C'est comme une rumeur sourde et lointaine qui monte, avec des bruits de grelots et de glissement d'un traîneau sur la neige, " quand tu descendras du ciel / avec des jouets par milliers ", aux abris le petit Papa Noël est de retour.
Un lobbying pétri de bons sentiments
Tu m'étais plutôt sympa père Noël, avec ton regard patelin, ta barbe de neige, ton costume Ikea trop grand pour toi et surtout ta hotte pleine à ras bord de jouets et de chocolats. Mais cette année, tu vois, je flaire le mauvais coup. Je t'ai vu roder hier soir, rasant les murs le long des écoles, près des sorties de mon shopping center, et même rue de la Loi qu'allais-tu y faire à cette heure ? Tu portes la rumeur et l'entretiens en même temps : il faut sauver Noël ! OK pour confiner à la Toussaint, le 11 Novembre ou même à la sainte Barbe, mais pas lors de ta fête. Les familles ont le droit de souffler un peu, bisous, genoux, tous serrés pour le selfie et grand-mamy au milieu, sapin rutilant, chapon succulent, cadeaux et anges dans nos campagnes. On en pleure d'émotion, espérant que nos experts et dirigeants se montrent à la hauteur et libèrent les fêtes, juste un peu pour voir et pour être gentils.
Ne m'en veux pas, père Noël, mais cette année Timeo Danaos et dona ferentes[1], ce n'est pas de cadeaux, ni de voeux sous le gui, ni de consignes infantilisantes dont nous avons besoin. Marre du Stop & Go qui réunirait les familles à Noël pour les reconfiner à l'épiphanie. T'étonnerai-je, mais en décembre je préfère ne pas te voir, arrête de considérer les adultes comme des enfants, et les enfants comme des victimes si cette année ta hotte est vide. Les vraies victimes n'attendent plus ton passage. Quand donc les familles réaliseront-elles qu'il n'importe pas d'attendre l'autorisation ou l'interdiction d'une bulle de deux, de quatre ou de douze mais de prendre son sort en main de manière responsable ? C'est d'eux qu'il s'agit et pas de toi.
Fêter Noël, mais lequel ?
Pour moi, les plus belles fêtes de fin d'année seraient celles qui verraient rentrer chez eux, guéris, ces patients que je dus hospitaliser la semaine dernière et dont la moitié se trouvent encore aux soins intensifs. Qui autoriseraient les soignants épuisés des unités Covid à passer quelques jours chez eux, à dormir, dormir, dormir. Qui verraient les urgences de nos hôpitaux permettre aux médecins et aux infirmier-e-s de sabler le champagne à minuit sans être confrontés au chaos de patients en surnombre. Qui feraient une place au chagrin de ces familles ayant perdu un parent à cause de ce virus maudit. Qui lèveraient la pression dans nos cabinets de première ligne, et notre angoisse permanente de nous faire infecter lors d'un frottis ou d'un examen clinique. Qui nous permettraient surtout de discerner un avenir sur la ligne d'horizon, et pas un simple casse-vitesse.
Alors tu vois, père Noël, si ces conditions se trouvent réunies, sans aucun doute l'an prochain nous serons à nouveau des potes.
[1] " Je crains les Grecs et les donneurs de cadeaux ", Virgile, Enéide, II-49, faisant référence au cheval de Troie
Tu m'étais plutôt sympa père Noël, avec ton regard patelin, ta barbe de neige, ton costume Ikea trop grand pour toi et surtout ta hotte pleine à ras bord de jouets et de chocolats. Mais cette année, tu vois, je flaire le mauvais coup. Je t'ai vu roder hier soir, rasant les murs le long des écoles, près des sorties de mon shopping center, et même rue de la Loi qu'allais-tu y faire à cette heure ? Tu portes la rumeur et l'entretiens en même temps : il faut sauver Noël ! OK pour confiner à la Toussaint, le 11 Novembre ou même à la sainte Barbe, mais pas lors de ta fête. Les familles ont le droit de souffler un peu, bisous, genoux, tous serrés pour le selfie et grand-mamy au milieu, sapin rutilant, chapon succulent, cadeaux et anges dans nos campagnes. On en pleure d'émotion, espérant que nos experts et dirigeants se montrent à la hauteur et libèrent les fêtes, juste un peu pour voir et pour être gentils.Ne m'en veux pas, père Noël, mais cette année Timeo Danaos et dona ferentes[1], ce n'est pas de cadeaux, ni de voeux sous le gui, ni de consignes infantilisantes dont nous avons besoin. Marre du Stop & Go qui réunirait les familles à Noël pour les reconfiner à l'épiphanie. T'étonnerai-je, mais en décembre je préfère ne pas te voir, arrête de considérer les adultes comme des enfants, et les enfants comme des victimes si cette année ta hotte est vide. Les vraies victimes n'attendent plus ton passage. Quand donc les familles réaliseront-elles qu'il n'importe pas d'attendre l'autorisation ou l'interdiction d'une bulle de deux, de quatre ou de douze mais de prendre son sort en main de manière responsable ? C'est d'eux qu'il s'agit et pas de toi.Pour moi, les plus belles fêtes de fin d'année seraient celles qui verraient rentrer chez eux, guéris, ces patients que je dus hospitaliser la semaine dernière et dont la moitié se trouvent encore aux soins intensifs. Qui autoriseraient les soignants épuisés des unités Covid à passer quelques jours chez eux, à dormir, dormir, dormir. Qui verraient les urgences de nos hôpitaux permettre aux médecins et aux infirmier-e-s de sabler le champagne à minuit sans être confrontés au chaos de patients en surnombre. Qui feraient une place au chagrin de ces familles ayant perdu un parent à cause de ce virus maudit. Qui lèveraient la pression dans nos cabinets de première ligne, et notre angoisse permanente de nous faire infecter lors d'un frottis ou d'un examen clinique. Qui nous permettraient surtout de discerner un avenir sur la ligne d'horizon, et pas un simple casse-vitesse.Alors tu vois, père Noël, si ces conditions se trouvent réunies, sans aucun doute l'an prochain nous serons à nouveau des potes.[1] " Je crains les Grecs et les donneurs de cadeaux ", Virgile, Enéide, II-49, faisant référence au cheval de Troie