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Le Fonds spécial de solidarité (FSS), pour ceux qui l'ignoreraient, propose une couverture complémentaire à l'assurance maladie obligatoire pour les patients atteints d'affections très graves qui nécessitent des médicaments plus coûteux. Il était doté (assez modestement eu égard à certains traitements orphelins ou innovants) de 4,4 millions d'euros en 2018 tandis que 10,3 millions sont prévus dans le cadre des " besoins médicaux non rencontrés " (et bientôt 20 millions). Les deux dotations (qui ne sont pas forcément entièrement dépensées) sont fixées par le Conseil général de l'Inami tandis que le Collège des médecins directeurs (émanant des organismes assureurs et de l'Inami) décide de l'octroi des interventions et de leur montant.Le rapport 2016-2018 du FSS vient de sortir de presse. Il contient, de l'aveu même de ses rédacteurs, "encore quelques erreurs" mais bon an mal an, il offre quelques tendances intéressantes.La différence entre la dotation (4,4 millions) et les dépenses en 2018 (2,78 millions) n'est pas en soi problématique car le FSS fait office de bouée de sauvetage pour des situations imprévues. Cela démontrerait également la "sagesse" du Collège des médecins-directeurs. Les dépenses sont relativement stables si l'on compare 2016 et 2018. Aucune prestation dispensée à l'étranger n'a été remboursée.Les dépenses pour les enfants malades chroniques sont en hausse : 296.000 euros (2016), 228.493 euros (2017) et 621.040 euros (2018).La majeure partie des dépenses 2016-2018 concerne des médicaments (près de deux millions d'euros en 2018 pour une moyenne per capita pour les 537 patients concernés de 3.626 euros). Le nombre de bénéficiaires augmente d'année en année. Après ce poste, vient, loin derrière, celui des pansements et pommades (254.332 euros en 2018, 14.000 euros par patient, 18 patients) et les prothèses/orthèses (118.583 euros, 4.000 par patient, 28 patients).Au total, en 2018, 1.171 décisions ont été prises qui ont concerné 627 patients pour un montant total de dépenses de 2,52 millions. Les dépenses pour les nouvelles techniques ne représentent que 1% des dépenses. 63% des dépenses totales concernent dix médicaments ou préparations magistrales, ce qui correspond à 76% des dépenses totales de médicaments1.Mais les dix médicaments les plus demandés ne correspondent pas forcément au top dix des dépenses pour médicaments2.Parmi les difficultés rencontrées, en voici une : jusqu'en octobre 2018, l'acide chénodésoxycolique (CDCA) était une préparation magistrale concoctée par deux hôpitaux seulement (UZ Leuven et Anvers) pour les patients souffrant de xanthomatose cérébrotendineuse. L'Agence du médicament (AFMPS) a ensuite décidé de retirer tous les médicaments préparés sur base de cette substance pour certains lots contenant des impuretés. La seule alternative pour les patients a été d'importer des Pays-Bas le Leadiant dont le coût s'élève à 14.000 euros par boîte de 100 gélules. Il a finalement été décidé de prendre en charge via le FSS l'essentiel des dépenses, chaque patient payant tout de même de sa poche 1.250 euros par an. Par patient, le coût total est de 50.000 à 150.000 euros selon les besoins. Le FSS pourrait rembourser la préparation magistrale si la matière première était disponible.Le Collège des médecins-directeurs rencontre toutefois d'autres problèmes : les médicaments off-label n'offrent pas toujours de preuves scientifiques suffisantes. À partir de quand peut-on donner son accord en fonction de l'efficacité relative ?D'autres médicaments sont disponibles aux USA mais pas dans l'UE ou dans l'UE mais pas en Belgique. Le Collège doit alors jongler avec des différences de prix "énormes" (entre prix grossistes, pharmaciens, ex-usine) et le coût à charge du patient. D'autres médicaments, dont le prix n'a pas encore été discuté, risquent d'entraîner des coûts incontrôlables pour le FSS qui n'est pas si généreusement doté que cela. Ces médicaments entrent complètement dans les critères du FSS mais n'ont pas forcément reçu d'autorisation de mise sur le marché ou même d'enregistrement à l'Agence européenne du médicament (EMA) et, a fortiori, pour lesquels la CRM (Commission du remboursement) n'a pas pris attitude.Certaines firmes, par ailleurs, n'ont déposé aucune demande de remboursement. Et si le traitement est néanmoins utile pour certains patients rares, ce n'est pas la tâche du FSS d'être à la manoeuvre. En outre, le FSS joue parfois le rôle de lanceur d'alerte pour la CRM en indiquant que tel médicament doit être remboursé par la voie classique de l'Assurance obligatoire. Mais il ne souhaite pas interférer dans les décisions " souveraines " de la CRM et doit donc éviter de prendre des décisions de remboursement "intempestives" qui influenceraient le niveau des prix négociés par la CRM... Le Collège doit aussi être prudent quant aux fameux articles 81 qui concernent les négociations " secrètes " firmes/Groupe de travail du Comité de l'assurance...On le voit : ce n'est pas toujours drôle de siéger au Collège des médecins directeurs.