Être en bonne santé, mais laquelle ? Celle d'un grand-père ignorant l'existence du médecin, nourri au beurre et au lambic, et dont l'activité physique quotidienne comprenait le jardinage, l'entretien de la clôture du poulailler, la marche pour surveiller les terres ou rentrer les vaches. Mort soudainement devant sa télévision, sans qu'on en connaisse la cause. Les accidents de santé relevaient d'une hérédité acceptée (chez nous on meurt comme un chêne), et parfois d'un peu de malchance ne donnant lieu ni à la culpabilisation ni à une dramatisation extrême.

Autre époque, autre vision, une génération prévention/dépistage assimile depuis de longues années la santé à un choix de vie associant une alimentation riche en légumes et en protéines, pauvre en sucre, en graisses et en aliments transformés, des sports réguliers, un programme équilibré, pas d'alcool, pas de tabac, pas de stress et une bonne nuit de sommeil. La santé n'est plus seulement le contraire de la maladie - ne pas ressentir de symptômes invalidants, ne souffrir d'aucune douleur, être capable d'assumer ses tâches quotidiennes - mais inclut la notion de bien-être. Une discipline quotidienne qui autorise de longues années de tranquillité relative. Autorise, ou autorisait ?

La récente pandémie de Covid-19, qui a fait la part belle aux patients infectés asymptomatiques, remettra-t-elle ce scénario en cause. Ainsi donc, on pourrait à la fois se considérer en bonne santé et être malade. L'irruption simultanée d'une médecine prédictive par la connaissance fine du génome humain et de techniques de surveillance utilisant des capteurs mobiles surveillant nos paramètres en permanence, optimisant nos facteurs de risque, ne vont-elles pas modifier en profondeur la perception de ce que signifie être en bonne santé ?

On en souriait, mais l'utilisation en Chine d'applications signalant le statut Covid-19 d'un patient, sésame obligé autorisant l'entrée au bureau ou dans un commerce, la prise d'un avion, ou la fréquentation d'une réunion n'est plus de la science-fiction. Une utilisation accrue des possibilités de dépistage génétique précoce permet déjà de diagnostiquer à l'heure actuelle plus de 6.000 affections génétiques orphelines, parmi lesquelles certaines ne se manifesteront qu'après de longues années, parfois sans traitement. La pose de minuscules capteurs biométriques collectant en permanence nos données médicales pourra sans aucun doute un jour détecter le début d'une grippe, d'un cancer, de troubles du sommeil ou de la vigilance bien avant que nous nous sentions malades.

Le paradoxe sera-t-il que pareil système de santé technologiquement superbe où les capteurs, les données et l'intelligence artificielle assureront la santé des personnes de manière invisible et transparente, débouche sur une médecine où tout le monde... sera malade tout le temps, ou en passe de le devenir. Le diagnostic et la prise en charge précoces d'affections diverses bien avant qu'elles ne se révèlent, nous épargnant douleurs ou incapacités, demeure bien sûr le but à atteindre. Il y a à cela un prix à payer : celui de patients ne souffrant plus d'aucune maladie à part entière, mais assaillis en permanence de diverses " conditions médicales " avec autant de recommandations algorithmiques. Il n'y aura pas de maladie, et il n'y aura plus de santé, la distinction entre ces deux états étant devenue définitivement poreuse. La meilleure des médecines, pour quelle sérénité ?

Être en bonne santé, mais laquelle ? Celle d'un grand-père ignorant l'existence du médecin, nourri au beurre et au lambic, et dont l'activité physique quotidienne comprenait le jardinage, l'entretien de la clôture du poulailler, la marche pour surveiller les terres ou rentrer les vaches. Mort soudainement devant sa télévision, sans qu'on en connaisse la cause. Les accidents de santé relevaient d'une hérédité acceptée (chez nous on meurt comme un chêne), et parfois d'un peu de malchance ne donnant lieu ni à la culpabilisation ni à une dramatisation extrême.Autre époque, autre vision, une génération prévention/dépistage assimile depuis de longues années la santé à un choix de vie associant une alimentation riche en légumes et en protéines, pauvre en sucre, en graisses et en aliments transformés, des sports réguliers, un programme équilibré, pas d'alcool, pas de tabac, pas de stress et une bonne nuit de sommeil. La santé n'est plus seulement le contraire de la maladie - ne pas ressentir de symptômes invalidants, ne souffrir d'aucune douleur, être capable d'assumer ses tâches quotidiennes - mais inclut la notion de bien-être. Une discipline quotidienne qui autorise de longues années de tranquillité relative. Autorise, ou autorisait ?La récente pandémie de Covid-19, qui a fait la part belle aux patients infectés asymptomatiques, remettra-t-elle ce scénario en cause. Ainsi donc, on pourrait à la fois se considérer en bonne santé et être malade. L'irruption simultanée d'une médecine prédictive par la connaissance fine du génome humain et de techniques de surveillance utilisant des capteurs mobiles surveillant nos paramètres en permanence, optimisant nos facteurs de risque, ne vont-elles pas modifier en profondeur la perception de ce que signifie être en bonne santé ? On en souriait, mais l'utilisation en Chine d'applications signalant le statut Covid-19 d'un patient, sésame obligé autorisant l'entrée au bureau ou dans un commerce, la prise d'un avion, ou la fréquentation d'une réunion n'est plus de la science-fiction. Une utilisation accrue des possibilités de dépistage génétique précoce permet déjà de diagnostiquer à l'heure actuelle plus de 6.000 affections génétiques orphelines, parmi lesquelles certaines ne se manifesteront qu'après de longues années, parfois sans traitement. La pose de minuscules capteurs biométriques collectant en permanence nos données médicales pourra sans aucun doute un jour détecter le début d'une grippe, d'un cancer, de troubles du sommeil ou de la vigilance bien avant que nous nous sentions malades.Le paradoxe sera-t-il que pareil système de santé technologiquement superbe où les capteurs, les données et l'intelligence artificielle assureront la santé des personnes de manière invisible et transparente, débouche sur une médecine où tout le monde... sera malade tout le temps, ou en passe de le devenir. Le diagnostic et la prise en charge précoces d'affections diverses bien avant qu'elles ne se révèlent, nous épargnant douleurs ou incapacités, demeure bien sûr le but à atteindre. Il y a à cela un prix à payer : celui de patients ne souffrant plus d'aucune maladie à part entière, mais assaillis en permanence de diverses " conditions médicales " avec autant de recommandations algorithmiques. Il n'y aura pas de maladie, et il n'y aura plus de santé, la distinction entre ces deux états étant devenue définitivement poreuse. La meilleure des médecines, pour quelle sérénité ?