Heureux qui comme Ulysse

Hasard des rangements, je retrouve une carte postale illustrée du Yucatan envoyée par un patient en décembre 2019. Il y témoignait sa gratitude pour l'avoir aidé à réaliser un voyage considéré comme inimaginable, au terme de sévères ennuis de santé. Ma conviction l'avait emporté sur ses craintes, à quoi bon guérir si ce n'est pour vivre ? Il se portait actuellement fort bien et alignait avec émotion les mots pour l'exprimer. Témoignage ordinaire, rayon de soleil dans la journée du généraliste : pour ce cas momentanément résolu, combien d'autres en attente d'une guérison à peine ébauchée ?

La touche Pause

Je range la carte, vestige d'un temps à la fois si proche et si éloigné. Nous étions les architectes du possible, soucieux d'apporter à la fois guérison et sens, de "re-susciter" des projets, des désirs de voyages lointains, de fêtes familiales anniversaires, d'événements de proximité qui brassent les âmes et les corps. Tout cela semble devenu bien compliqué au terme d'une année étrange durant laquelle le quotidien a été asphyxié par le Covid-19. Les consultations de première ligne ont été délaissées au bénéfice des prescriptions téléphoniques, les consultations spécialisées et les investigations techniques sont évitées par peur de la contagion, quand ce n'est pas par indisponibilité des prestataires ou des locaux. Donner du sens, tracer des perspectives est devenu tout aussi problématique lorsqu'au convalescent âgé et apeuré on recommande comme seule revalidation une stricte distanciation sociale, les gestes barrière, un isolement des proches et l'abandon de tout projet de voyage ou de fête. Vous étiez malade ? Vous voilà guéri, mais désormais nous sommes tous malades.

Un jour viendra où la vie reprendra son cours, mais quand les années en fin de vie se font rares, les remplir par de seules lectures et reportages documentaires n'est guère propice à la reconstruction. Peut-être est-ce dans ces moments-là que nous est demandé un effort d'imagination tout particulier pour rendre un sens à ces existences qui s'enlisent.

Hasard des rangements, je retrouve une carte postale illustrée du Yucatan envoyée par un patient en décembre 2019. Il y témoignait sa gratitude pour l'avoir aidé à réaliser un voyage considéré comme inimaginable, au terme de sévères ennuis de santé. Ma conviction l'avait emporté sur ses craintes, à quoi bon guérir si ce n'est pour vivre ? Il se portait actuellement fort bien et alignait avec émotion les mots pour l'exprimer. Témoignage ordinaire, rayon de soleil dans la journée du généraliste : pour ce cas momentanément résolu, combien d'autres en attente d'une guérison à peine ébauchée ? Je range la carte, vestige d'un temps à la fois si proche et si éloigné. Nous étions les architectes du possible, soucieux d'apporter à la fois guérison et sens, de "re-susciter" des projets, des désirs de voyages lointains, de fêtes familiales anniversaires, d'événements de proximité qui brassent les âmes et les corps. Tout cela semble devenu bien compliqué au terme d'une année étrange durant laquelle le quotidien a été asphyxié par le Covid-19. Les consultations de première ligne ont été délaissées au bénéfice des prescriptions téléphoniques, les consultations spécialisées et les investigations techniques sont évitées par peur de la contagion, quand ce n'est pas par indisponibilité des prestataires ou des locaux. Donner du sens, tracer des perspectives est devenu tout aussi problématique lorsqu'au convalescent âgé et apeuré on recommande comme seule revalidation une stricte distanciation sociale, les gestes barrière, un isolement des proches et l'abandon de tout projet de voyage ou de fête. Vous étiez malade ? Vous voilà guéri, mais désormais nous sommes tous malades.Un jour viendra où la vie reprendra son cours, mais quand les années en fin de vie se font rares, les remplir par de seules lectures et reportages documentaires n'est guère propice à la reconstruction. Peut-être est-ce dans ces moments-là que nous est demandé un effort d'imagination tout particulier pour rendre un sens à ces existences qui s'enlisent.