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Dr Nicolas Lefèvre : L'étude reflète assez bien les habitudes de prescription sur le terrain. On observe un traitement fréquent des bronchites spastiques par une médication anti asthmatique chez les enfants, chez qui le diagnostic d'asthme est plus difficile à établir, et une prescription moindre mais plus prolongée chez les enfants plus âgés qui souffrent probablement d'un asthme véritable.Le journal du Médecin : L'asthme est-il difficilement détecté chez les enfants de moins de 6 ans ?Chez les jeunes enfants, le diagnostic d'asthme est plus difficile parce que nous n'avons pas accès à certaines techniques comme l'épreuve fonctionnelle respiratoire, difficilement réalisable en dessous de six ans. Il est aussi plus complexe de le détecter du fait de la grande fréquence de viroses respiratoires chez ces patients qui peuvent être diagnostiquées comme des crises d'asthme. Le diagnostic doit se baser sur des faisceaux de critères anamnestiques et cliniques et pas seulement sur la toux et les sifflements.Les formes d'asthme sont-elles les mêmes chez les enfants et les adolescents ?Chez les jeunes enfants, pré-scolaires, nous trouvons une forme d'asthme plus communément appelée viro induite. Ce sont des enfants qui ont présenté pour la plupart une virose respiratoire avec un virus relativement agressif tel que le virus respiratoire syncytial ou Rhinovirus en début de vie, et qui développent par la suite des bronchites asthmatiformes lors des infections virales, sans autre facteur de risque asthmatique tel que l'allergie ou le tabagisme.Cette forme d'asthme ne répond pas toujours aux corticoïdes inhalés, qui est le traitement habituel de l'asthme pour les enfants mais elle a tendance à disparaître avant l'âge de six ans. Cette forme d'asthme est différente de l'asthme retrouvé chez les enfants en âge scolaire, plus souvent associée à une cause allergique.Quels sont les liens entre l'allergie et l'asthme ?Chez les enfants la plus grande cause d'asthme reste l'allergie. Ces patients présentent souvent d'autres manifestations allergiques comme la rhinite ou la conjonctivite ce qui explique finalement l'association avec la prescription de médicaments comme les antihistaminiques et les corticoïdes nasaux. Il est recommandé aux médecins de bien traiter la sphère ORL. Souvent, les patients asthmatiques allergiques ont une rhinite allergique qui n'est pas toujours diagnostiquée. Or il est important de traiter aussi bien le nez que les bronches car les deux pathologies sont liées. Nous constatons que ces patients sont également plus fréquemment traités par des antibiotiques. Une hypothèse serait que chez les jeunes enfants, certaines manifestations asthmatiques soient diagnostiquées comme des bronchites bactériennes alors que c'est en réalité très rare chez l'enfant. Certains enfants asthmatiques sont donc traités à tort par antibiotiques.Selon l'étude, les enfants et les adolescents qui prennent des médicaments contre l'asthme sont plus susceptibles de se retrouver aux urgences car les crises ne sont pas toujours contrôlables. Elle parle de 30,3 %, contre 19,4 % pour les enfants et les adolescents qui ne prennent pas de médicaments contre l'asthme. Toujours d'après l'étude, les maladies respiratoires, dont l'asthme, sont l'une des principales causes d'hospitalisation des jeunes enfants dans notre pays. Les enfants auxquels un médicament contre l'asthme a été prescrit sont deux fois plus susceptibles d'être hospitalisés.Ce que nous observons, c'est que contrairement à ce qui est recommandé, les patients asthmatiques n'ont pas toujours reçu un plan d'action écrit. Le pneumologue doit remettre un certain nombre de consignes indiquant quels médicaments prendre en cas de crise pour éviter le recours aux urgences. Dans les pays anglos-saxons où il y a moins d'hôpitaux au km2, les patients ont tendance à d'abord se traiter à domicile avant de se rendre à l'hôpital et s'ils se rendent aux urgences, c'est dans le cas d'une crise plus sévère. Alors qu'en Belgique, les patients se rendent plus rapidement aux urgences, même si la crise est peu sévère et attendent plus longtemps avant de recourir à une corticothérapie systémique, seul traitement efficace d'une crise sévère.Il est clair que lorsque les asthmatiques sévères qui ont l'habitude de se traiter par eux-même viennent aux urgences, ils ont un plus grand risque de devoir être hospitalisés, étant donné qu'ils ont une maladie chronique avec un risque plus élevé.Les garçons sont-ils plus atteints que les jeunes filles ?Il est clairement établi que l'asthme est plus fréquent et plus sévère chez les jeunes garçons mais encore plus sévère chez les adolescentes et les femmes. Deux hypothèses ont été avancées, la première repose sur la taille des voies aériennes, plus petites chez les garçons relativement à leur volume pulmonaire et la deuxième est d'origine hormonale. En effet, les stéroïdes sexuels qui augmentent la puberté influencent la réponse inflammatoire et donc le pronostic de l'asthme. Donc, les petits garçons sont atteints d'asthme plus sévère que les petites filles et par contre la situation s'inverse avec l'adolescence. Nous avons observé que les adolescentes présentent des asthmes plus sévères associés à une plus grande consommation de médicamentsLe reflet de la prescription médicale est-il rassurant ?Cette étude a le mérite d'utiliser les données de prescription. Or on constate souvent une différence entre les médicaments prescrits en pratique et les recommandations de la littérature. Et dans ce cas, avoir un reflet de la prescription des médecins est toujours intéressant car cela permet de voir si les recommandations de la littérature sont bien respectées, même si tous les médicaments prescrits ne sont pas toujours consommés. Toutefois, les résultats correspondent assez bien aux recommandations. Il s'agit donc d'un constat rassurant en ce qui concerne les pratiques médicales pour les affiliés des Mutualités libres en Belgique.