Le 1er juillet 2022 entrera en vigueur la loi sur la qualité des soins de santé. De nouvelles obligations s'ajouteront sur la todolist des médecins, tenus à caractériser le patient. Il s'agira de relever toutes les données pertinentes le concernant afin de relever son profil, son état de santé, ses antécédents, sa charge familiale, son anamnèse, l'existence de liens de comorbidité, etc.
Il appartiendra au professionnel de soins de lister les éléments à inscrire dans le dossier médical. Pris au jeu, on se risque à expérimenter une approche non-conventionnelle de cette caractérisation, fondée sur la description du grand paysage que représente la chambre de chacun de nos patients
Le récit d'une chambre
Tout d'abord, la signature olfactive : la tanière d'un ours n'a pas la même odeur que celle d'un blaireau, chaque chambre désigne son occupant mieux qu'aucune empreinte digitale. Eau de toilette, marque de savon, effluves de tabac, hygiène corporelle, aération, autant de marqueurs qui vous caractérisent un individu mieux qu'aucune biométrie.
La modestie de bien des chambres de maisons de repos permet d'en saisir l'entièreté d'entrée de jeu, et on reste surpris de l'ingéniosité avec laquelle son propriétaire a pu rassembler l'acquis d'une existence en quelques photos, bibelots, instruments familiers emportés d'habitations infiniment plus spacieuses. Autour du téléphone, quelques clichés familiers correspondant aux parents, enfants, amis à contacter, dont on mesure sans peine l'absence ou l'abondance. Un petit ours blanc avec un bonnet de Noël et une carte de voeux écornée rappellent un bon moment. Au mur, les panneaux mieux structurés de la hiérarchie familiale, avec un coeur surmonté d'un LOVE. Des jeunes, des vieux, peu de souvenirs de mariages ou de communions, ces choses-là n'ont plus de place quand on se place. Un réveil, le dernier exemplaire du Babbelblad de la maison de repos, un petit sapin de Noël, un minuscule clown triste, la radio et son enregistreur à cassettes témoin de la musique qu'on aimait. Un carnet d'adresses et son bic, des gouttes pour le nez, un mug avec sa photo et le vestige d'un sachet de thé, une paire de lunettes à verres teintés pour protéger de la forte luminosité. Et la télévision, branchée sur le monde.
La vie d'une chambre
Une chambre vit, et son paysage fluctuera avec l'état de santé de son propriétaire. L'ordre initial peut se défaire progressivement, le renouvellement des photos et souvenirs festifs se figer ou être renouvelé régulièrement. La qualité de la gâterie offerte au médecin lors de sa visite se dégrade parfois de saison en saison révélant l'évolution des capacités cognitives du patient mieux que n'importe quelle échelle MMSE. Sa luminosité témoigne de la vitalité de son occupant, et il n'est jamais bon signe de devoir soi-même ouvrir les tentures à midi quand on vient l'examiner, ou de devoir le sortir du lit. Le grand paysage d'une chambre raconte le quotidien des patients et leur évolution comme peu d'investigations médicales le feraient, les caractérisant mieux que tout, mais comment note-t-on ces choses indispensables au dossier ?
Il appartiendra au professionnel de soins de lister les éléments à inscrire dans le dossier médical. Pris au jeu, on se risque à expérimenter une approche non-conventionnelle de cette caractérisation, fondée sur la description du grand paysage que représente la chambre de chacun de nos patientsTout d'abord, la signature olfactive : la tanière d'un ours n'a pas la même odeur que celle d'un blaireau, chaque chambre désigne son occupant mieux qu'aucune empreinte digitale. Eau de toilette, marque de savon, effluves de tabac, hygiène corporelle, aération, autant de marqueurs qui vous caractérisent un individu mieux qu'aucune biométrie.La modestie de bien des chambres de maisons de repos permet d'en saisir l'entièreté d'entrée de jeu, et on reste surpris de l'ingéniosité avec laquelle son propriétaire a pu rassembler l'acquis d'une existence en quelques photos, bibelots, instruments familiers emportés d'habitations infiniment plus spacieuses. Autour du téléphone, quelques clichés familiers correspondant aux parents, enfants, amis à contacter, dont on mesure sans peine l'absence ou l'abondance. Un petit ours blanc avec un bonnet de Noël et une carte de voeux écornée rappellent un bon moment. Au mur, les panneaux mieux structurés de la hiérarchie familiale, avec un coeur surmonté d'un LOVE. Des jeunes, des vieux, peu de souvenirs de mariages ou de communions, ces choses-là n'ont plus de place quand on se place. Un réveil, le dernier exemplaire du Babbelblad de la maison de repos, un petit sapin de Noël, un minuscule clown triste, la radio et son enregistreur à cassettes témoin de la musique qu'on aimait. Un carnet d'adresses et son bic, des gouttes pour le nez, un mug avec sa photo et le vestige d'un sachet de thé, une paire de lunettes à verres teintés pour protéger de la forte luminosité. Et la télévision, branchée sur le monde.Une chambre vit, et son paysage fluctuera avec l'état de santé de son propriétaire. L'ordre initial peut se défaire progressivement, le renouvellement des photos et souvenirs festifs se figer ou être renouvelé régulièrement. La qualité de la gâterie offerte au médecin lors de sa visite se dégrade parfois de saison en saison révélant l'évolution des capacités cognitives du patient mieux que n'importe quelle échelle MMSE. Sa luminosité témoigne de la vitalité de son occupant, et il n'est jamais bon signe de devoir soi-même ouvrir les tentures à midi quand on vient l'examiner, ou de devoir le sortir du lit. Le grand paysage d'une chambre raconte le quotidien des patients et leur évolution comme peu d'investigations médicales le feraient, les caractérisant mieux que tout, mais comment note-t-on ces choses indispensables au dossier ?