" Petit sondage, pour commencer. Combien d'entre vous êtes au courant que la convention dans le cadre du syndrome des apnées obstructives du sommeil va changer en janvier ? ", interroge le Dr Farhad Baharloo. Face au pneumologue et spécialiste du sommeil, quelques dizaines de médecins généralistes rassemblés à l'occasion de la grande journée* de l'Hôpital Citadelle (Liège) pour un atelier consacré à " La place de la MG dans la nouvelle convention des apnées du sommeil, ses opportunités, ses défis et ses embuches ".

Aucun doigt ne se lève, mais le Dr Baharloo n'a guère l'air étonné : le projet de nouvelle convention SAOS de l'Inami, dont une " note conceptuelle " avait filtré en juillet dernier, est passé complètement inaperçu. Il sous-tend pourtant de gros changements, dont une plus grande implication des médecins généralistes qui devraient notamment désormais travailler avec des... sociétés de service. Objectif avoué de l'assurance maladie : transférer une (bonne) partie des actes diagnostiques et thérapeutiques en-dehors des hôpitaux pour augmenter la cadence des dépistages (les patients SAOS encourent de gros risques cardiovasculaires) et des traitements, tout en limitant les coûts (une polysomnographie complète en hospitalisation coûte 1.300 euros/nuit, à charge donc du contribuable).

Rassurez-vous tout de suite : l'Inami vient de faire marche arrière et conserve la convention actuelle (en cours depuis 2018) jusqu'au 31 décembre 2025. Les spécialistes du sommeil et leurs sociétés savantes n'y sont sans doute pas pour rien. Mais voici de quoi il retournait, pour que vous soyez au courant si jamais ce projet revenait de plus belle.

À terme, seulement 20 % de polysomnographies à l'hôpital

En cas de suspicion de SAOS, le médecin traitant demanderait un examen diagnostic sur base d'un nombre de critères établis par la nouvelle convention (test de somnolence, anamnèse orientée, questionnaire " stop bang "). Les résultats des examens seront censés être positifs dans la majorité des cas, puisque demandés à partir de critères pré-sélectifs (avec un risque de contrôle, voire de sanctions, en cas d'excès d'examens négatifs ?). Il est prévu de créer une prestation tarifaire spécifique dans la nomenclature pour le généraliste.

" Dans 80% des cas, l'examen devra passer par une polysomnographie de type II - non surveillée, à domicile et sans caméra -, et seulement 20% par une PSG I, c'est-à-dire sous surveillance et caméra à l'hôpital ", explique le Dr Baharloo (la proportion 80/20 devant être atteinte progressivement dans les six ans de la nouvelle convention).

Qui aurait encore droit à une PSG I ? Les patients avec comorbidités (cardiaques, respiratoires, diabète, obésité).

Si les PSG I se dérouleront comme aujourd'hui en unité du sommeil à l'hôpital, les PSG II seront réalisées à domicile via une société de service au choix du duo médecin généraliste/patient. Les résultats de l'examen seront envoyés à un médecin somnologue (avec le dossier du médecin généraliste), qui aura 15 jours pour les analyser. L'Inami prévoit que le médecin traitant puisse lui-même analyser les données, dans le futur, après formation. Les critères de diagnostic positif seraient semblables à ceux d'aujourd'hui, mais des critères symptomatiques cliniques s'ajouteraient à l'actuel indice apnées/hypopnées (IAH) égal ou supérieur à 15.

Les deux types de traitement - CPAP ou orthèse - seront encore remboursés

CPAP : c'est la société de service qui met le traitement (auto-CPAP) en route. L'hôpital peut proposer de le faire, mais alors à sa charge unique (non pas financière, car pris en charge par la convention, mais l'hôpital doit assurer l'entièreté du traitement sans passer par une société de service). Un suivi médical est assuré par l'unité du sommeil au cours des neuf premiers mois (le côté technique est assuré par la société de service). Ce suivi est ensuite transféré vers la société de service et le médecin traitant (le somnologue restant disponible). La nouvelle convention ne couvre que l'activité technique, les prestations sont tarifées selon la nomenclature. Une télésurveillance permet de communiquer les données au généraliste. Pourra-t-on refaire une PSG chez un patient traité ? " Oui, mais la future convention ne le prévoit que sporadiquement, dans 3% des cas ", précise le Dr Baharloo.

© Getty Images

Orthèse : la décision est prise conjointement entre le médecin du sommeil et le patient sur base d'examens ORL et d'orthodontie. L'appareillage est géré par un dentiste agréé (sur base du rapport du médecin). Une PSG de type III (polygraphie uniquement ventilatoire à quatre canaux ou plus) est réalisée à domicile dans les cinq mois pour vérifier l'efficacité de l'orthèse. La convention se termine après neuf mois, le suivi est assuré par le généraliste (le médecin du sommeil reste disponible). À noter que la future convention prévoit aussi une prise en charge multidisciplinaire - diététicien et kiné -, un forfait unique pour 2h30 de prestations à l'hôpital pour des changements de mode de vie (régime, activité physique). Le généraliste assure le relais.

" Les sociétés savantes (la Société belge de pneumologie, la Bass et Sleep Online, NdlR) ont manifesté leurs différentes craintes à l'Inami ", explique le Dr Baharloo, " comme le risque de perte de la qualité d'adhésion thérapeutique à la CPAP qui est exemplaire en Belgique, un affaiblissement de la médecine du sommeil avec moins de somnologues si l'on perd une partie de l'activité en unités du sommeil, un risque d'esprit mercantile en recourant à des sociétés de service et, enfin, un manque de temps du généraliste pour gérer tout cela en plus de sa charge de travail et une dilution de l'expertise médicale si elle passe par des sociétés de service. "

De telles sociétés de service existent-elles déjà chez nous ? " Oui, il en existe plusieurs. Ce système est par exemple très répandu dans les hôpitaux français ", précise notre interlocuteur, qui souligne un potentiel souci technique lors de l'envoi des données de PSG : " Les logiciels hospitaliers doivent être compatibles techniquement. "

La nouvelle convention, finalement reportée au dernier moment, sera-t-elle réalité en 2026 ?

*La 34e édition de cette journée - événement qui connaît toujours un succès considérable - a battu tous les records, cette année, avec plus de 350 médecins généralistes participants venus de toute la province de Liège, dont de nombreux jeunes praticiens, qui ont pu participer à des conférences et ateliers pratiques sur 17 thématiques différentes, ateliers emmenés, entre autres, par 60 médecins spécialistes de l'Hôpital Citadelle.

" Petit sondage, pour commencer. Combien d'entre vous êtes au courant que la convention dans le cadre du syndrome des apnées obstructives du sommeil va changer en janvier ? ", interroge le Dr Farhad Baharloo. Face au pneumologue et spécialiste du sommeil, quelques dizaines de médecins généralistes rassemblés à l'occasion de la grande journée* de l'Hôpital Citadelle (Liège) pour un atelier consacré à " La place de la MG dans la nouvelle convention des apnées du sommeil, ses opportunités, ses défis et ses embuches ".Aucun doigt ne se lève, mais le Dr Baharloo n'a guère l'air étonné : le projet de nouvelle convention SAOS de l'Inami, dont une " note conceptuelle " avait filtré en juillet dernier, est passé complètement inaperçu. Il sous-tend pourtant de gros changements, dont une plus grande implication des médecins généralistes qui devraient notamment désormais travailler avec des... sociétés de service. Objectif avoué de l'assurance maladie : transférer une (bonne) partie des actes diagnostiques et thérapeutiques en-dehors des hôpitaux pour augmenter la cadence des dépistages (les patients SAOS encourent de gros risques cardiovasculaires) et des traitements, tout en limitant les coûts (une polysomnographie complète en hospitalisation coûte 1.300 euros/nuit, à charge donc du contribuable).Rassurez-vous tout de suite : l'Inami vient de faire marche arrière et conserve la convention actuelle (en cours depuis 2018) jusqu'au 31 décembre 2025. Les spécialistes du sommeil et leurs sociétés savantes n'y sont sans doute pas pour rien. Mais voici de quoi il retournait, pour que vous soyez au courant si jamais ce projet revenait de plus belle.En cas de suspicion de SAOS, le médecin traitant demanderait un examen diagnostic sur base d'un nombre de critères établis par la nouvelle convention (test de somnolence, anamnèse orientée, questionnaire " stop bang "). Les résultats des examens seront censés être positifs dans la majorité des cas, puisque demandés à partir de critères pré-sélectifs (avec un risque de contrôle, voire de sanctions, en cas d'excès d'examens négatifs ?). Il est prévu de créer une prestation tarifaire spécifique dans la nomenclature pour le généraliste." Dans 80% des cas, l'examen devra passer par une polysomnographie de type II - non surveillée, à domicile et sans caméra -, et seulement 20% par une PSG I, c'est-à-dire sous surveillance et caméra à l'hôpital ", explique le Dr Baharloo (la proportion 80/20 devant être atteinte progressivement dans les six ans de la nouvelle convention). Si les PSG I se dérouleront comme aujourd'hui en unité du sommeil à l'hôpital, les PSG II seront réalisées à domicile via une société de service au choix du duo médecin généraliste/patient. Les résultats de l'examen seront envoyés à un médecin somnologue (avec le dossier du médecin généraliste), qui aura 15 jours pour les analyser. L'Inami prévoit que le médecin traitant puisse lui-même analyser les données, dans le futur, après formation. Les critères de diagnostic positif seraient semblables à ceux d'aujourd'hui, mais des critères symptomatiques cliniques s'ajouteraient à l'actuel indice apnées/hypopnées (IAH) égal ou supérieur à 15.CPAP : c'est la société de service qui met le traitement (auto-CPAP) en route. L'hôpital peut proposer de le faire, mais alors à sa charge unique (non pas financière, car pris en charge par la convention, mais l'hôpital doit assurer l'entièreté du traitement sans passer par une société de service). Un suivi médical est assuré par l'unité du sommeil au cours des neuf premiers mois (le côté technique est assuré par la société de service). Ce suivi est ensuite transféré vers la société de service et le médecin traitant (le somnologue restant disponible). La nouvelle convention ne couvre que l'activité technique, les prestations sont tarifées selon la nomenclature. Une télésurveillance permet de communiquer les données au généraliste. Pourra-t-on refaire une PSG chez un patient traité ? " Oui, mais la future convention ne le prévoit que sporadiquement, dans 3% des cas ", précise le Dr Baharloo.Orthèse : la décision est prise conjointement entre le médecin du sommeil et le patient sur base d'examens ORL et d'orthodontie. L'appareillage est géré par un dentiste agréé (sur base du rapport du médecin). Une PSG de type III (polygraphie uniquement ventilatoire à quatre canaux ou plus) est réalisée à domicile dans les cinq mois pour vérifier l'efficacité de l'orthèse. La convention se termine après neuf mois, le suivi est assuré par le généraliste (le médecin du sommeil reste disponible). À noter que la future convention prévoit aussi une prise en charge multidisciplinaire - diététicien et kiné -, un forfait unique pour 2h30 de prestations à l'hôpital pour des changements de mode de vie (régime, activité physique). Le généraliste assure le relais." Les sociétés savantes (la Société belge de pneumologie, la Bass et Sleep Online, NdlR) ont manifesté leurs différentes craintes à l'Inami ", explique le Dr Baharloo, " comme le risque de perte de la qualité d'adhésion thérapeutique à la CPAP qui est exemplaire en Belgique, un affaiblissement de la médecine du sommeil avec moins de somnologues si l'on perd une partie de l'activité en unités du sommeil, un risque d'esprit mercantile en recourant à des sociétés de service et, enfin, un manque de temps du généraliste pour gérer tout cela en plus de sa charge de travail et une dilution de l'expertise médicale si elle passe par des sociétés de service. "De telles sociétés de service existent-elles déjà chez nous ? " Oui, il en existe plusieurs. Ce système est par exemple très répandu dans les hôpitaux français ", précise notre interlocuteur, qui souligne un potentiel souci technique lors de l'envoi des données de PSG : " Les logiciels hospitaliers doivent être compatibles techniquement. "La nouvelle convention, finalement reportée au dernier moment, sera-t-elle réalité en 2026 ? *La 34e édition de cette journée - événement qui connaît toujours un succès considérable - a battu tous les records, cette année, avec plus de 350 médecins généralistes participants venus de toute la province de Liège, dont de nombreux jeunes praticiens, qui ont pu participer à des conférences et ateliers pratiques sur 17 thématiques différentes, ateliers emmenés, entre autres, par 60 médecins spécialistes de l'Hôpital Citadelle.