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Samedi, le Soir publiait une enquête révélant les mauvaises conditions de formation des assistants. Lors de la remise du Prix du Spécialiste de l'année, fin novembre, le Dr Mansvelt attirait déjà l'attention de la ministre De Block et des participants au colloque sur l'évolution de la formation des chirurgiens." En chirurgie, plus encore probablement que dans d'autres domaines, il y a une véritable difficulté à prédire l'avenir ", explique Baudouin Mansvelt. " De nouvelles pathologies et technologies peuvent apparaître. Il y a quelques années, la chirurgie bariatrique est arrivée. Elle était totalement inconnue avant. De nouvelles techniques chirurgicales peuvent très rapidement s'implémenter. Dans les années 80, la coelioscopie s'est répandue en quelques années. L'arrivée des robots chirurgicaux a également changé beaucoup de choses. Les médecins plus âgés ont été formés pour soigner certaines pathologies. Moi, j'ai été formé, à la vagotomie superselective. Les jeunes médecins ne savent plus ce que c'est parce que la pathologie visée a presque totalement disparu et est prise en charge par les gastro-entérologues. "Les médecins en formation doivent s'adapter à l'évolution rapide de la chirurgie. " Ils doivent garder une connaissance technique très diversifiée parce qu'ils ignorent comment la chirurgie va évoluer. La formation continue doit dès lors être un aspect fondamental. "Le président de l'AMSFr regrette que l'on ne tienne pas assez compte de l'aspect humain. " Cela vaut tant lors de la formation que lorsqu'on est déjà chirurgien. Il faut également respecter la réglementation sur le temps de travail, avec la nécessité pour l'assistant en chirurgie de prendre l'opting-out (un avenant qui permet de travailler 12 heures supplémentaires au-delà des 48 heures légales, NDLR) parce qu'il risque dans le cas contraire, de devoir faire deux années supplémentaires pour pouvoir tout faire. Pour rappel, un assistant en chirurgie doit réaliser 750 interventions durant sa formation. "Selon le Baudouin Mansvelt, les chirurgiens font partie des trois spécialités médicales qui sont le plus exposées au burn-out. " Ce risque de burn-out a parfois des conséquences très violentes. Lorsque des chirurgiens sont dépassés, ils ont les moyens d'agir contre eux... mêmes. Il faudra prendre en compte à l'avenir le burn-out des chirurgiens en formation et celui de ceux qui sont en exercice. " D'autant plus que l'activité de garde des chirurgiens ne peut pas être dissociée de leur activité de base. " Le chirurgien doit pouvoir continuer à s'épanouir dans son travail. La diversité de son travail est probablement un des moyens pour y parvenir. "Le Dr Mansvelt estime que la constitution des réseaux loco-régionaux au 1er janvier 2020 va avoir un impact sur la formation des jeunes médecins. " La chirurgie cardiaque ou certaines chirurgies complexes ne seront pas présentes dans tous les hôpitaux généraux. Il y aura des centres de référence. Les assistants vont devoir se déplacer d'un site à l'autre pour pouvoir avoir une formation complète. Ils n'auront pas toujours l'encadrement suffisant. Les assistants seront également obligés de changer de réseau pour pouvoir compléter leur formation. "Les soins à faible variabilité, en vigueur depuis le 1er janvier 2019, concernent de nombreuses interventions chirurgicales. " Les assistants en chirurgie vont devoir trouver leur place dans ce nouveau système. "La centralisation des interventions relatives à l'oesophage et au pancréas au 1er juillet 2019 inquiète également le vice-président du GBS. " Ces interventions devront être réalisées dans quelques centres : cinq pour la chirurgie oesopagienne et six pour la chirurgie pancréatique. Il faudra des réunions multidisciplinaires impliquant la présence simultanée d'un certain nombre de spécialistes. Des critères généraux relativement stricts devront être appliqués, requérant la présence de spécialistes des domaines concernés, dont des spécialistes en radiologie interventionnelle. Notre association souhaite qu'il y ait un encadrement optimal des patients pris en charge dans les institutions. "Et de rappeler que les instances professionnelles combattent les critères de nombre qui ont été retenus par les autorités pour centraliser les interventions. " Est-il nécessaire de fixer des seuils d'activité pour diminuer le risque d'accident? Généralement, pour répondre à cette question on se réfère à des statistiques. Mais les statistiques ne tiennent pas toujours compte de la réalité de terrain, du casemix du patient et des conditions dans lesquelles les interventions ont été réalisées. "Le Dr Baudouin Mansvelt craint une perte de l'expertise des chirurgiens à partir du moment où leur formation va être amputée de certaines branches. " Lors des attentats commis à Bruxelles, on s'est rendu compte que les médecins devaient garder une expertise très élevée au niveau des traumatismes, des accidents... "Si on interdit aux chirurgiens d'exercer dans tel ou tel domaine, l'aspect scientifique risque également de s'estomper. " Avec le risque, lorsqu'on est moins intéressé par l'aspect scientifique, de l'être plus sur le plan économique. Ce qui ouvre la porte à une médecine à deux vitesses. Les autorités veulent éviter cette dérive mais en centralisant les opérations elles l'accentuent. "En raison de la centralisation, tous les assistants ne seront pas exposés à certaines pathologies. " On peut même se demander pourquoi ils devraient y être exposés puisqu'ils ne pourraient pas pratiquer dans cette discipline. La conséquence indirecte est que lorsque des patients qui sortiront de ces centres spécialisés auront une difficulté grave, ils vont se référer dans les centres de proximité où ils seront pris en charge par des professionnels qui auront une sous-compétence. "Le Collegium chirurgicum, créé en 2009, se concentre entre autres sur la problématique de la formation des assistants. Son objectif est de conserver un tronc commun de formation et de développer, à côté, un tronc spécialisé pour acquérir des sur-spécialités (viscérales, cardiovasculaires, thoraciques...). En outre, des certificats et des formations de niveau trois pourraient être délivrées, par exemple pour la chirurgie néonatale ou la chirurgie traumatologique en fonctions des critères légaux fixés pour les centres d'expertise. " Nous devons garder l'objectif d'offrir une formation diversifiée aux assistants ", résume le Dr Mansvelt. " Il faut réaliser une réforme de la formation de la chirurgie. Le Collegium s'y attelle. Les réformes proposées par les autorités de santé doivent tenir compte du fait que ces mesures risquent de modifier les compétences des médecins. Il faut également veiller au plaisir du chirurgien, qui doit se sentir bien dans l'exercice de sa profession. Un chirurgien ne peut pas opérer si dans sa tête il ne se sent pas bien. C'est valable pour toutes les professions, mais, en raison de la concentration qu'il faut avoir pour opérer, c'est essentiel. "Vincent Claes