Je découvris un vendredi soir en fin de consultation un superbe bouquet de fleurs anonyme devant la porte de mon cabinet. Tous mes efforts pour en découvrir le donateur furent vains et je me résolus à considérer que chaque patient(e) croisé(e) par la suite pouvait l'être. Les scrutant avec bienveillance lorsqu'ils franchissaient la porte, se posa ainsi durant de longues semaines la même question : serait-ce lui ?

Plainte anonyme, en toute sécurité

Ce bouquet sans nom m'est revenu à la mémoire en découvrant ce samedi le court reportage du journal télévisé de la RTBF relatant la hausse significative des dénonciations anonymes contre le corps médical pour défaut de précaution et non-respect des règles sanitaires lors des contacts avec leurs patients. Je me suis projeté dans le cabinet de ce médecin généraliste, averti par une lettre du S.P.F Santé publique qu'il était suspendu de pratique durant une semaine pour non-respect des règles de prévention Covid.

Si les éléments nous manquent pour juger du bien-fondé de cette mesure, un malaise surgit devant la pauvreté des accusations avancées pour la justifier, que motive la nécessité de préserver l'anonymat des plaignants. Quel soignant peut se targuer d'avoir été irréprochable durant cette année de folie qui vit se succéder toutes les consignes et leur contraire, chacun faisant ce qu'il put pour affronter le chaos et assurer les meilleurs soins aux patients souvent au risque de sa propre santé. On aurait aimé, si défaut de prévention il y eut, que le patient l'exprime au moment de la consultation et, en cas de plainte, qu'elle soit motivée et assumée par celui qui la dépose en se nommant et décrivant avec précision les circonstances.

Voir sans être vu

La délation anonyme va de pair avec un contrôle social accru en période de pandémie, par peur de la maladie, ennui ou simple jalousie. On dénonce tout et n'importe quoi par téléphone, par courrier non-signé et par rumeur. Dans le studio à côté de l'appartement d'une cousine il y a une dame qui coiffe, derrière ses rideaux baissés ce tenancier de bistrot sert ses clients fidèles, dans le jardin clos de cette maison unifamiliale un groupe de dix personne organise un barbecue. C'est le règne des regards haineux derrière les rideaux immobiles et de la dénonciation en toute impunité.

Jusqu'ici le phénomène touchait peu la profession médicale, portée aux nues au début de la crise. Que des patients puissent désormais placer l'oeil au judas qui permet de voir sans être vus, et dénoncer sans prendre le moindre risque personnel leur médecin, transgresse une loi non-écrite : celle de la confiance réciproque qui préside à la relation médicale. Se posera à l'avenir l'inévitable question : le patient sans visage qui m'a dénoncé, serait-ce lui ?

Carl Vanwelde

Je découvris un vendredi soir en fin de consultation un superbe bouquet de fleurs anonyme devant la porte de mon cabinet. Tous mes efforts pour en découvrir le donateur furent vains et je me résolus à considérer que chaque patient(e) croisé(e) par la suite pouvait l'être. Les scrutant avec bienveillance lorsqu'ils franchissaient la porte, se posa ainsi durant de longues semaines la même question : serait-ce lui ? Ce bouquet sans nom m'est revenu à la mémoire en découvrant ce samedi le court reportage du journal télévisé de la RTBF relatant la hausse significative des dénonciations anonymes contre le corps médical pour défaut de précaution et non-respect des règles sanitaires lors des contacts avec leurs patients. Je me suis projeté dans le cabinet de ce médecin généraliste, averti par une lettre du S.P.F Santé publique qu'il était suspendu de pratique durant une semaine pour non-respect des règles de prévention Covid.Si les éléments nous manquent pour juger du bien-fondé de cette mesure, un malaise surgit devant la pauvreté des accusations avancées pour la justifier, que motive la nécessité de préserver l'anonymat des plaignants. Quel soignant peut se targuer d'avoir été irréprochable durant cette année de folie qui vit se succéder toutes les consignes et leur contraire, chacun faisant ce qu'il put pour affronter le chaos et assurer les meilleurs soins aux patients souvent au risque de sa propre santé. On aurait aimé, si défaut de prévention il y eut, que le patient l'exprime au moment de la consultation et, en cas de plainte, qu'elle soit motivée et assumée par celui qui la dépose en se nommant et décrivant avec précision les circonstances.La délation anonyme va de pair avec un contrôle social accru en période de pandémie, par peur de la maladie, ennui ou simple jalousie. On dénonce tout et n'importe quoi par téléphone, par courrier non-signé et par rumeur. Dans le studio à côté de l'appartement d'une cousine il y a une dame qui coiffe, derrière ses rideaux baissés ce tenancier de bistrot sert ses clients fidèles, dans le jardin clos de cette maison unifamiliale un groupe de dix personne organise un barbecue. C'est le règne des regards haineux derrière les rideaux immobiles et de la dénonciation en toute impunité.Jusqu'ici le phénomène touchait peu la profession médicale, portée aux nues au début de la crise. Que des patients puissent désormais placer l'oeil au judas qui permet de voir sans être vus, et dénoncer sans prendre le moindre risque personnel leur médecin, transgresse une loi non-écrite : celle de la confiance réciproque qui préside à la relation médicale. Se posera à l'avenir l'inévitable question : le patient sans visage qui m'a dénoncé, serait-ce lui ?Carl Vanwelde