disposition des pharmaciens. Il y a risque aussi pour le patient de subir des changements à répétition de médicaments. Encore plus préoccupant : des ruptures de stock sont à prévoir. Certains produits n'ont qu'une semaine de stock pour alimenter le marché. En revanche, Remels nie qu'il puisse y avoir un problème de santé publique : les génériques sont soumis à des contrôles stricts et la pharmacovigilance n'a jamais détecté de problèmes majeurs.Qu'en pensent les pharmaciens ? Si l'honoraire de délivrance pèse aujourd'hui 80% du revenu du pharmacien dans la situation dont question, le pharmacien est inquiet quant au stock, assure Christian Elsen (APB). " Nous sommes inquiets car la porte est ouverte à une administration tatillonne qui nous oblige à détecter en permanence le produit le meilleur marché. La DCI en elle-même est sûrement une bonne chose. Mais nous regrettons qu'on ait pris cette mesure vis-à-vis des médecins en déléguant le choix du pharmacien uniquement sur le critère du prix. J'appelle à revoir la mesure. Sinon, je crains qu'elle fasse peur aux malades et détournent le médecin de la DCI en général. " Elsen regrette aussi le manque de concertation préalable à la mesure. La situation est trop changeante avec des mises au point tarifaires tous les mois et 250 produits qui entrent et sortent du cluster. Leo Neels (Pharma.be) craint que la Belgique devienne petit à petit une terre moins accueillante pour l'industrie de recherche. Les Pays-Bas ont, avec leur modèle à bas prix, perdu 2.700 emplois et leur dernière firme pharma de recherche a fermé récemment. Une enquête de Pharma.be sur 80 médicaments brevetés démontre que les prix pratiqués dans notre pays sont dans une bonne moyenne. " 42% du prix est réinvesti en R & D en Belgique.Mais Leo Neels s'interroge sur le revirement des autorités à propos de la substitution. La loi existe depuis 1992. " Avec Rudy Demotte, nous avions conclu un accord sur des quotas de bon marché à respecter par les médecins. Avant cela, nous avions accepté le remboursement de référence (NDLR : qui ne rembourse qu'à hauteur du médicament meilleur marché), alors pourquoi nous impose-t-on tout à coup la substitution ? " Neels craint qu'on généralise la mesure aujourd'hui réduite à deux classes de médicament et aux traitements aigus.Enfin, les plus fortes critiques émanent du Parti des travailleurs belges et sa représentante, le Dr Merckx. Elle considère que le système prévu ne va pas assez loin et soutient un système d'appel d'offre de type Kiwi. On fait un appel d'offre, la firme qui remporte le marché reste seule. Cela résout tous les problèmes de stock et de confusion entre médicaments. Quant à l'emploi perdu pour les industriels, l'argent épargné permet de financer des jobs durables, notamment dans les hôpitaux. Un système Kiwi que ni la ministre, ni l'APB, ni l'Absym, ni Febelgen, ni l'Inami ne défend : il détruit le potentiel de recherche de l'industrie belge (et wallonne), il attire des industriels opportunistes qui quittent le marché par la suite, laissant derrière lui un désert économique et il offre le marché à des producteurs qui n'ont bien souvent pas les reins pour inonder le marché.Le Pr Jean Nève - qui forme des pharmaciens à l'université - propose lui de limiter les alternatives bon marché pour ne pas déboussoler le pharmacien. Il rappelle les vertus de la concertation, condition sine qua non pour la réussite d'une politique - condition pas remplie dans ce cas d'espèce, regrette-t-il.La ministre, de son côté, a défendu cette décision, brandissant au passage un Procès-verbal de l'Inami démontrant que le banc médical a donné son accord sur la mesure. Elle taxe de " n'importe quoi " les arguments défendus par Marc Moens et rappelle que les patients chronique ne sont pas visés. Pour la ministre PS, tout le monde doit contribuer aux économies. La mesure ne concerne que 7% des prescriptions et le médecin peut brandir une objection thérapeutique. " La majorité des pays européens pratiquent la substitution. L'Autriche et la Belgique la pratiquent avec objection thérapeutique. Nous ne sommes pas une exception." Seuls les traitements aigus sont concernés, martèle-t-elle. Le gouvernement a également introduit récemment un honoraire de délivrance pour faire échapper le pharmacien au diktat de marges bénéficiaires. Ils sont donc payés pour veiller à délivrer l'exacte copie du médicament prescrit par le médecin. Il n'y a pas de danger pour le patient. Ri De Ridder insiste lui sur la démarche prudentielle de l'Inami : on ne change jamais une thérapie pour un malade chronique et pour certains classes de médicament, on demande au médecin de faire le choix lui-même. L'Agence du médicament (AFMPS) fait son travail scrupuleux de veille sanitaire. La mesure qui démarre le 1er mai est une exception, la règle reste la liberté thérapeutique totale et entière.